Le 14 mai 2025, le Tribunal Judiciaire de Paris a condamné l’artiste Johann Perathoner à verser 14 000 euros à ROLEX pour des faits de « parasitisme ». Au cœur de l’affaire : la série 3D Watches, dans laquelle le plasticien parisien utilise la forme des boîte de montres pour ses œuvres, mais aussi le nom des modèles, et bien évidemment la marque, pour les commercialiser. Il évoque une revisite des cadrans de montres de luxe en y intégrant des panoramas urbains miniatures, dans une démarche artistique. Mais, selon la justice, il a outrepassé les limites fixées par la loi, et le droit des marques.

Un hommage qui va trop loin !
À 39 ans, Johann Perathoner revendique un travail d’admiration et de transformation. Dans ses œuvres, aucun logo explicite : seuls les codes esthétiques des boîtiers et des cadrans — lunettes, index, aiguilles — permettent d’identifier les montres qui l’ont inspiré. Pourtant, l’artiste a été condamné pour avoir utilisé le nom ROLEX dans certains titres d’œuvres, sur les réseaux sociaux, et dans une vidéo montrant son processus créatif. Le tribunal a estimé que ces mentions pouvaient être interprétées comme une tentative de promotion s’appuyant sur la notoriété de la marque.

Perathoner conteste cette lecture. « Je ne vends pas de produits dérivés ni d’éditions en série. Ce sont des pièces uniques, exposées dans des lieux reconnus. Ma démarche relève de l’hommage, pas de la récupération. ». Il n’en demeure pas moins que sont utilisés la marque et le nom des modèles de montres sur les plateformes de ventes comme Artsper et Artsy. Noms qui sont la propriété de la marque Rolex, déposés et donc protégés.
Une œuvre jugée parasite, à la limite de la contrefaçon de marque
Depuis plusieurs années, Johann Perathoner développe un univers singulier mêlant design, poésie urbaine et références horlogères. La seule marque Rolex n’est donc pas concernée. Avec ce jugement en sa faveur, il est à parier que des marques comme Patek Philippe ou Audemars Piguet qui se voit citées pour une œuvre en vente sur Artsper se retourne aussi contre l’artiste. Patek et Nautilus étant cités par exemple !!
Ses créations miniatures font dialoguer villes rêvées et objets iconiques, parmi lesquels les montres occupent une place particulière. Chaque cadran devient un théâtre à part entière, peuplé de gratte-ciels et de lumières cristallines. « J’y remplace l’heure par une ville, une émotion, un souvenir », explique-t-il.
Cette proximité avec les codes de l’horlogerie fait partie intégrante de son langage artistique. Mais dans un contexte de plus en plus sensible autour de la propriété intellectuelle, ces allusions, et surtout l’utilisation frauduleuse de la marque, d’une seule partie, ou du nom entier d’un modèle font réagir les horlogers.
Un débat sur la frontière entre art et marque
Au-delà du cas Perathoner, l’affaire soulève une question plus vaste : jusqu’où peuvent aller les artistes dans le détournement des marques, logos, nom de modèles, et autres parasitages qui n’ont qu’un but commercial ? Car ne nous y trompons pas, les artistes entendent toucher une population sensible à l’univers qu’a créé la marque.
C’est pour cela qu’on voit régulièrement des logos, des monogrammes, et toutes autres propriétés commerciales utilisées par des artistes dont la créativité dépend pour beaucoup du travail d’autrui. Perathoner invoque la liberté d’expression artistique. Le Tribunal vient d’en fixer les limites.
Pour autant, les exemples de détournements ne manquent pas dans l’histoire de l’art contemporain : Warhol, Wesselmann, Koons, ou plus récemment des artistes jouant avec les codes de Hermès, Chanel ou Louis Vuitton. « J’ai même vu une batte de baseball siglée ROLEX sur Artsper », s’étonne Perathoner.
Il semblerait que l’horloger genevois ait décidé de siffler la fin de la récréation. Parathoner va devoir se réinventer, ou songer à créer sa marque de montres.
L’artiste, ébranlé par la procédure, envisage de faire appel. Non pas pour entretenir la polémique, mais pour défendre un principe qu’il juge fondamental : le droit à l’inspiration, à l’interprétation, à la confrontation. « On peut aimer ou non, mais censurer un artiste pour sa vision, c’est risquer d’appauvrir la création. ». Il sera intéressant de suivre cet appel pour savoir qui de l’artiste ou de l’horloger gagnera ce match aux conclusions valant de l’or !
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