Monterey, CA, USA
QUEL WEEK-END!
La personne la plus occupée durant ces quatre jours fut probablement Lynn Park (La Canada, Californie), « Monsieur Cobra », l’un des plus grands spécialistes de la Shelby Cobra, la marque et le modèle mis à l’honneur cette année. C’est lui qui eut la rude tâche de sélectionner et authentifier les quarante-cinq Cobra engagées dans « leur » course de samedi. Personne ne l’aurait fait mieux que lui. C’est pourquoi, outre qu’il pilotait l’une de ses quatorze Cobra et en avait confié deux à ses fils, il a reçu le prix « The Spirit of Monterey » (L’esprit de Monterey) décerné au pilote incarnant le mieux l’esprit de ce merveilleux week-end, une récompense assortie d’un garde-temps Rolex Oyster Perpetual Cosmograph Daytona acier et or 18 carats spécialement gravé.
« Si vous cherchez les termes ‘labor of love’ dans le Dictionnaire Webster de la langue anglaise, vous me trouverez avec une Cobra en illustration ! » s’amuse Lynn Park qui a possédé cinquante exemplaires de cette voiture mythique et connaissait personnellement feu Carroll Shelby. « J’adore la Cobra, je la vis, je la respire tous les jours. Nous avons travaillé très dur pour que tout se passe aussi bien. En fait, quand les organisateurs sont venus me demander de m’occuper des Cobra, la marque invitée, j’ai dit ‘OK, génial, on va le faire’. Tous les propriétaires de Cobra sont tellement coopératifs. En réalité, ce sont les meilleures personnes qui soient ! Nous avons amené toutes ces Cobra dans le paddock, quel spectacle ! »
Lynn Park se montre ému lorsqu’il évoque Carroll Shelby qui lui disait qu’il avait tellement de mal à attendre la Rolex Monterey Motorsports Reunion de cette année : « Il attendait cela avec impatience. Bien sûr qu’il nous manque. Quel dommage qu’il ne soit pas là, qu’il n’ait pas vu tout ça. »
Lynn Park a reçu une édition spéciale unique de l’affiche de cette année, une œuvre de Bill Patterson qui montre une Shelby Cobra en pleine action dans le Corkscrew, le terrible « Tire-bouchon » du Mazda Raceway Laguna Seca et son dénivelé de plus de cinq étages et demi en une grosse centaine de mètres.
Quant aux Rolex Awards of Excellence, autres prix de prestige, ils ont été décernés dans chaque catégorie par un jury indépendant.
Le dernier jour
Certes, les Cobra ont fait le show samedi. Cela dit, les épreuves du dimanche ont elles aussi fait vibrer les spectateurs avec, en vedette, les voitures les plus rapides, la catégorie des Championnat du Monde des Constructeurs FIA et IMSA GTP 1981 – 1989 où Zac Brown (de Carmel, en Indiana) a pris la pole au volant de sa Porsche 962 1986 avant de mener de bout en bout, admettant tout de même que cela n’avait pas été facile : « Je surveillais Rick Knoop et sa Jaguar Group 44 qui avaient gagné il y a un an. Avec ces voitures plus anciennes, on ne sait jamais ce qui peut arriver, un pépin mécanique ou électrique, même si on mène autant qu’on peut. La Rolex Monterey Motorsports Reunion est le plus gros événement du genre dans ce pays et peut-être même dans le monde entier alors gagner ici, c’est plutôt impressionnant. J’ai cette voiture depuis trois ans et en 2010, je l’avais confiée à un ex-pilote de F1, Stephan Johansson, qui avait été vainqueur, elle est quasi invaincue jusqu’à présent ici. »
Zac Brown a grandi avec la course automobile, débutant comme tant d’autres par le karting, à l’âge de treize ans avant de courir en professionnel de 1991 à 2000 puis d’arrêter : « J’ai décidé de me mettre à la course historique et j’ai trouvé ça passionnant, vraiment ! » D’autant que pour Zac Brown, participer à la Rolex Monterey Motorsports Reunion dépasse la simple présence sur la piste : « Ça dure tout le week-end. Ma femme adore ça, j’ai des amis qui viennent ici, d’autres qui arrivent d’Europe pour être présents. Ce sont donc deux semaines bien remplies, d’autant que je suis venu courir à la Pré-Réunion de la semaine dernière, alors cela fait tout de même, en tout, une dizaine de jours de pilotage, d’excellentes tables, de bons moments partagés et une expérience inoubliable. »
Tout sport mérite un excellent tremplin. En 1958, on créa le tremplin parfait pour accéder à la Formule 1 : la Formule Junior. Après avoir été dominée par des pilotes italiens dotées de voitures à moteur avant, elle fut ensuite conquise par les Britanniques et leurs machines à moteur arrière. Le plus célèbre de ces pilotes fut Jim Clark mais il serait injuste d’oublier John Surtees, Trevor Taylor et Peter Arundell.
C’est un Britannique vivant désormais en Virginie, Mark Gillies, qui a volé la vedette en Formule Junior à Monterey cette année avec sa Lotus 22 de 1962 face à trente-trois autres monoplaces. « Je possède cette voiture depuis environ quatre ans mais ses deux premiers propriétaires sont déjà venu courir ici, à la Rolex Monterey Motorsports Reunion, où ils ont même gagné, » raconte Mark Gillies qui court depuis plus de trente années. « La Lotus 22 fut très populaire en Formule Junior, surtout chez les privés même si les courses accueillaient toujours une ou deux voitures d’usine. On les voyait parfois en Formule 1 mais c’était surtout pour remplir les grilles de départ car elles n’y étaient pas compétitives. »
Dans la même catégorie courait cette année Sharon Adelman (de Free Union, en Virginie), qui a terminé douzième aux commandes de sa Brabham BT6 1963. « Une course rude, compétitive et très excitante, » s’exclame Sharon, cinq ans de carrière au volant et qui n’était pas la seule femme inscrite dans cette catégorie. « Il y en avait quelques-unes et plutôt compétentes ! Évidemment, avec leur combinaison de course, difficile de les distinguer ! » avoue Sharon Adelman. « Je viens ici pour la première fois. J’ai été à la fois excitée et réellement surprise de si bien réussir. Il y avait pas mal d’excellents pilotes dans cette catégorie et je m’y suis sentie en sécurité comme débutante. J’ai pris beaucoup de plaisir et j’ai hâte de revenir »
La plus vieille voiture
Ce qui rend la course automobile historique si séduisante, c’est en même temps le fait de voir et revoir tout autour du monde des épreuves mettant aux prises ces voitures colorées qui font rêver et rappellent tant de jours de gloire des sport moteurs, et aussi le fait de pouvoir apprendre des choses qui dépassent les souvenirs et l’imagination. Samedi à Monterey, lorsque huit voitures d’avant la Grande guerre se sont retrouvées flancs contre flancs dans la catégorie Pré-1940 Sport et Tourisme de compétition, les spectateurs se sont tout de suite rendu compte qu’il allait se passer quelque chose. La plus ancienne de ces voitures était l’extraordinaire Renault Grand Prix 1907 d’Alan Travis (Phoenix, Arizona).
D’après Travis, qui aime à raconter l’histoire de cette voiture à qui le lui demande, elle fut la propriété de William K. Vanderbilt. « Vanderbilt avait assisté au Mans au tout premier Grand Prix, » affirme-t-il, « une épreuve remportée par Renault avec une de ces voitures. Il en fut si impressionné qu’il en commanda dix exemplaires à livrer aux États-Unis car il créait une série de courses aux USA, la Vanderbilt Cup. C’est l’une de ces dix voitures. »
Alan Travis ajoute encore que la vitesse de pointe de cette Renault était à l’époque de 145 km/h et qu’il a atteint ce week-end la vitesse de 135 km/h : « Nous avons parcouru avec la Renault quelque six mille quatre cents kilomètres le mois dernier. Nous avons participé à la Great Race avant de venir ici, sur le Mazda Raceway Laguna Seca, avec tous ses virages et ses montagnes russes à passer avec des roues en bois ! Vous pouvez imaginer ce que cela fait d’entrer dans un virage à près de cent à l’heure avec une voiture de cent cinq ans qui a des roues en bois ; c’est probablement plus excitant que de piloter une Cobra à deux cent quarante à l’heure dans le même virage ! »
Travis ajoute que la Renault qui, neuve, coûtait quinze mille dollars à une époque où on pouvait acheter une maison pour cinq cents dollars, n’a de freins qu’à l’arrière, qui agissent sur les roues et qu’il est impossible de les manœuvrer en virage sous peine de se payer un gros coup de raquette suivi d’une sortie de route : « Hier matin nous sommes partis en glissade des quatre roues. Très déroutant. À la fin de cette glissade, mon mécano et moi, nous nous sommes regardés et nous nous sommes dits ‘eh bien, puisque nous n’avons pas été éjectés de la voiture, repartons !’ »
« J’ai d’abord eu cette voiture pendant un an, elle n’avait jamais été restaurée. Alors je suis remonté jusqu’au châssis et je me suis rendu compte que les rivets étaient si lâches que toute la structure avait du jeu. C’était le même type de rivets que ceux du Titanic, sept ans après. Pas terribles ! J’ai tout fait moi-même, dans le respect de l’origine. C’est pourquoi je n’ai pas réparé ce qui était un peu bosselé ou légèrement déchiré parce que c’est la patine de la voiture, c’est tout ce qu’elle a gagné dans sa vie, ce sont des marques honorables. »
La Rolex Monterey Motorsports Reunion est une tradition annuelle qui se tient la troisième semaine d’août pendant la fameuse Classic Car Week de la péninsule de Monterey. Cette année, les participants aux différentes compétitions venaient de dix pays différents : USA (547), Canada (5), Brésil (4), Suisse (2), Royaume-Uni (2), Monaco (1), Pays-Bas (1), Australie (1), Belgique (1) et même les Îles Vierges (1), ainsi que de vingt-huit États américains, le plus grand contingent provenant de Californie (348) puis de l’État de Washington (29), du Nevada (25), de l’Arizona (23), de Floride (14), du Texas (14), de l’Oregon (12) et du Colorado (12).
Les résultats des épreuves de la Rolex Monterey Motorsports Reunion peuvent être consultés sur www.MazdaRaceway.com.
Laisser un commentaire