«L’ART INDUSTRIEL PEUT SURVIVRE». Cette profession de foi a été prononcée il y a 100 ans exactement par Paul William Junod, fondateur de Milus. Elle reste vraie aujourd’hui, alors que Milus redémarre sa belle aventure de façon inattendue mais en toute cohérence.
L’histoire est faite d’allers et de retours et l’horlogerie n’y échappe pas. La firme biennoise Milus en est un exemple. Pour la citer en entier, la phrase de Paul William Junod dit que «l’art industriel peut survivre et il est même possible d’ouvrir de nouvelles voies dans ce domaine.» Pendant tout le XXème siècle, Milus a tenté de le démontrer, de diverses façons, en épousant son époque, en étant témoin de son temps, en cherchant l’épure, l’élégance, en flirtant avec l’avant-garde et en se tenant toujours à une offre abordable ou d’un rapport qualité / prix / innovation qui soit inattaquable.
Après le fondateur Paul William Junod, puis Paul H. Junod qui sortit dans les années 60 et 70 des modèles remarqués – dont deux sont aujourd’hui réédités, Pierre et Paul Junod, descendants de la troisième génération, reprirent le flambeau de la marque en 1989. «Prenant alors le risque d’une incompréhension momentanée», comme ils le déclarèrent à Europa Star en 1992, les deux frères ouvrirent alors un chapitre placé sous le signe du minimalisme, du design radical, fidèle à l’esprit de leur grand-père soucieux «d’explorer de nouvelles voies.»
Pendant une bonne décennie, contre vents et marées, farouchement indépendants, les Junod se placèrent à l’avant-garde du style horloger, faisant véritable œuvre de pionniers en faveur d’un design «pur et dur», travaillant sans relâche à ce qu’ils appelaient «une industrie horlogère réellement contemporaine», proposée à des prix démocratiques.
Avoir raison trop tôt
Rapidement, Milus devint une marque reconnue voire culte parmi les cercles artistiques et créatifs. Mais elle fut tout aussi rapidement confrontée aux difficultés structurelles et systémiques que pouvait rencontrer au début des années 90 une entreprise indépendante contrainte pour s’en sortir de parvenir à distribuer ses produits le plus largement possible.
Par ailleurs, Milus, stylistiquement parlant, avait eu raison un peu trop tôt. Dès le milieu des années 90, ses modèles et son approche furent massivement pillées par les «nouvelles marques fashion globalisées», comme nous l’écrivions alors dans Europa Star.
Dès le début des années 2000, l’accès aux marchés d’un indépendant devint de plus en plus difficile et Paul Junod, resté à la tête de Milus, «avec de superbes produits et plus d’idées qu’il n’en pouvait compter» se vit tout près de devoir définitivement jeter l’éponge et enterrer pour de bon Milus.
C’est alors qu’intervint Jan Edöcs qui, passé d’abord par le Swatch Group puis avoir travaillé quelques années auprès de Paul Junod, proposa une solution inédite. Son plan consistait, selon ses mots d’alors, à «quitter le ghetto ». En d’autres mots, il reconnaissait tout le potentiel de Milus au niveau du design mais affirmait que celui-ci devait « être adouci dans son approche, faire usage de matériaux nobles, devenir plus sensuel ». Une analyse qui remporta la conviction du groupe de Hong Kong Peace-Mark qui se porta acquéreur de la marque. Paul Junod accepta leur offre, céda la direction à Jan Edöcs mais conserva une position de designer et un nouveau chapitre s’ouvrit en 2003.
Les temps changent
Comme le montre une publicité parue dans Europa Star en 2003, graduellement l’ornementation, la couleur, les pierres firent leur apparition. Le luxe, mais un luxe «simple et naturel» devint le motto de la marque. Une des rares marques orientée alors à 75% vers le public féminin.
L’aventure va durer jusqu’en 2008, date à laquelle le colosse chinois, qui pesait près d’un milliard de francs suisses de chiffre d’affaires, va tout simplement déposer le bilan. En plus ou moins 5 ans, Jan Edöcs était pourtant parvenu à redessiner un nouveau Milus, mieux en phase avec la période d’alors, plus excessive et plus tapageuse, mais sans pour autant renier ses fondamentaux. Mais il faut du temps au temps et en 5 ans, s’il était parvenu à placer Milus au centre de l’attention, il n’était pas encore sorti de la période des investissements. Ou autrement dit, il était encore dans les chiffres rouges. Et la déconfiture de Peace Mark allait couper l’herbe sous les pieds de Milus.
Retour à la base
Milus disparut des radars. On pensait la marque définitivement enterrée, rangée aux rayons de l’histoire. Mais à Baselworld 2019, quelle belle surprise que de la retrouver, fidèle à elle-même, à ses racines, à son histoire et prête à repartir sur des bases qui ont toujours été les siennes.
Cette renaissance, on la doit surtout à un homme au parcours exceptionnel, Luc Tissot, désormais nouveau président de Milus International. Ancien dirigeant de Tissot, celui-ci quitta l’entreprise en 1977 alors qu’elle fermait son secteur mouvements mécaniques. : «J’ai dirigé l’usine Tissot jusqu’à sa reprise par Swatch dans les tourments de l’époque. J’étais très préoccupé par les licenciements massifs d’un personnel ayant de grandes compétences microtechniques. Beaucoup ont été rejetés sans profiter de ce savoir-faire. Comme leur valeur s’exprimait surtout en tant qu’équipe, il fallait les faire migrer ensemble», explique-t-il.
Il se lança alors avec succès dans la fabrication de stimulateurs cardiaques, en fondant l’entreprise Precimed, au Locle. Une aventure exceptionnelle qui, elle aussi, se termina en 1999 avec son rachat puis sa délocalisation par l’américain Johnson & Johnson. Mais cet homme visionnaire fonda en 2010 la société Tissot Medical Research, avec laquelle il allait révolutionner le diagnostic du glaucome, deuxième forme de cécité au monde après la cataracte.
Tout en restant à la tête de Tissot Medical Research, l’homme, insatiable, reprend Milus en 2016, «séduit par la valeur de son nom, son histoire, ses réalisations, le potentiel de son développement sur les marchés d’aujourd’hui». Son objectif : «créer sans prétention un modèle de développement horloger proche de son territoire, équitable et authentique. En appeler aux savoir-faire locaux, développer une plateforme de distribution «Omni Channel» accessible au public et aux distributeurs sans distorsion de concurrence, élaborer une stratégie de partenariat commercial efficace, maîtriser les prix comme choisir de travailler en équipe restreinte.»
Retour aux sources avec la collection Iconic
Directement inspirée d’une montre au destin exceptionnel, la Snow Star est un des deux modèles de la nouvelle collection Iconic. Exceptionnelle, car cette montre faisait partie d’un pack de survie des pilotes américains engagés dans la guerre du Pacifique au cours de la seconde guerre mondiale.
Pack de survie de la bataille du Pacifique
Ce petit pack pouvait, en cas de besoin, s’ils étaient contraints d’atterrir en territoire inconnu, assurer leur survie en leur servant de monnaie d’échange avec les populations locales et, du coup, leur sauver éventuellement la vie. Outre la montre Milus, ce petit coffret contenait ainsi divers objets – bagues, chaîne, coeur – en or.
C’est quasiment la même Snow Star que l’on retrouve aujourd’hui. Robuste, avec son harmonieuse carrure oblongue en acier 904 L poli miroir (39 mm de diamètre) des cadrans noirs ou argent brossé soleil, des aiguilles Dauphine, des index appliques posés main et un quantième dateur rouge vif positionné à 3 heures, la nouvelle Snow Star reprend tous les éléments identitaires de son ancêtre des années 40. Montée sur bracelet textile doublé cuir, elle est équipée d’un mouvement automatique ETA 2892. Son prix : 1’690.- CHF.
Autre Iconic, l’Archimedes
Autre modèle de la collection Iconic, l’Archimedes dont les origines remontent aux années 60, avec le modèle 666, et aux années 70 avec la Super Compressor équipés des fameux boîtiers étanches Ervin Picquerez.
Plus qu’une réédition proprement dite, la nouvelle Archimedes est une «réécriture contemporaine». Le développement principal s’est porté sur le boîtier en acier brossé de 41 mm, avec sa lunette ronde polie miroir. Points caractéristiques de son style vintage: le cadran grainé noir ou bleu, trois chiffres horaires aux points cardinaux, le guichet date à 3 heures, le rehaut tournant et les fameuses aiguilles «Broad Arrow» traitées Superluminova. Un ensemble qui privilégie la lisibilité. Son mouvement ETA 2892 se voit protégé par une boîte munie d’une valve à hélium jusqu’à 30 ATM, soit 300 mètres. Son prix: 1’919.- CHF. Un prix véritablement démocratique.
La Milus LAB 01
Avec sa nouvelle collection LAB, Milus entend s’inspirer librement de ses designs des années 90, grande époque de minimalisme stylistique et de design. Très graphique, elle arbore un cadran vraiment original en fibres de verre apparentes qui donnent son unicité à chaque pièce. Gris clair, gris foncé ou bleu, surmonté d’aiguilles traitées Superluminova, ce cadran protégé par un verre saphir traité antireflets intérieur est parfaitement mis en valeur par un boîtier d’acier de 40 mm, étanche à 5 ATM, simple, épuré, aux finitions polies et brossées. Le fond de boîte en verre saphir laisse apparaître la finition soleil du rotor et du cercle d’emboitage. La LAB 01 est équipée d’un mouvement automatique Sellita disposant de 38h de réserve de marche. Elle est montée sur un bracelet en coton naturel doublure cuir. Son prix: 990.- CHF.
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