J’ai terminé il y a peu la « restauration » de mon Lemania Chronographe 5012 que j’avais acquis en fin d’année dernière. C’est un ami qui m’a déniché cette petite merveille sur Ebay, 5 jours seulement après m’avoir expliqué que cette montre était relativement rare et difficile à trouver. Autant vous dire que j’étais très heureux qu’il se soit contredit !
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J’ai parlé de « restauration » entre guillemets puisqu’il n’y avait en fait pas grand-chose à faire, mis à part un bon nettoyage du boîtier, polissage et brossage du verre (c’est du moins ce que je croyais…).
Présentation « Avant »
Pour commencer, voici quelques photos de la bête avant opération.
La montre est sale, le boîtier est bien marqué et on sent que la montre a vécu. Néanmoins les divers chocs restent raisonnables et ne sont finalement que des témoignages de son histoire.
En revanche, le cadran, les aiguilles et la lunette sont sublimes : très propres avec juste une légère patine due à l’âge de la bête qui doit dater de la fin des 70s, début des 80s.
L’ouverture du boîtier est un peu difficile car le joint d’étanchéité a « fondu » et l’adhérence du fond est donc plutôt bonne ! Un peu d’huile de coude, ça se desserre et on découvre enfin le mouvement. Le 5012 est superbe, en parfait état, sans une trace d’oxydation. Que du bonheur !
Parenthèse Historico-Technique
Avant de continuer avec la restauration de ma montre, je vous propose une petite parenthèse au sujet de ce calibre quelque peu atypique. Les informations rassemblées viennent principalement de mon ami Pascal, du blog de Chuck Maddox et du site de Jean-Michel (vous trouverez des liens intéressants en fin de récit).
Le 5012 est donc un calibre dessiné et produit par Lemania à la fin des 70s / début 80s ; c’est en fait un dérivé simplifié du légendaire 5100. Le calibre 5012 possède ses propres lettres de noblesse, car c’est un mouvement de ce type qui animait le chrono Sinn 140B S, identique à celui-ci à l’exception de son fini PVD noir, porté par Reinhard Furrer lors de la mission D1 sur la navette spatiale américaine.
Sinn présenta d’ailleurs durant des années ce modèle comme étant le premier chrono automatique à avoir voyagé dans l’espace. C’était avant que l’on ne découvre que cet honneur revient finalement à un chronographe Seiko porté par William Pogue lors d’une mission Skylab.
Le 5100, dont la production a débuté en 1978, était le remplaçant simplifié du Lemania 1340. Il constituait la réponse du groupe SSIH à l’invasion quartz nipponne : simple, d’un prix de revient peu élevé et facile à produire.
La particularité de cette famille de chronographe réside dans l’aiguille du compteur des minutes qui, au lieu de se situer dans un compteur séparé, se trouve au centre avec l’aiguille des secondes du chronographe.
Cette disposition est relativement rare, à ma connaissance seul Lemania (et ceux qui ont utilisé ce mouvement ; Omega, Sinn, Tutima, Orphina, Porsche Design, B&R, etc…) l’a mise en œuvre, alors qu’à mon humble avis elle est beaucoup plus pratique et lisible que la présentation traditionnelle du petit compteur de minutes.
Moi qui adore les chronos, j’ai plein d’aiguilles sur le cadran et je suis comblé ! D’ailleurs pour être au paradis il ne me manquera plus que de m’offrir une Omega avec le 1045 (le 5100 renommé par Omega). De plus ce mouvement avait la particularité d’utiliser des pièces en nylon, ce que beaucoup considèrent comme un sacrilège…
Sacrilège peut-être, mais toujours est-il que le 5100 (et ses descendants) reste un chronographe fiable, précis et solide qui a été utilisé pour de nombreuses « toolwatch » et montres militaires. Pour en revenir au 5012, il s’agit simplement d’un 5100 qui tourne à 21600 alt. au lieu de 28800 pour le 5100, et dont le compteur 24 heures – situé normalement à midi sur le cadran – a été retiré.
Les déboires de l’apprenti horloger
La tige de la couronne sortie, le mouvement est déposé et mis sous cloche, rapidement rejoint par les couronnes et les poussoirs qui seront nettoyés ultérieurement.
On en arrive au verre, qui malheureusement explose en mille et un petits morceaux lors de ma tentative d’extraction avec la presse idoine… Un verre minéral, ce n’est pas drôle quand ça explose en mille morceaux. J’en ai mis partout et j’ai du coup dû faire une pause le temps de tout nettoyer, sans manquer bien sûr de me planter quelques éclats dans les doigts…
Une fois le nettoyage effectué, je pouvais me lancer dans les opérations de polissage.
Au passage, une petite visite de mon atelier horloger et de mon « tour à polir ».
Vous entrez donc dans mon atelier horloger qui partage cette pièce avec mon atelier mécanique et avec la buanderie… Un peu galère pour la poussière mais je n’ai pas d’autre pièce de libre donc on se débrouille comme on peut… Mine de rien, j’ai de la lumière, j’ai la clim, un peu de musique quand le besoin s’en fait ressentir et je suis au calme puisque mes filles n’ont pas spécialement envie de venir jouer dans la buanderie/atelier…
Mes outils glanés chez MisterChrono et autres :
Et mon tour à polir maison constitué d’un Dremmel astucieusement fixé sur une boîte de champagne…
N’oublions pas que je vis au Gabon, alors on fait avec les moyens du bord…
Le boîtier de la 5012 se présente de façon analogue à un boîtier d’Omega Speedmaster Mk II, c’est-à-dire avec une alternance de surfaces polies et brossées et un tour de cadran qui devrait être brossé « sunburst » ou façon soleil. N’ayant ni les outils, ni la technique pour réaliser un bel effet soleillé, j’ai pris le parti de donner simplement un aspect brossé au tour du cadran.
J’ai donc d’abord effectué un polissage complet du boîtier pour rattraper les gros chocs et les plus grosses aspérités avec la pâte à polir Dialux gris et disque en feutre. Le but n’était pas d’obtenir un boîtier à l’aspect neuf, mais simplement de lui refaire une nouvelle jeunesse, tout en conservant son « histoire » et en n’enlevant pas trop de matière.
Une fois l’ensemble homogène et propre, je suis passé au brossage du pourtour du cadran et des tranches du boitier avec une brosse circulaire en cuivre et une brosse de type grattoir ménager. Là j’ai beau faire, impossible d’avoir ne serait-ce qu’une impression d’effet « soleil » sur le pourtour du cadran… Je ne dois pas avoir la brosse adaptée car je n’arrive pas à « marquer » suffisamment le boîtier.
J’arrive néanmoins à un aspect satiné/brossé dont je ne suis pas mécontent et qui devrait parfaitement trancher avec les arrêtes polies. Justement, nous arrivons au polissage final… D’abord protection des parties brossées avec du simple ruban adhésif de peintre. C’est la partie la plus longue de l’exercice mais pas la plus difficile.
Et on attaque le polissage, cette fois avec la pâte à polir Dialux Bleue et différents formats de disque en feutre.
Boîtier terminé, on enlève les adhésifs, on nettoie le tout et…
… on s’arrête là puisque sans verre je ne peux remonter la montre.
La belle fraichement polie est donc restée quelques mois à se morfondre dans mon atelier, en attendant que j’arrive à trouver un verre neuf pour lui redonner toute sa splendeur.
Heureusement, grâce à mon ami, je savais que la Sinn 140/142 disposait d’un boîtier identique, et qu’il y avait donc un espoir de trouver un verre aux bonnes dimensions.
Aucun problème pour Sinn qui m’envoie un verre saphir neuf que j’ai donc reçu vendredi dernier, et qui s’adapte parfaitement à ma belle.
Le remontage est méticuleux, avec moult coups de soufflette pour éviter toute poussière, manipulation extrêmement prudente du verre pour ne pas y laisser de traces de doigts et une très forte hausse du rythme cardiaque lors de l’emboîtage du verre à la presse…
Tout va bien, il n’est pas cassé, il n’y a pas de poussière ou de trace de doigt visible à mon œil de néophyte et ma montre à l’air (presque) comme neuve…
Présentation « Après »
Il ne me reste plus qu’à lui adjoindre un bracelet cuir noir à surcoutures blanches de chez Camille Fournet et voilà la belle à mon poignet avec cette aiguille des minutes qui effectue ses tours de cadrans inlassablement…
La montre est relativement imposante (surtout pour son époque) avec un bon 42mm de diamètre pour 46mm de haut sur 15mm d’épaisseur.
Un peu lourde mais restant très confortable à porter, je ne suis pas complètement convaincu par le bracelet, mais je vais bientôt étudier d’autres alternatives.
J’adore cette montre. Elle est originale et a une forte présence au poignet, et possède ce petit charme typique des années 70s dont je ne me lasse pas.
Bien évidemment toute personne ayant des informations supplémentaires à m’apporter sur ce modèle ou sur le calibre 5012 sera la bienvenue ! D’ailleurs si quelqu’un a un moyen de dater précisément la belle je ne dis pas non ! Merci de m’avoir lu.
Texte : Jean-Guillaume C.
Photos : Jean-Guillaume C., Thierry D.
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