Nous sommes en juin 2014, au retour d’un déplacement à Genève, et je suis invité par Richard Piras, CEO de Klokers, à lui rendre visite dans ses bureaux d’Annecy le Vieux. Je le sais très affairé depuis quelques mois à un projet horloger audacieux, et connaissant ce transfuge de la haute horlogerie créative indépendante, je m’attends à être surpris. Mais je dois avouer que je ne m’attendais tout de même pas à voir ce que j’allais découvrir.
Tout d’abord j’ai trouvé une ambiance. Pas d’erreur il s’agit bien d’une Start Up ! Richard Piras et ses collaborateurs étaient très enthousiastes à l’idée de partager leur expérience. Il y avait des objets en tous genres sur les bureaux. Des prototypes de montres, des prototypes d’accessoires, des objets venant du passé, et des essais de plaquettes de communication. On y trouvait les inspirations et les résultats… Le lot de tout projet naissant !
Ce qui m’a le plus surpris d’un homme comme Richard Piras, après avoir écouté de quoi il était question, c’était le grand écart qu’il semblait faire. Passer d’une horlogerie ultra confidentielle, mécanique et ultra luxe à une horlogerie quartz, tendance et à gros volume pouvait sembler contradictoire. Pour lui, rien de tout cela. Il s’est appliqué à me convaincre que son expérience passée allait lui permettre de réussir dans sa démarche actuelle. Il était intraitable sur le choix des composants de ses futures montres et des fournisseurs. De la même manière qu’à l’époque où il fabriquait des montres à plusieurs centaines de milliers d’€ l’unité. La qualité devait être le leitmotiv des produits Klokers. Et pour cela aucun compromis n’était possible.
C’est pour cette raison que les montres Klokers devaient être « Swiss Made » selon lui. C’est pour cette raison aussi que la communication autour de la marque devait être créative, dynamique, et de grande qualité. Venant d’un univers entouré de créatifs, Nicolas, l’autre fondateur de Klokers a appliqué cette recette au concept Klokers. Leur but ? Concerner les 35 – 50 ans en leur proposant des montres inspirées d’objets cultes de leur enfance. Leurs moyens ? Une équipe de professionnels de qualité, des investisseurs fiables, et l’utilisation d’internet comme outil de lancement de l’entreprise.
Tous ces éléments rassemblés, il ne restait plus qu’à définir quelle serait la première montre à être proposée au public et à mobiliser un réseau de distribution performant et sécurisé.
La Klok-01 devait marquer les esprits. Cette montre devait être belle, originale, simple, et efficace. Pour cela les créateurs de ce modèle sont allé chercher un objet culte utilisé par des générations d’étudiants : la règle à calcul circulaire.
Pour en connaitre les rudiments, je vous invite à découvrir cette vidéo réalisée il y a un an par Alexandre, membre de Passion Horlogère.
Voici ce que dit Klokers concernant sa Klok-01
L’inspiration
KLOK-01 est inspirée de la règle à calcul, un instrument autrefois ubiquitaire. Il s’agissait d’un ordinateur mécanique analogique, généralement composé de trois échelles dont l’une d’entre elles glisse entre les deux autres. D’abord utilisée pour les multiplications et les divisions, elle servit ensuite à effectuer des opérations plus complexes, telles que les calculs logarithmiques ou trigonométriques.
De la même manière, le cadran de KLOK-01 est composé de trois disques circulaires – un pour les heures, les minutes et les secondes – qui tournent à différentes vitesses et glissent les uns sur les autres.
Il existe un modèle linéaire et un modèle circulaire, ce dernier étant l’inspiration de KLOK-01. Les règles à calcul ont été communément utilisées jusqu’à être largement remplacées au milieu des années 1970 par les calculatrices de poche.
La technologie
KLOK-01 est « Swiss Made » et animée par un mouvement de haute technologie (mouvement de haute précision à quartz). L’affichage des disques rotatifs est rendu possible par des micro-moteurs de type Lavet extrêmement efficaces, bi-directionnels et économes en énergie.
Ces disques affichent l’heure le long d’un axe vertical rouge sur le haut du cadran.
Une lentille de grossissement est intégrée dans le cristal pour garantir une excellente lisibilité de l’heure.
Le boîtier de 44 mm de KLOK-01 est fabriqué en composite métal-polymères pour garantir une résistance maximale et un poids minimal, et s’adapter à tous les poignets. Sur le boîtier, un bouton-poussoir à 8 heures déverrouille la tête de montre de la Key klokers pour interchanger les montres et bracelets.
La Key klokers pour l’interchangeabilité
Tous les bracelets présentent une Key klokers brevetée qui permet de changer les têtes de montres et bracelets, facilement et rapidement. La tête de montre se déverrouille du bracelet à l’aide d’un astucieux bouton-poussoir placé sur le boîtier à 8 heures.
Bracelet
Key klokers : verrouille et déverrouille la tête de montre ; en acier inoxydable brossé, 316 L, hypoallergénique
Bracelet : 22 mm, cuir véritable, conçu pour être porté avec ou sans tête de montre
Boucle : boucle ardillon en acier inoxydable
Couleurs disponibles en 2015 : cuir noir mat, cuir noir satiné, cuir indigo, orange alcantara, gris alcantara et cuir jaune Newport
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L’utilisation de la règle à calcul dans l’horlogerie n’a rien de nouveau. Breitling l’a fait en 1942 avec sa Chronomat, puis en 1952 avec sa Navitimer. Dans le cas de Klokers, il ne s’agit pas d’offrir cette fonction, mais de s’en inspirer esthétiquement. Et on peut dire que c’est une réussite !
Concernant l’utilisation de 3 disques pour la lecture de l’heure, il n’y a là non plus rien de nouveau. D’autres horlogers l’ont déjà fait, dont Seiko encore récemment avec la fameuse « Discus Burger ». L’effet visuel est garanti. N’ayant vu à ce jour qu’un prototype non opérationnel, je ne pourrais témoigner de son bon fonctionnement. Mais a priori rien ne devrait l’entraver. A vérifier !
Le coup de génie de Klokers c’est surtout d’avoir cumulé nombre d’originalités dans cette Klok-01. Les deux citées supra, auxquelles il faut ajouter l’interchangeabilité et la subtilité des trois versions de ce modèle.
Une autre idée de génie a été d’utiliser Internet dans tout ce qu’il a de vertueux. En matière de communication avec une présence importante, dynamique, et de qualité sur les réseaux sociaux.
La campagne de communication a débuté dés le début du projet. Il s’est agit de créer une communauté en la ciblant grâce à des « teasers », c’est à dire des messages créant un univers. Cette campagne de teasing a pris fin il y a quelques semaines pour être remplacée par une campagne d’information sur le projet afin de mobiliser les clients et soutiens potentiels.
Puis il y a eu le lancement officiel le 15 septembre dernier via la souscription sur Kickstarter qui devait permettre de soutenir financièrement le projet en acquérant une des premières montres numérotées à tarif préférentiel.
Et là, la jeune entreprise de Richard Piras et Nicolas Boutherin a réussi son pari ! Mieux que cela, elle a explosé toutes les prévisions.
Alors que Klokers avait estimé à 50 000 € son objectif maximum pour une campagne de 45 jours, celui-ci était atteint en 8 mn. En une journée c’était 500% des objectifs qui étaient atteints avec plus de 250 000 € récoltés. Et au moment de la publication de cet article c’est plus de 330 000 € qui vont financer la jeune entreprise.
https://www.kickstarter.com/projects/1221639153/watches-to-travel-through-time
Avant même d’avoir vu cette montre, on peut considérer qu’elle connaît un grand succès. Ce lancement amène un vent nouveau de fraîcheur dans l’horlogerie alors que le secteur connaît une forme de morosité actuellement. Bien entendu, il n’est pas ici question d’horlogerie que je qualifie d’horlogère, mais plutôt d’accessoire horloger et de tendance. Cependant il y a des leçons à tirer de l’aventure Klokers. Après les horlogers, après les ingénieurs, et après les communicants, c’est sans doute les créatifs qui sont en train de prendre le pouvoir. Il y aura toujours besoin des précédents pour réaliser des garde-temps, mais la technique devrait passer au service de la création. On le voit avec quelques horlogers indépendants flirtant abondamment avec le succès (HYT, MB&F,… sans parler de Richard Mille). On l’observe aujourd’hui avec l’aventure Klokers dans un segment différent. Et on l’attend demain avec l’Apple Watch 2.0 qui sera designée par un certain Marc Newson. Ce vent nouveau se vérifie aussi en matière de communication avec une véritable utilisation intelligente du Web quand certaines marques horlogères « traditionnelles » dénigrent encore ce support. Et je pense que nous ne sommes qu’aux prémices de la révolution horlogère qui s’enclenche. D’autres surprises risquent de se produire dans les prochains mois. Concernant Klokers il s’agira de lancements de nouveaux modèles aussi bien inspirés que cette Klok-01. Et qui sait, pourquoi pas le lancement un jour d’une montre… horlogère… !? En attendant souhaitons leur bonne chance dans leur entreprise, et remercions les pour cette note d’optimisme qu’ils nous ont offerte.
Thierry Gasquez
Président
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