Président
Comment se porte la marque Carl F. Bucherer ?
La marque s’est très bien développée. En 2009, nous vendions 6 000 pièces par an. A présent nous avoisinons les 20 000 pièces. Nous avons développé de nouveaux marchés, et ce au niveau international. Nous travaillons très bien en Asie où nous réalisons 40% de notre chiffre d’affaire, mais aussi en Europe au travers de nos propres magasins Bucherer.
La marque a développé 5 collections très différentes les unes des autres, chacune avec un ADN propre : Manero (la classique), Patravi (la sportive), Adamavi (l’élégante), ainsi que 2 lignes féminines au travers des collections Alacria et Pathos.
Avez-vous l’intention de travailler sur ces collections ou d’en créer de nouvelles ?
2011 a été était l’année de la collection Manero. Nous avons créé une pièce d’entrée de gamme, une autre de moyen de gamme puis en fin d’année une pièce haute horlogerie a été lancée (100 000 CHF en prix de vente).
Toute la ligne Manero a connu son essor entre 2011 et 2012. Nous avons donc beaucoup développé notre collection. Par contre, il est clair que, concernant les collections féminines, il y a encore beaucoup de potentiel, surtout avec la ligne Pathos qui va vous surprendre par ses nouveautés.
Concernant la collection Patravi, au sein de laquelle a notamment été développée la ScubaTec, de belles choses sont en préparation…
En somme, 80 à 90% de la collection est créée. Il faudra peut-être procéder à quelques ajustements selon le marché mais le plus gros du travail a déjà été fait. Sur les 40 meilleures ventes de produits CFB d’aujourd’hui chez Bucherer, 38 sont des nouveautés, qui ont été introduites après 2011.
Cependant, nous voulons toujours rester très innovants, proposer des solutions uniques au niveau technologique concernant les mouvements ou des matériaux qu’on utilise. Par exemple aujourd’hui avec la Pathos nous utilisons un matériau qui s’appelle la Nerolithe, qui se trouve autour de la boite, et qui peut adopter différentes couleurs (rouge, blanc…).
Je suis aujourd’hui beaucoup plus serein qu’il y a 4 ans car il y avait, à l’époque, beaucoup de travail à faire. Et aujourd’hui nous sommes prêts pour les marchés, notamment les marchés en Asie, l’US, et les marchés occidentaux.
En visitant votre manufacture et ses différents sites, j’ai pu constater une montée en puissance de la marque (acquisition de locaux, achat de matériel, embauches …). Vous avez une capacité de production de 20 000 pièces par an aujourd’hui. Devez-vous encore croître pour passer au-delà ?
Aujourd’hui, la marque a un potentiel de vente de 25 000 à 30 000 pièces par an mais il est vrai que nous sommes limités par notre capacité de production. Nous connaissons un déficit de production des montres les plus importantes au niveau du chiffre d’affaire et c’est un grand problème. A Lengnau, jusqu’à présent, nous louions un étage entier du bâtiment. A présent, nous avons acheté tout l’immeuble, c’est-à-dire que nous avons triplé notre surface d’occupation des lieux. Nous allons beaucoup investir dans cette unité et dans nos capacités de production. Nous devrions être prêts en fin de 1er trimestre 2015 pour très vite atteindre les 30 000 pièces produites.
Quelle sera la part des montres équipées de votre mouvement manufacture sachant qu’à ce jour vous êtes limités à une production de 3 500 mouvements par an ?
A mon arrivée, nous ne produisions que quelques pièces en interne. En 2011, nous en fabriquions 500 et cette année, nous allons produire 3 500 pièces. Le prix d’un modèle avec un mouvement CFB correspond à la haute qualité d’un mouvement de Manufacture maison. Je pense que dans cette gamme, on devrait plafonner à 5 000 pièces par an.
Ne pensez-vous pas vous-même freiner cette production de manière à assurer un niveau de qualité irréprochable ?
Oui, absolument. Vous savez il y a 2 stratégies très intéressantes dans l’horlogerie. Il existe dans l’industrie horlogère suisse une marque que tout le monde connaît et qui fabrique presque 1 million de pièces, et il en existe une autre dont tout le monde dit que c’est la plus importante et qui n’en produit que 55 000. Ce sont 2 concepts complètement différents mais ces 2 marques se trouvent au « top du top ».
Je suis convaincu que la stratégie pour Carl F. Bucherer c’est aussi l’exclusivité. Vous aurez compris que je ne souhaite pas que Carl F. Bucherer devienne une marque de masse. Aujourd’hui, nous devons encore grandir, c’est important, mais ensuite, il faudra plafonner.
Pensez-vous développer un autre mouvement manufacture ?
Sur ce mouvement, nous avons développé tellement de déclinaisons et tellement d’options que pour le moment nous pouvons continuer avec lui. Cependant, nous avons déjà créé un 2nd mouvement manufacture qui est prêt et que nous allons sortir a la foire de Bâle 2015. Et nous avons encore une idée pour quelque chose de très spécial que l’on aimerait bien lancer en 2019 pour commémorer les 100 ans de la 1ère montre Carl F. Bucherer.
Aujourd’hui, en 2014, on pense déjà à 2019 ?
Oui, l’horlogerie ne s’improvise pas. Il faut une vision à court, moyen et long terme.
Concernant la société, peut-on dire que la marque est rentable ?
Oui bien sûr. Mon but, quand je suis arrivé, c’était de faire le « turn around » de la marque. Cela faisait 10 ans qu’elle était sur le marché, c’était donc une marque jeune. Le « turn around » a été réalisé en 2011.
Concernant la communication et le marketing, quel est aujourd’hui votre stratégie ?
Aujourd’hui, ce qui est très important c’est le « mix » des différents supports. Nous sommes présents sur le Web, sur le « print », sur des événements, et nous avons des partenariats prestigieux. Ce « mix » est différent selon les marchés et selon les habitudes des consommateurs de chaque marché.
Ce qui a beaucoup apporté à la marque et qui nous a permis d’exploser en termes d’image et de vente, ce sont les partenariats avec le football (Association Suisse de Football), avec Zai et ses produits exclusifs de golf et de ski, avec Mimotec SA et sa technologie laser. Cela a permis une innovation incroyable et surtout nous a autorisé une visibilité deux à trois fois supérieure. Il faut savoir que nous sommes une entreprise familiale. Notre marketing doit être un petit peu différent et plus créatif. Ce qui est important pour nous, c’est de collaborer avec des partenaires qui partagent les mêmes valeurs : innovation, haute qualité, authenticité.
Lors de mes visites, j’ai pu constater un mode de fonctionnement assez singulier au sein de Carl F. Bucherer. Une dynamique qui s’apparenterait à celle d’une start-up. Comment expliquez vous cela ?
Vous avez tout à fait raison. Il y a 4 ans quand j’ai commencé, j’ai recherché, comme je vous l’ai déjà dit, le « turn around ». Aujourd’hui nous avons créé une base avec les produits, avec la distribution, avec le marketing, et avec la politique tarifaire qui est très bien chez Carl F. Bucherer. Cette base fonctionne bien. Et maintenant, le fait de pousser la marque à un autre niveau s’apparente à une politique de start-up. J’estime que j’ai beaucoup de chance car j’ai une super équipe. Nous sommes environ 170 personnes sur le monde entier et chacun est très actif, très dynamique et très impliqué. Carl F. Bucherer c’est comme une famille, car nous sommes une entreprise familiale avant tout.
Pour vous, quelle est la chose la plus importante au sein de Carl F. Bucherer ?
Certains seraient tentés de vous répondre le produit ou les prix ? Non, pour moi c’est l’état d’esprit. Quand vous passez dans les bureaux ou dans les ateliers, vous voyez que tout le monde travaille très dur mais avec le sourire. Il est clair que le succès aide beaucoup mais il y a aussi cette dynamique que l’on ressent. Que vous-même avez ressenti en nous visitant. Et il faut que cela demeure !
Quels sont les avantages et les inconvénients d’appartenir à un groupe familial ?
Les inconvénients se trouvent très clairement au niveau des achats pour par exemple les composants et les espaces publicitaires. Vous ne pouvez pas avoir les mêmes tarifs que les grands groupes et vous n’êtes pas toujours prioritaire. Cependant tout le monde aime travailler avec Carl F. Bucherer car c’est un très bon client, qui paye en temps et en heure. C’est important (rires).
Par contre l’avantage d’être une entreprise familiale c’est d’être très solide financièrement et d’avoir une prise de décision ultra rapide. J’ai un accès direct au président du groupe Bucherer, Monsieur Jörg G. Bucherer, qui en est aussi le propriétaire de troisième génération, et qui se trouve deux étages au dessus de mon bureau. Cela nous permet des prises de décision importantes de façon instantanée. Ça c’est un avantage qui n’est pas négligeable en terme de stratégie.
Retrouvez l’intégralité de cet entretien dans le n° Hors-Série de décembre 2014 de La Revue des Montres
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