Karl-Friedrich Scheufele est une personnalité de premier plan dans l’univers horloger contemporain. Propriétaire et Président de la marque Chopard, cet infatigable passionné s’est lancé en 2015 dans une aventure immédiatement couronnée de succès. La renaissance du nom d’un des plus célèbres horlogers de l’histoire, Ferdinand Berthoud. C’est à l’occasion du Salon International de la Haute Horlogerie, à Genève, que nous avons pu rencontrer cet homme de défis, et échanger avec lui sur cette passion qui l’anime. Entretien.
Monsieur Scheufele, bonjour ! Vous êtes Président des montres Chopard mais aussi Président des montres Ferdinand Berthoud. Pouvez-vous nous présenter cette marque que vous avez fondée et de ce nom que vous avez fait renaître ?
Ferdinand Berthoud m’a interpellé quand j’ai commencé à étendre le musée de la manufacture Chopard à Fleurier, le L.U.CEUM. J’ai découvert Berthoud parce que j’étais intéressé par un chronomètre de marine qu’il avait fabriqué et que j’ai réussi à acquérir. C’était dans les années 2000. Ensuite, je me suis vraiment passionné pour l’homme, pour l’horloger et pour l’œuvre. Et c’est en 2006 que j’ai pu acquérir la marque que quelqu’un avait entretenue mais qui ne l’avait pas utilisé. Puis il m’a fallu quelques années de plus avant de décider vraiment de ce que j’aillais en faire.
Ferdinand Berthoud – Portrait
En 2015, on a présenté la première montre FB1, qui fût présentée à Paris, un peu comme il se doit je dirais, parce que Berthoud a vécu la plupart de sa vie en France, à Paris. Il est né en Suisse pourtant. Le but est vraiment de perpétuer l’œuvre et de transmettre la passion de cet homme à travers les montres qu’on propose aujourd’hui.
Est-ce qu’on peut vraiment parler d’un aboutissement d’une passion, justement, avec cette nouvelle marque et cette identité Ferdinand Berthoud ?
Je pense que vu la résonance que nous avons eue, on peut dire que le pari du départ en tout cas est réussi. Et là, on expose pour la première fois dans un Salon comme le SIHH pour introduire Berthoud à un plus grand public. Parce que ça a été jusqu’ici très confidentiel. Pas seulement par le nombre de pièces produites mais aussi parce qu’on a que huit points de vente dans le monde. Avec un peu de chance, vous trouverez une montre mais peut-être aucune, étant donné que la production est vraiment très limitée.
Montre Ferdinand Berthoud FB1
Justement, aujourd’hui, quelle montre portez-vous au poignet ?
Je porte la Ferdinand Berthoud FB1 en or gris, plus précisément le modèle qui a, en 2016, gagné l’aiguille d’or lors du grand prix de l’horlogerie de Genève. Et c’est en fait le modèle initial qui est sorti lors du relancement du nom Berthoud.
Donc, maintenant avec le recul, au poignet, quelles sont les impressions justement de quelqu’un qui peut la porter quotidiennement ?
Au poignet, chaque fois que j’ai l’occasion de porter cette montre, je suis déjà très heureux de pouvoir la remonter parce que le remontage des Berthoud c’est une belle expérience. Cela ne se remonte pas comme les autres montres parce que vous avez le système fusée-chaîne. Donc c’est une vraie expérience. Et de voir évoluer le mouvement, je l’enlève pour vous, en fait on est tenté de porter la montre à l’envers, tellement c’est beau !
Ferdinand Berthoud FB1 vue de dos
Est-ce-que vous considérez cette création et l’ensemble de la production Ferdinand Berthoud, comme une réussite horlogère ?
Je considère qu’outre le challenge de fabriquer une montre à la hauteur de Berthoud, ça nous a énormément appris et ça nous a aidé à perpétuer des métiers chez Chopard Manufacture, puisque c’est notre manufacture qui fabrique les composants. Ça a été un vrai plus pour notre manufacture et, à mon avis, à terme pour l’horlogerie en général, parce qu’on va perpétuer des métiers qui autrement se perdraient peut-être aujourd’hui.
Mouvement de la Ferdinand Berthoud FB1
Monsieur Scheufele avez-vous d’autres passions que l’horlogerie dans la vie ?
Ma femme vous dirait que j’en ai trop, parce que j’ai une passion certaine pour l’automobile classique mais aussi pour les vins. Au point que je suis devenu producteur de vin en plus, donc des passions j’en ai beaucoup. Il faut juste trouver le temps Ça c’est le défi !
Karl-Friedrich Scheufele passionné de montres, d’autos classiques, et de vin.
Justement, dans ces passions, vous avez évoqué l’automobile. Quelle est la voiture qui vous fait rêver, que vous possédez ou que vous ne possédez peut-être pas ?
En fait, la voiture qui continue toujours à me faire rêver, c’est une marque Allemande, c’est Porsche. Et pour mon prochain anniversaire, je me suis offert une Porsche. Exactement celle que j’ai acheté comme première Porsche, il y a maintenant fort longtemps. J’ai trouvé la même voiture, la même couleur et je me réjouis de pouvoir revivre ce moment.
Karl-Friedrich Scheufele au volant d’une Porsche classique
Les vins que vous produisez aujourd’hui, sont des vins Suisses ou des vins Français ? Ou peut-être Italiens ?
Notre propriété est dans le sud-ouest de la France, du côté de Bergerac. Et on n’a pas cherché la facilité parce qu’on s’est lancé dans le biodynamique et on est en 3ème année de conversion.
Il n’y a toujours pas de production ?
Oui, oui on produit, mais ce sera qu’à partir de l’année prochaine qu’on pourra accéder au label. C’est une belle aventure.
Château Monestier La Tour, propriété de Karl-Friedrich Scheufele
Monsieur Scheufele, vous êtes dans l’univers du luxe depuis plusieurs années, comment le définiriez-vous ?
J’ai une petite aversion au mot luxe, parce que pour moi le luxe c’est plus une notion de qualité. Je parlerais plutôt d’objets de qualité ou d’objets qui durent dans le temps. Et dans ce cas-là, on peut parler peut-être de luxe. Mais je pense que c’est un mot qui est souvent déformé et mal interprété. Pour moi, dans tous les cas, le luxe rime avec rareté, qualité et durabilité. Ce genre de notions là, plutôt que quelque chose qui en jette.
Le luxe ce serait peut-être plus quelque chose comme une notion, un art de vivre ?
Voilà, c’est plus ça.
Est-ce qu’il y a un personnage historique ou contemporain qui vous a inspiré ou qui vous inspire aujourd’hui ? Quelqu’un qui vous marque particulièrement ?
Ce serait difficile de vous parler d’un seul. Je me suis tellement penché sur un personnage pendant quelques années, qui est Ferdinand Berthoud… Ce personnage m’a inspiré, parce que contrairement à d’autres horlogers, c’est un personnage qui a voulu partager son savoir. Et je pense que le partage, de manière générale, et le fait de vouloir faire avancer les autres, sont des qualités qui m’inspirent. Malheureusement, ce n’est pas ce que nous voyons aujourd’hui sur cette planète. Nous le voyons trop rarement.
Ferdinand Berthoud
Justement, est-ce-que ça vous donnerait l’idée, un jour peut-être, d’une Fondation ? Une Fondation Berthoud, une fondation Scheufele, une fondation Chopard…?
Écoutez, vous exprimez ce que je pense, en tout cas ce serait un très beau projet.
Est-ce qu’il y a des qualités que vous appréciez particulièrement chez vos collaborateurs, chez tous les gens qui vous entourent et qui travaillent avec vous ?
La qualité que j’apprécie, surtout auprès d’un collaborateur, c’est la franchise. C’est d’exprimer son avis. Je ne suis pas de ceux qui aiment entendre uniquement ce qui me plairait. Mais au contraire j’aime aussi que le collaborateur puisse s’exprimer, donne son avis. Nous sommes dans un partage et dans une évolution toujours de « Team Work » et ça c’est quelque chose qui est important.
Vous vous voyez plus comme un chef d’équipe, que comme un leader ?
Il y a des moments où une équipe a besoin d’un leader. Il faut savoir quand. Mais pour qu’une équipe soit performante, il faut aussi qu’elle s’assume seule. Donc c’est un juste milieu, à mon avis.
Est-ce qu’il est plus difficile ou plus facile de mettre en application justement cette façon d’être chez Berthoud par rapport à Chopard ? Quelles sont les différences, en fait, entre les deux manières de travailler ?
Chez Berthoud l’activité est un peu plus serrée, plus spécialisée, mais pas moins dense donc c’est peut-être plus facile. Néanmoins, chez Chopard nos activités sont très larges, il y a de la bijouterie, de la joaillerie, de l’horlogerie, de la production, de la monture de taille, il y a vraiment un univers complet. Chez Berthoud j’ai pu me concentrer vraiment sur l’essentiel qui est de produire une des plus belles montres qui puisse exister.
Quel est votre niveau d’implication dans la création d’une montre Berthoud ?
Mon niveau d’implication est d’aller assez loin, je dirais. Vous avez parlé de défauts tout à l’heure… donc un défaut que je pourrais mentionner me concernant, c’est peut-être que je suis perfectionniste. Pour autant qu’on puisse dire que c’est un défaut, mais un perfectionniste qui n’aime sortir que ce dont il est totalement persuadé.
Donc vous êtes allé vraiment au bout d’une idée et au bout d’une passion avec ces montres Berthoud ?
Oui.
Chronomètre Ferdinand Berthoud FB1R5
Sachant qu’il reste encore du chemin ?
Je ne suis pas encore au bout, mais dans tous les cas, on a pris un chemin qui est fort intéressant et qui nous mènera encore plus loin, je l’espère.
Monsieur Scheufele, dernière question. Quelle heure est-il ?
Il est 15h45 sur ma montre Berthoud.
Je vous remercie beaucoup.
Merci.
Laisser un commentaire