On ne s’improvise pas un des meilleurs horlogers de son temps. On le devient pas à pas, porteur d’un long héritage. Et ce n’est pas un hasard si, à travers les siècles, s’établissent des filiations aussi éclatantes que mystérieuses entre horlogers mus par une même passion.
Antide Janvier construisit sa première sphère mouvante en bois à l’âge de 15 ans, exploit reconnu deux ans plus tard par l’Académie des sciences de Besançon. Le jeune François-Paul commença la construction de sa première montre à tourbillon à l’âge de 20 ans et à 22 ans, il conçu un premier planétaire.
Parmi les nombreux chef-d’oeuvres de Antide Janvier, horloges compliquées astronomiques et autres sphères mouvantes, on retiendra ici sa maîtrise du phénomène physique de résonance dans un régulateur, phénomène naturel dont seul F.P.Journe perpétue aujourd’hui la délicate et difficile technique à travers une conception moderne, celle d’une montre-bracelet mécanique portée à la plus haute précision.
Résumer une grande pendule double dans le petit espace d’une boîte de montre-bracelet, était-ce possible ? F.P.Journe a douté et néanmoins tenté cette course moderne à l’extrême précision mécanique pour une mesure extrême de précision de la mesure du temps.
Pour F.P.Journe comme pour Antide Janvier, il aura fallu plusieurs années pour réaliser l’impossible gageure. F.P.Journe cherche, calcule, réfléchit, renonce, reprend calculs et dessins jusqu’à véritablement entrer en résonance intellectuelle avec Antide Janvier et là, il commence à comprendre et peut tenter de suivre la même voie, la même réflexion.
Une montre n’est pas une pendule. Il calcule, vérifie, doute encore avec une première création en montre de poche, qui ne fonctionne pas encore selon ses attentes.
Il abandonne le projet durant quelques années mais le pendule d’Antide Janvier est ancré dans sa tête. Mains, cerveau, calculs, croquis et prototypes se mettent en résonance dans la tête de F.P.Journe qui travaille et planche sans relâche à la table à dessin. Ça doit fonctionner, et enfin « ça » fonctionne. La première montre-bracelet à « Résonance » ® (marque protégée), a été commercialisée en Première Mondiale en l’an 2000.
Ce garde-temps emblématique signe distinctivement les recherches horlogères de François-Paul Journe sur la précision.
Pensé, développé et construit pour répondre aux exigences du porter au poignet et offrir une chronométrie poussée à l’extrême, cette montre représente un des défis les plus fous dans le domaine de la montre mécanique ! Chacun des deux balanciers est alternativement excitateur et résonateur. Lorsque les deux balanciers sont en mouvement, ils entrent en sympathie et se mettent à battre naturellement en opposition. Les deux balanciers s’épaulent alors l’un l’autre, donnant plus d’inertie à leur mouvement.
Cet accord n’est toutefois possible que si la différence de fréquence de l’un à l’autre n’excède pas cinq secondes par jour de différence cumulée sur six positions. Leur réglage est d’une extrême délicatesse.
Alors qu’un mouvement perturbateur externe affecte le fonctionnement d’une montre mécanique traditionnelle, cette même perturbation produit, pour le Chronomètre à Résonance, un effet qui accélère un des balanciers autant qu’il ralentit l’autre. Peu à peu, les deux balanciers reviennent l’un vers l’autre pour retrouver leur point d’accord, éliminant ainsi la perturbation.
Ce mécanisme révolutionne les standards établis et offre une précision encore jamais égalée dans la montre-bracelet mécanique.
En 2004, F.P.Journe réalise enfin un autre rêve, fabriquer ses mouvement de haute horlogerie en métal précieux, l’Or rose 18 ct. Le Chronomètre à Résonance se pare pour la première fois d’un mouvement en Or rose 18 ct. Une spécificité que l’on retrouvera sur tous les chronomètres de précision de la marque.
En 2010, pour commémorer les 10 ans de son illustre Chronomètre à Résonance, acclamé par les collectionneurs du monde entier aussi bien que par les professionnels de l’horlogerie, il présente, dans une ultime quête de précision, une nouvelle version affichant désormais un affichage sur 24 heures avec le cadran à 9 heures, définissant avec précision les heures diurnes des heures nocturnes. Le cadran à 3 heures en argent guilloché affiche un second fuseau horaire qui indique l’heure locale. Le Chronomètre à Résonance reçoit le Prix de la Complication au Grand Prix d’Horlogerie de Genève 2010.
A l’entrée des ateliers de la manufacture F.P.Journe trône une pièce fascinante, la seconde des trois pendules doubles construites par Antide Janvier. La 1ère appartient au musée Paul Dupuis à Toulouse et la 3ème au musée Patek Philippe à Genève.
PHENOMENE PHYSIQUE
Christian Huygens (1629-1695) a, le premier, observé et noté que deux horloges à balancier placées sur une même cloison synchronisaient leurs mouvements. Le système possède par le couplage deux modes propres correspondants aux mouvements en phase et en opposition de phase des deux pendules. C’est sur le premier mode que se produit la synchronisation.
La résonance est un phénomène naturel acoustique. Tout corps animé transmet une vibration à son environnement. Lorsqu’un autre corps à la même fréquence capte cette vibration, il en absorbe l’énergie. En horlogerie, ce sont deux mouvements indépendants installés côte à côte, puisant leur énergie indifféremment, qui débitent le temps par des balanciers rythmés en opposition qui se mettent en phase.
Tous les systèmes de radio-communication, émetteur ou récepteur, utilisent des résonateurs pour « filtrer » les fréquences des signaux qu’ils traitent. Lorsque nous recherchons un programme sur un récepteur radio, celui-ci grésille tant que les ondes choisies n’ont pas rencontré les ondes de l’émetteur : alors seulement, elles s’harmonisent pour entrer en résonance !
L’imagerie par résonance magnétique (IRM) utilise la résonance des protons d’un organisme pour fabriquer des images. L’automobile, avec son système de suspension, constitue un oscillateur ! Les amortisseurs évitent que le véhicule entre en résonance aigüe.
Les grands buildings sensibles aux tremblements de terre sont protégés en installant un oscillateur (un gros pendule) suspendu au haut de l’immeuble et dont la fréquence propre est voisine de celle du bâtiment. Ainsi l’énergie est absorbée par le pendule, empêchant l’immeuble de s’effondrer.
Un pont est soumis à des oscillations verticales, transversales ou de torsion. En 1850, une troupe traversant un pont suspendu sur la rivière du Maine, à Angers, et marchant au pas et en rythme, a provoqué la rupture du pont, entraînant la mort de 226 soldats. Le règlement militaire interdisait de traverser un pont au pas !
Les musiciens jouant sur des instruments à cordes frottées et à vent connaissent, eux aussi, le phénomène de résonance, comme en témoignait le musicien Keith Jarrett dans le premier catalogue F.P.Journe.
TEMOIGNAGE DE KEITH JARRETT
«Selon mon expérience, la résonance concerne tous les domaines. En musique, il s’agit d’une évidence: les luths et les sitars, par exemple, possèdent des cordes dont l’unique raison d’être est de vibrer par résonance; le musicien ne les touche jamais, malgré leur proximité avec les cordes pincées.
Dans la vie elle-même, comme dans les systèmes mécaniques, la résonance intervient à chaque instant. Je me souviens du jour où j’ai remarqué pour la première fois que la même musique résonne autrement lorsque différentes personnes sont présentes dans un même lieu.
Plus deux systèmes sont proches, qu’ils soient mécaniques, musicaux, humains ou autres, plus ils sont en interaction ou en résonance. Plus deux amants se sentent proches, plus ils exercent un effet l’un sur l’autre.
De manière analogue, plus deux contraires sont rapprochés, plus ils se repoussent mutuellement.
Il y a quelque temps déjà que l’on s’est rendu compte qu’il est possible de changer le son provenant d’un équipement sonore simplement en modifiant sa résonance. Le son émis par un objet en apparence inerte (un amplificateur par exemple) peut changer fondamentalement en fonction de la matière sur laquelle il repose, ou selon la densité des objets déposés sur sa partie supérieure.
Aussi, il semble parfaitement possible d’accroître (ou d’altérer) la précision d’un mécanisme en utilisant la résonance d’un autre mécanisme, placé suffisamment près pour exercer l’effet voulu sur le premier. Ils fonctionneraient ainsi en tandem, en se contrôlant en quelque sorte mutuellement, dans une situation très semblable à celle que vous vivez lorsque vous êtes accompagné de la personne adéquate au moment d’écouter pour la première fois le son d’un enregistrement que vous venez de réaliser.» Keith Jarrett, février 2002
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