Contrairement à ce que ce terme barbare laisse penser, les Rhabilleurs ne sont pas des « Fashion Advisors » ou autres valets vestimentaires ayant opéré à la Cour du Roi Soleil. Ce terme vestimentaire est en fait lié à une spécialité horlogère très précise qui consiste au rhabillage d’une montre. Afin de dissiper tout malentendu concernant ce métier horloger d’une grande noblesse, Passion Horlogère est allé à la rencontre de deux d’entre eux pour éclairer le sujet et ne pas laisser le « côté obscur » d’une incompréhension galvauder un métier si utile aux collectionneurs de garde-temps. Rencontre avec Loïc et Edouard, d’authentiques Rhabilleurs, à l’occasion d’un portrait croisé.

L’établi d’un horloger rhabilleur
Passion Horlogère vous présente les rhabilleurs Loïc Tercier et Edouard l’horloger
Loïc Tercier est un jeune homme de 22 ans originaire du Canton du Valais en Suisse. A l’âge de 16 ans sa passion pour l’horlogerie l’a mené à Neuchâtel pour commencer son apprentissage d’horloger praticien à l’Ecole Technique CIFOM-ET. Ayant achevé son Certificat Fédéral de Capacité, il a enchaîné les formations pour devenir horloger rhabilleur, sanctionné là aussi par un nouveau CFC. Pendant toutes ces années, il s’est particulièrement intéressé à l’histoire de l’horlogerie, à ses techniques, à son outillage, et aux horlogers illustres. Perrelet, Jaquet-Droz, Houriet, et le tout aussi génial et contemporain Philippe Dufour l’ont alimenté. Ayant fait ses armes dans une entreprise locloise en décoration, contrôle qualité, et montage de mouvements à complications, aujourd’hui Loïc travaille pour une grande Manufacture horlogère, sur des lignes de montage, tout en rêvant d’horlogerie ancienne. Car il s’agit de sa passion, celle qui le pousse à fréquenter les brocantes pour dénicher des montres qu’il prend plaisir à restaurer.
Loïc, Horloger Rhabilleur
Edouard, connu sur les réseaux sociaux sous le pseudonyme d’« Edouard l’horloger » est diplômé du Technicum Neuchâtelois, promotion 2000. Cet homme attachant perpétue le métier d’horloger rhabilleur ambulant, chose rare. Il opère en Suisse, en France, et en Espagne, au gré du travail qui s’offre à lui et de ses envies. Déjà, au Technicum Neuchâtelois de la Chaux-de-Fonds, la secrétaire générale, Madame Wegmüller disait de lui qu’il avait « la bougeotte ».
Edouard « l’Horloger » Rhabilleur
Paradoxe que cette envie de toujours être en mouvement quand on sait le calme et la dextérité nécessaires qu’impose le métier d’horloger !? En fait, ce mouvement perpétuel qui l’anime dissimule une passion volcanique. Sa soif d’apprendre, son désir de rencontres et son appétit de découvertes l’ont poussé sur la route pour perpétuer un métier qui ne vit que de passion et de Tic-Tac.
Edouard, Horloger Rhabilleur
Les rhabilleurs vous expliquent leur métier en répondant à Passion Horlogère
Passion Horlogère – Que signifie le terme Rhabilleur ?
Loïc – À mon sens c’est savoir réparer tous types de garde-temps mécaniques ou quartz avec ou sans complications y compris la pendulerie.
Les Rhabilleurs font aussi de la pendulerie
Edouard – Le terme rhabilleur désigne un spécialiste de l’horlogerie capable de démonter, dépanner, fabriquer, nettoyer, régler et réparer les pièces et les mécanismes. C’est un travail de fond. Lorsque l’on effectue un rhabillage, toutes les pièces sont démontées et les éléments séparés les uns des autres, afin que le nettoyage par immersion soit parfait. Démontage, nettoyage, bouchonnage, brunissage des pivots, corrections éventuelles de pièces, remontage, huilage, graissage, réglage sont les différentes étapes du rhabillage.
Loïc et Philippe Dufour
Passion Horlogère – Comment devient on horloger Rhabilleur ?
Edouard – Et bien il faut savoir que pour devenir horloger c’est 2 ans d’études et pour devenir horloger rhabilleur c’est 4 ans d’études. Des études plus poussées et plus approfondies. Ce n’est pas de tout repos il faut beaucoup de courage et de volonté de la patience et de la méthode. Mais les enseignants sont là pour vous encadrer.
Les Rhabilleurs doivent faire preuve de concentration
Loïc – On devient horloger rhabilleur au bout d’un an d’études en suivant une école technique à plein temps ou partiellement à l’école pour la théorie et la pratique en entreprise que l’on dit « en dual ». Mais pour accéder au rhabillage il faut préalablement faire le CFC d’horloger praticien en 3 ans. Donc, en 4 ans on est horloger praticien et rhabilleur. Ensuite c’est l’expérience que l’on se fait qui nous perfectionne.
Edouard initie sa jeune fille à l’horlogerie
Passion Horlogère – Quelle est la principale difficulté du rhabillage ?
Loïc – Pour moi, la principale difficulté du rhabillage c’est de trouver les fournitures pour d’anciennes montres, qu’elles soient de poche ou bracelet. Certes le rhabilleur est capable de refaire des pièces comme des axes de balancier, des roues… etc… Mais malheureusement on n’a pas toujours les outils qu’il faut à l’atelier, faute de moyens. Donc si on peut trouver les fournitures, on gagne du temps et on évite les éventuelles casses. J’ai plein de vieux livres comme ceux de la fabrique Ronda par exemple, qui faisait des assortiments d’axes de balancier, des tiges de remontoir, des doubles plateaux et des tigerons pour ancre.
Mouvement passé entre les mains d’Edouard l’horloger rhabilleur
Aujourd’hui il ne reste que ces vieux livres qui nous informent sur les dimensions des pièces avec leur forme ou sur le calibre dont il s’agit. Ensuite, il y a un second problème concernant le secret professionnel. Certaines entreprises veulent conserver les informations : en effet, on ne peut plus leur demander de fournitures car elles veulent maîtriser leur SAV. En contrepartie, pour le client, le devis réalisé peut être élevé, alors qu’avec un horloger indépendant, ce qui est facturé c’est plus souvent le temps passé à la réparation. Le travail réalisé en SAV de marques est bien fait mais la montre revenant de service est parfois méconnaissable. C’est difficile à admettre pour quelqu’un comme moi qui suis fortement intéressé par l’horlogerie ancienne. A une époque il y avait de nombreuses boutiques de SAV dans les villes. Une époque où les entreprises donnaient aussi plus facilement toutes les fournitures… Aujourd’hui elles se font rares…Enfin, les temps changent…Dommage pour nous rhabilleurs.
Détail de « déconstruction » avant reconstruction par Edouard l’horloger rhabilleur
Edouard – Et bien tout dépend… Les difficultés sont différentes selon les gardes temps, les montres ou les pendules. Il n’y a pas spécialement de difficulté à proprement parler. Chacun a ses méthodes et ses techniques et les difficultés peuvent être rencontrées, contournées ou vaincues. Mais pour répondre concrètement, aujourd’hui la principale difficulté d’un horloger rhabilleur c’est de se fournir en pièces détachées et en composants horlogers.
Loïc, Horloger Rhabilleur
Passion Horlogère – Quel est l’enjeu de votre métier ?
Edouard – L’enjeu de notre métier est de ne pas disparaître sous l’ère connectée. Il faut être réaliste, aujourd’hui les montres connectées occupent une place importante. Les montres connectées n’ont rien à voir avec l’horlogerie et rien ne remplacera une belle mécanique. L’horlogerie c’est comme l’automobile selon moi. L’enjeu de l’horlogerie aujourd’hui face à la menace du connecté est de regagner du terrain. Donc c’est aux manufactures de faire des efforts.
Loïc – Faire revivre de vieux garde-temps en continuant à gagner notre vie, tout en étant assez bon marché pour que la clientèle soit satisfaite et fidèle. L’autre enjeu, comme évoqué précédemment, c’est aussi de trouver la fourniture.
Passion Horlogère – Quel est votre rapport au temps ?
Loïc – Nous ne sommes que des hommes qui avons, à notre manière, quantifié le temps le plus précisément possible. On a commencé avec des clepsydres pour finir avec des pendules atomiques au césium 133. Mais on vieillit comme tout le monde sans pouvoir remonter ou avancer le temps. Tout ce que l’on peut faire c’est laisser une trace de nous dans le temps. Comme je dis souvent : « L’horloger travaille avec le temps mais le temps travaille l’horloger ».
Edouard – Mon rapport au temps est assez simple. Il s’agit de vivre avec, tout simplement. Et comme je dis toujours, « il faut savoir laisser le temps au temps ».
Les Rhabilleurs ont pour mission de s’occuper de vos montres
Passion Horlogère – Que diriez vous à un autre Rhabilleur ?
Loïc – Bienvenue au club et merci de redonner une seconde jeunesse aux montres. Je suis prêt à partager mes expériences, mes documentations, ainsi que des conseils.
Edouard – Merci ! Merci de perpétuer notre métier.
Laisser un commentaire