C’est donc à la ferme, dormant à six dans une même chambre, que le jeune Ludovic a passé ses premières années. Un peu « ailleurs » de son propre aveu mais déjà avide d’indépendance, c’est lui-même qui à l’âge de 12 ans demande à aller poursuivre ses années de collège en internat. Mais il n’a encore aucune idée de ce qu’il voudrait faire plus tard et c ‘est pour suivre son meilleur ami qu ‘il entame à 14 ans une formation de sténo-dactylo-comptabilité. Il n’en retire finalement pas grand-chose sauf de belles séances de bains de mer avec son meilleur copain et l’avantage d’être les seuls garçons dans une classe de filles !
En parallèle, le jeune Ludovic s’était dès l ‘âge de 12 ans enthousiasmé pour les maquettes d’avion, se lançant seul et sur plans dans la réalisation d’un planeur de 2 mètres d’envergure puis dans le maquettisme et l’aéromodélisme. Cette passion des modèles réduits et des miniatures l’entraîne à un moment vers l’idée de devenir prothésiste-dentaire. Mais il faudrait pour cela sortir d’une classe de 3ème classique et ce n’est pas son cas. Le conseiller d’orientation qui discute avec lui a soudain une idée en rapport avec ce qu’il perçoit des centres d’intérêt de l’adolescent de 16 ans : a-t-il pensé à l’horlogerie ?
Pourquoi n ‘y avait-il pas pensé avant ?!?!? C ‘est l ‘illumination !!! Sans rien y connaître, le jeune Ludovic pose alors sa candidature auprès d’une école d’horlogerie située à Rennes. Mais la sélection est dure et rien dans sa formation antérieure ne plaide en sa faveur pour être retenu parmi la centaine de candidats qui aspirent à l’une des 13 places proposées par an.
Mais notre Breton y croit dur comme fer : il a enfin trouvé sa voie et ne renoncera pas si facilement. C’est donc seul qu’il part à Rennes avec sa plus belle maquette de bateau sous le bras pour tenter de convaincre le responsable des études de ses capacités et de sa motivation. Celui-ci est impressionné par l’envie du jeune homme et lui promet de soumettre à nouveau sa candidature au comité de sélection. La réponse arrive quelques jours plus tard par courrier : Ludovic est pris !
Il entame alors à 16 ans 3 années de formation dans une période où le quartz est devenu roi. Si la 1ère année est consacrée à la pendulerie et que la 2ème s’attache aux montres mécaniques, l’objectif de l’école est de former des horlogers en SAV des montres à quartz, spécialité que l’on acquiert en 3ème et dernière année.
Mais Ludovic a compris que la Suisse reste le pays de la montre mécanique par excellence et son diplôme fraîchement acquis lui fournit l’occasion d’aller travailler au Sentier pour la maison Lemania qui fournit plusieurs grandes marques en calibres de qualité. Le travail est intéressant et il passe en particulier de bons moments sur un mouvement de chronographe pour Baume & Mercier. Mais l’environnement fruste et le climat montagnard sont décidément trop rigoureux, d’autant que la mer lui manque. Il tient finalement 6 mois et refait sa valise pour rentrer en Bretagne.
Il y trouve rapidement un travail à l’aéroport de Dinard, en charge de l’entretien et de la réparation des instruments de bord des avions de ligne et de plaisance, dont les célèbres horloges de bord Breguet qui font son bonheur pendant 7 années sans qu ‘il ne se pose trop de questions. Mais le salaire ne suit pas autant qu’il l’espère pour faire vivre sa petite famille et le refus d’une augmentation (qui lui aurait permis de passer de 5800 à 6000 francs français par mois) est ressenti par Ludovic comme une provocation. Il achète le jour-même le « Guide des Montres » et y cherche la montre la plus chère, en l’occurrence une Franck Müller sertie de diamants affichée à deux millions de francs français …
Il écrit alors directement au siège pour proposer ses services et la réponse ne tarde pas : «Venez dès que vous pouvez». Il part donc en 4L à Genève passer les tests de sélection : il s’agit de démonter, nettoyer puis remonter 10 mouvements chronographe Lemania en 5 jours. A la débrouille, il passe certes 2 jours sur le premier mouvement mais remonte ensuite les autres dans la foulée. Son salaire d’embauche s’établit à 4500 francs suisses, soit environ 18000 francs français de l’époque, le triple de son salaire de Dinard ! Il passera ainsi 3 ans chez Franck Müller à travailler sur toute la gamme, en particulier les chronographes Piguet, jusqu’à devenir responsable de l’atelier d’emboîtage.
C’est à cette époque qu’il se lie d’amitié avec un bijoutier avec lequel ils décident ensemble de monter leur propre atelier d’emboîtage en tant que sous-traitant pour les manufactures. Il fait au même moment la connaissance d’une collaboratrice du Directeur Général de Vacheron Constantin qui va devenir son épouse. Mais le travail est difficile et les clients ne sont pas assez nombreux pour assurer la pérennité de la société.
A la recherche d ‘un nouvel emploi, il décide alors de prendre contact avec un de ses amis, lui-même horloger chez François-Paul Journe. Jour de chance, un horloger vient de quitter sa place !!! Ludovic y travaille sur le modèle Octa, puis sur le Chronographe. Il progresse ainsi pendant 3 ans dans l’illustre maison au point que FP Journe lui propose de prendre en charge la réalisation du modèle Tourbillon, ce que Ludovic refuse ! Son seul et unique souhait … La Sonnerie Souveraine !!! Et il y excellera pendant 3 années.
Sa vie professionnelle est une réussite et son couple va bien, mais il pense depuis toujours à devenir créateur indépendant. Sa femme l’en dissuade pendant quelque temps jusqu’à ce qu ‘on diagnostique chez elle un cancer il y a 6 ans. Le choc est très dur pour tous les deux ! Cet épisode douloureux les rapproche encore plus et est surtout l’occasion d’une remise en cause profonde sur leur façon d’envisager leur vie et d’en profiter désormais à fond pour faire ce qu’ils veulent vraiment. Et c’est ainsi que Ludovic se lance avec la bénédiction de sa femme dans la conception de ses propres créations.
C’est d’ailleurs la crise vécue et surmontée ensemble qui va inspirer l’idée originale de son premier modèle : alors qu’il est en train de déjeuner et de repenser à la façon dont leur vie a été bouleversée par l’irruption de la maladie de sa femme, leur existence mise littéralement « sens dessus-dessous », il a subitement l’intuition du concept «Upside Down», des heures retournées !
Un ami lui met à disposition un local pour organiser temporairement son atelier, un autre lui avance sans frais 1 kg de platine immédiatement disponible pour la réalisation des boîtiers et des couronnes … Le réseau fonctionne à plein et, en peu de temps, les 12 exemplaires en platine de la première série sont tous pré-commandés malgré un prix estimé à plus de 50 000 Francs Suisses.
Et c’est ainsi qu’il arrive à livrer son premier client en décembre 2009 après avoir commencé son premier prototype en mai de la même année ! Il présente l ‘année suivante son exemplaire personnel de l’Upside Down à Genève pendant le Salon du SIHH puis au Salon Belles Montres. Entre-temps, un nouveau coup de pouce advient pour Ludovic ! Alors que celui-ci est à la recherche de carrés de microfibre pour accompagner ses montres, il fait la connaissance de Babette Keller de Kellertrading. Elle fond littéralement devant l ‘Upside Down de Ludovic et lui demande l ‘autorisation de présenter sa pièce aux membres du Jury de la Montre de l ‘Année dont elle fait elle-même partie. Et c ‘est ainsi qu ‘il obtient en octobre 2010 le Prix Spécial du Jury de la Montre de l ‘Année. Le modèle existe maintenant en plusieurs variantes, or rose, sertie ou platine.
Les chiffres arabes d ‘indication des heures sont inscrits sur des disques mobiles qui possèdent chacun leur propre dispositif d ‘animation : seule l ‘heure en cours est lisible dans le bon sens, les autres restant à l ‘envers. A chaque tour de la grande aiguille des minutes, 2 disques basculent simultanément pour faire progresser l ‘ensemble d ‘une heure. Le fond saphir laisse apparaître et met en valeur le mécanisme miniaturisé du mouvement.
Ludovic s’associe ensuite avec un de ses anciens collègues de F.P. Journe pour la partie commerciale et se fait également connaître en France en particulier par l’intermédiaire de la Galerie Ekso Watches où Ekaterina Sotnikova présente ses créations et où il vient régulièrement avec plaisir et enthousiasme échanger avec les clients et les passionnés.
En 2012, Ludovic renouvelle son inspiration dans les affichages inédits en présentant la Half Time : 2 disques concentriques présentant chacun les inscriptions des heures en chiffres romains coupées en leur milieu tournent en sens opposés. Seule l ‘heure valide est ainsi entièrement reconstituée et rendue lisible dans le guichet à midi lorsque l ‘aiguille rétrograde des minutes arrive en bout de course. Le très beau mécanisme d ‘armage et d ‘animation du mouvement est bien sûr visible à travers le fond saphir.
La réputation de Ludovic Ballouard n ‘est dès lors plus à faire et Harry Winston lui confie d ‘ailleurs la conception de son Opus XIII !
Vous trouverez d ‘autres informations et tous les détails techniques des modèles disponibles sur le site http://www.ballouard.com/ ou sur la page Facebook de Ludovic Ballouard.
Ces pièces sont bien sûr aussi visibles chez EksoWatches Gallery : http://www.eksowatches.com/fr/brand.aspx?brand=14
A noter que Ludovic expose également en ce début d ‘année du 19 au 23 janvier à l ‘Hôtel « New Midi » de Genève !
Pour Passion Horlogère : Rédaction Luc J. / Photographies Ludovic Ballouard et EksoWatches Gallery
Laisser un commentaire