Avant-propos : Ceci devait normalement être une simple revue de ma Breitling Navitimer 806 AOPA mais vous verrez qu’en cours de route je me suis quelque peu égaré… J’en ai en effet profité pour rendre hommage à mon grand-père qui, par l’éducation qu’il a donné à mon père et par tout ce qu’il a pu faire pour moi et le reste de la famille, a grandement participé à faire de moi ce que je suis aujourd’hui. Certes, certains pourront critiquer le résultat mais, quoi qu’il en soit, je considère que c’était un grand homme qui nous a malheureusement quitté il y a deux ans après une longue vie bien remplie par de nombreuses aventures mais surtout pleine de joies et de bonheur. Donc, si je vous ennuie avec mon histoire familiale et mon héritage sentimental, je ne vous en voudrai pas de sauter ces quelques lignes pour passer directement à la revue, un peu plus bas.
N.B. Vous verrez que certaines photos sont de qualité très moyenne mais il s’agit de photos d’époque numérisées plus tard par mon paternel.
Voilà quelque temps, j’avais promis aux membres de Passion Horlogère une revue de ma Breitling Navitimer 806 AOPA mais je souhaitais auparavant être en mesure de faire des photos qui seraient dignes de la belle… Comme je commence à obtenir des résultats grâce aux conseils du Nain (son frère NDRL) et de Jacques-Olivier, je peux désormais tenir ma promesse. Cependant, avant de me lancer, je me dois de vous raconter une petite histoire… Il faut savoir que je suis tombé dans la marmite horlogère et plus particulièrement Breitling quand j’étais tout petit.
Mon grand-père paternel, né en 1917, est arrivé au Maroc en 1920. Il s’y marie en 1939 et y est médecin militaire pendant la guerre. En 1945, il crée son laboratoire d’analyses médicales à Casablanca qui est resté pendant de longues années le seul grand labo du Maroc où même le roi et la famille royale envoyaient leurs analyses. Des revenus plus que confortables ont fait que sans être richissime, il a pu largement profiter de la vie et surtout en faire profiter ses enfants, petits-enfants et arrière-petits-enfants… Il s’est d’abord intéressé aux voitures et aux bateaux et a possédé, entre autres, un des premiers Range Rover du Maroc, plusieurs américaines, toutes plus impressionnantes les unes que les autres (Hudson, Packard, Cadillac…), une Aston Martin DB2, une DB Mark III décapotable, une DB4, une DBS V8, une Morgan +8 et encore quelques autres voitures de rêve.
AMATEUR DE BELLES MECANIQUES
Ici en compagnie de ma grand-mère prenant la pose à côté d’une Fiat 500 Topolino à la fin des années 40 :
La Hudson Hornet au début des années 50 :
Ici avec mon paternel à côté de la Simca Sport de ma grand-mère :
Le catalogue d’origine de la Packard Clipper Constellation et une photo de la bête au fameux col du Tizi N’Tichka :
Mon père se souvient encore de la misère qu’il mettait aux 400m départ arrêté à ses amis roulant en Jaguar Type E et autres… Il faut dire qu’avec un V8 de 245 cv et une boîte automatique Twin Ultramatic il y avait de quoi envoyer… Bon après les 400m la tenue de route devenait un peu aléatoire à grande vitesse… Et puis cet homme de goût est passé aux Aston Martin… La première, une DB2 blanche avec laquelle il allait à la chasse, chiens et fusils dans le coffre (!) et surtout qu’il a conduite lors d’un périple de 16 000 km à travers les États-Unis. Vous la voyez ici en 1954 au départ de ce long voyage, à l’embarquement sur le bateau qui partait de Gibraltar :
Ensuite est venue la DB Mark III décapotable. Cette voiture était sublime mais malheureusement un petit malentendu lors de la commande a fait qu’elle était équipée de la version route du moteur de la DB3S qui venait de gagner au Mans (victoire de classe et deuxième au général), c’est-à-dire le 6 cylindres à triples carburateurs Weber de 195 cv dont les cornets d’admission sans filtre à air étaient inadaptés au sable et à la poussière marocaine.
Mon grand-père ne la gardera pas longtemps mais aura quand même eu le plaisir d’aller la chercher jusqu’à Newport-Pagnell et de la redescendre jusqu’à Casablanca en compagnie de mon paternel. C’est pour moi une des plus belles Aston jamais dessinées.
Après la DB Mk III, la DB4… Une de mes voitures préférées avec une ligne et une gueule incroyables. Malheureusement je ne l’ai pas connue non plus car la belle n’a pas survécu à un accident violent dans lequel mon oncle a échappé de peu à la mort.
Et la dernière, que j’ai le plaisir de conduire régulièrement puisqu’elle appartient désormais à mon père, la DBS V8. Mon frère s’est occupé de la faire restaurer récemment chez Touring et en voici donc les dernières photos :
après décapage et tôlerie première couche au remontage
Pour la petite histoire, le premier propriétaire de cette automobile n’était autre que sa Majesté Hassan II, roi du Maroc. En effet après la DB4, mon grand-père n’avait pas repris d’Aston et s’était plus concentré sur son avion quand sans prévenir Aston Martin l’a rattrapé… Sa Majesté Hassan II était parti au Golf de Dar Es Salam de Rabat lorsqu’il a été victime d’une tentative de coup d’état. Il n’a dû sa survie qu’à son aide de camp qui a réussi à le cacher dans les toilettes du Golf en attendant les renforts. Inutile de vous dire que c’était un très mauvais souvenir pour le Roi qui a donc décidé de se séparer de tout ce qu’il avait avec lui ce jour-là. Et devinez quelle voiture l’avait emmené au Golf ? Le Roi ayant eu plusieurs fois à faire à mon grand-père pour ses analyses médicales a donc pensé à lui.
Peu de temps après l’attentat, le chef d’atelier du Roi l’a donc contacté pour lui proposer la voiture. Mon grand-père, pas spécialement intéressé à ce moment-là, s’est quand même laissé convaincre de venir la voir à l’occasion d’un dîner (le chef d’atelier étant un ami).
Effectivement la voiture était belle et impressionnante et ce tout nouveau V8 avait une sonorité ravageuse… Lorsque le chef d’atelier lui a donné le prix, le chéquier s’est retrouvé sur la table comme par miracle… « Pour services rendus », Sa Majesté venait de céder son Aston Martin à mon grand-père pour le prix d’une Citroën DS…
Son tout premier Range Rover qui était rouge pompier et qui ne manquait pas de se faire remarquer dans les rues de Casablanca et dans le Sud Marocain :
Pour conclure avec les voitures, je ne peux pas m’empêcher de vous présenter mes grands-parents au volant de leur Morgan +8 à Ibiza :
Il s’est aussi intéressé aux avions et a d’abord volé sur Max Holste MH-52, Sokol, Stinson Voyager puis Bonanza et enfin sur Cessna 310 (le seul que j’ai connu).
Son Bonanza :
Et le Cessna 310 qui m’a transporté plusieurs fois d’Espagne au Maroc :
Avec le pilote fier comme Artaban :
J’ai quelques films numérisés des périples aériens entrepris par mon grand-père, notamment en Afrique Occidentale Française en 1957 avec son Stinson et c’est assez impressionnant de voir des aéroports que j’ai moi-même côtoyés ces dernières années. Etant pilote amateur et propriétaire d’avion, mon grand-père était tout naturellement membre de l’AOPA (Aircraft Owners and Pilots Association). Toute mon enfance j’ai contemplé ce fameux logo collé sur les pare-brises de toutes ses voitures.
J’ai donc passé une enfance plus que dorée en alternant les vacances au Maroc et à Ibiza (où mon grand-père s’est installé en 1960) et en profitant de tout ce que mon grand-père nous proposait : les balades en voilier, les tours de ski nautique, la plongée sous-marine, la chasse sous-marine, les balades en avion, les balades 4×4 dans le sud marocain, les balades en Aston ou en Morgan, etc… Chanceux le p’tit gars n’est-ce pas ? Et bien ce n’est pas fini… car si j’ai aujourd’hui une situation confortable c’est aussi grâce à mon grand-père qui a financé mes études et m’a permis de me remettre dans le droit chemin après mes errements en Sciences-Politiques… Mais ça c’est une autre histoire… Vous l’avez compris, je voue une admiration, un respect et un amour sans bornes à cet homme de goût (je ne vais pas dire le contraire puisqu’il a en grande partie forgé les miens) qui nous a tellement donné et que je n’ai sans doute jamais assez remercié mais à qui je pense très souvent.
Donc on récapitule : pilote, amateur de belles mécaniques, membre de l’AOPA, plongeur, chasseur sous-marin… Vous le voyez le lien ? Et bien oui, forcément il aimait aussi les montres et plus particulièrement les Breitling ! A ma connaissance il a possédé une Navitimer 806 de 4ème génération (avec les deux avions en logo), une Navitimer Chronomatic, une Navitimer Aerospace, une Rado Diastar, une Vacheron Constantin en or, plusieurs Omega, Jaeger-Lecoultre, une ou deux Aquastar pour la plongée et encore quelques autres garde-temps… Si sa Navitimer 806 est aujourd’hui au poignet d’un de mes cousins, lorsque j’ai trouvé la mienne, j’ai tout de suite pensé à mon grand-père et au fait que cette montre regroupait pour moi une grande partie des symboles qui me faisaient irrémédiablement penser à lui. Malgré l’achat de ma Polaris la semaine d’avant, je n’ai pas pu me retenir et j’ai sauté sur cette occasion qui m’apportait un bon grand bol de souvenirs… Voilà, ma longue digression se termine et nous entrons dans le vif du sujet, à savoir, la revue !
REVUE BREITLING NAVITIMER 806 AOPA
La Navitimer de Navigation Timer a fait son apparition au catalogue Breitling en 1952. C’est la seconde montre équipée de la fameuse règle à calcul (la première étant la Chronomat). Elle a été conçue et réalisée pour les pilotes et a été sélectionnée comme montre officielle par l’AOPA. Je ne vais pas aller plus loin dans l’historique de la Navitimer car celui-ci est déjà parfaitement détaillé et illustré par Jean-Michel sur son site Navitimer.net et il serait complètement inutile de le paraphraser.
Ma Breitling Navitimer 806 AOPA porte le numéro de série 977622 ce qui la date a priori de 1964. Le cadran porte les mentions Breitling et Navitimer et le logo AOPA. Un seul chiffre en index, le 12, ce qui en fait donc une génération 4 produite dans le milieu des années 60, qui est la dernière génération portant le logo AOPA avant l’apparition du fameux logo Breitling avec les deux avions.
Le fond porte les mentions « Stainless Steel », Breitling avec le logo « B » et 806.
A l’intérieur on retrouve donc le numéro de série et les dates de chacune des révisions.
Elle mesure 40mm de diamètre pour 48mm de haut et à peine 12mm d’épaisseur. L’entre-cornes est de 22mm.
Elle est équipée du Vénus 178 qui a l’air en plutôt bon état même s’il aura besoin d’une petite révision avec huilage cet été et présente quelques rayures ici et là, sûrement suite aux interventions délicates d’un apprenti boucher horloger comme moi !
La lunette n’est pas d’origine car elle frotte légèrement sur la couronne et serait donc plutôt celle du modèle suivant (génération 5). La règle à calcul tourne parfaitement bien et me permet évidemment de diviser l’addition après un apéritif entre amis.
Le plexi est en bon état et est bien bombé comme il se doit.
Le tritium des index a complètement disparu et celui des aiguilles est bien noirci. Le cadran est néanmoins très bien conservé pour une montre de 48 ans. Seules quelques traces sur les compteurs et un léger effacement des graduations entre 7h et 9h témoignent de son âge.
Les aiguilles me semblent avoir été repeintes par un cochon, mais cela ne se voit qu’en macro et n’est pas trop gênant.
Dans l’ensemble, la montre est superbe et présente pour moi la quintessence même de ce que représente Breitling. J’ai toujours voulu une Navitimer et entre ma préférence pour les montres vintage et ce qu’elle évoque pour moi, celle-ci correspond exactement à ce que je voulais. Elle est équipée actuellement d’un cuir Breitling avec surpiqures blanches mais devrait sous peu être montée sur un Fieger noir avec Bund pad.
En espérant que je n’ai pas été trop long et que tout ça vous a plu…
Jean-Guillaume C.
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