C’était une des deux hypothèses plausibles évoquées par les observateurs du monde horloger. Création d’une fondation, à Lucerne, ou absorption par le groupe Rolex. La reprise de Bucherer par Rolex permettrait de créer un géant mondial qui maîtriserait de la production à la distribution de montres de luxe. Eclairages !


Qui est le groupe Rolex ?
Rolex est un acteur hors normes du monde horloger. Cette marque est en fait un groupe propriété d’une Fondation de droit Suisse, la Fondation Hans Wilsdorf, à Genève. Ce statut lui confère des avantages dont elle a su tirer profit depuis que son fondateur en a décidé la création, en 1945.
La non publication des comptes de la marque et l’absence d’actionnaires avides de dividendes ont donné une avance que d’aucuns évaluent à 20 ans sur toute la concurrence horlogère mondiale. Rolex est à ce jour le leader mondial incontesté de l’horlogerie de luxe.
Plus que cela, Rolex exerce un pouvoir quasi hégémonique sur son secteur d’activité. Les transformations et la stratégie opérées depuis l’arrivée de Jean-Frédéric Dufour à la tête de la marque lui ont donné un élan sans précédent. Véritable Ambassadeur du Canton de Genève, Rolex exerce une influence politique très forte au sein de l’industrie Suisse. C’est en effet son action relayée par Chanel, Chopard, et Patek Philippe, qui a anéanti Baselworld au profit de Watches & Wonders, à Genève. Rolex a ainsi replacé Genève au centre de l’horlogerie de luxe mondial.
Du point de vue industriel et purement horloger, Rolex nous a habitué à ne jamais s’aventurer sur des sentiers non maîtrisés. Lorsqu’il s’est agit de verticaliser sa production aux fins d’indépendance industrielle, Rolex a intégré ses meilleurs fournisseurs qui avaient une maîtrise inégalée dans leurs domaines respectifs. Sa puissance financière le lui permettait. Et il s’agissait de gain de temps et de productivité. Pourquoi chercher à développer un domaine d’activité que l’on peut intégrer en acquérant le leader ? C’est la patte Rolex !
Rolex et Bucherer : des liens historiques
Lorsqu’en 2023 se pose la question de l’avenir du groupe Bucherer, distributeur mondial n°1, détenu par un seul homme qui a eu pour formateur horloger, dans sa jeunesse, un certain Hans Wilsdorf, là aussi une évidence se fait jour. Bucherer et Rolex ne doivent faire qu’un ! Les liens qui les unissent depuis 1924, une époque où c’était Bucherer qui soutenait Rolex, sont demeurés indéfectibles. Pour Jörg Bucherer, seul propriétaire du groupe familial fondé par Carl-Friedrich en 1888 à Lucerne, cette association est la certitude d’assurer la pérennité du groupe et du nom.
C’est ainsi qu’en ce 24 août 2023, par voie de communiqué de presse, Rolex annonce la reprise de Bucherer. Il est à noter que dans le communiqué, à aucun moment il n’est annoncé un rachat. Il est question d’acquisition, de cession, de reprise. Avec Rolex, il n’est jamais question de chiffres… Jugez-en par vous-même :
Communiqué de presse officiel
ROLEX REPREND BUCHERER
Afin de pérenniser le partenariat entre les deux entreprises et de prolonger leur histoire commune, Rolex a décidé d’acquérir Bucherer. Le détaillant horloger gardera son nom et continuera d’exercer son activité de manière autonome. Son intégration dans le groupe Rolex sera effective une fois que les autorités de la concurrence auront validé l’opération de reprise.
Genève, le 24 août 2023 – Suite au choix de Jörg Bucherer, en l’absence de descendants directs, de céder l’activité de sa société, Rolex a décidé de reprendre le détaillant horloger jusque-là indépendant. Cette décision s’inscrit dans la volonté de la marque genevoise de pérenniser le succès de Bucherer, ainsi que le partenariat étroit entre les deux entreprises, qui existe depuis 1924.
Les deux sociétés se sont accompagnées durant plus de 90 ans et ont contribué réciproquement au succès et à l’essor l’une de l’autre. Aujourd’hui, Rolex est un des leaders reconnus du secteur de l’horlogerie de luxe helvétique. Bucherer a réussi à se hisser au rang de détaillant multimarque de renommée internationale avec des points de vente en Suisse, aux États-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en France, au Danemark et en Autriche.
Bucherer représente plus de 100 points de vente dans le monde dont 53 qui distribuent la marque Rolex et 48 qui distribuent la marque Tudor. Le détaillant horloger est également un centre officiel de service après-vente pour les deux marques. Pour le service d’entretien des montres, ses ateliers emploient des horlogers formés par ses soins et hautement qualifiés.
Le groupe Rolex est convaincu que cette reprise est la meilleure solution pour ses propres marques mais aussi pour l’ensemble des marques de montres et de bijoux partenaires, ainsi que pour tous les employés du groupe Bucherer. Bucherer gardera son nom et continuera d’exercer son activité de manière autonome. Son intégration sera effective dans le groupe Rolex une fois que les autorités de la concurrence auront validé l’opération de reprise.
La collaboration fructueuse de Rolex avec les autres détaillants officiels de son réseau de vente restera inchangée.
UNE LONGUE HISTOIRE COMMUNE
Rolex et Bucherer ont une longue histoire commune. Bucherer est détaillant officiel de la manufacture Rolex depuis 1924. Les liens professionnels, d’amitié et de respect mutuel ont perduré jusqu’à ce jour. Par ailleurs, Jörg Bucherer est la dernière personne encore active qui a connu et collaboré avec Hans Wilsdorf, le fondateur de Rolex. Il restera le président d’honneur du groupe Bucherer. Rolex est fière du chemin parcouru par les deux entreprises depuis le début de leur collaboration.
Fin du communiqué
Une hypothèse prévisible !
Il était des signes avant-coureurs pour imaginer une telle situation. Tout d’abord ces fameux presque 100 ans de partenariat toujours mis en avant par les deux entités. Au-delà des relations professionnelles on ressentait une véritable relation humaine lorsque était évoquée ce lien par les dirigeants de Rolex ou de Bucherer. Il y avait aussi cette situation unique d’absence d’héritiers du côté de Jörg Bucherer. Et cet homme, à son âge honorable, n’a nul besoin d’argent pour songer à vendre son groupe. « Dîtes à tout le monde que le vieux a suffisamment d’argent pour mettre tout son stock sur le trottoir et continuer à s’en sortir s’il le désire ! » déclamait-il lorsque tous les cassandres annonçaient la fermeture de Bucherer Paris peu après son ouverture.
Car ce vaisseau amiral, cette magnifique boutique horlogère, la plus grande du monde avec ses 2 200 m2, a dû traverser de nombreuses tempêtes depuis son ouverture en 2013. Mais elle a tenu le choc, elle s’est transformée, elle a testé de nouveaux concepts et elle a intégré audacieusement de nouvelles marques. Et aujourd’hui elle est toujours présente dans le paysage horloger parisien, fringante et pimpante ! Soutenue qu’elle est par Rolex qui vient d’y refaire son espace de vente, et par Jörg Bucherer qui l’affectionne tout particulièrement.
Parmi ces transformations, il y a eu la création en 2020 d’un espace « Bucherer Gallery » Certified Pre Owned (CPO), qui a intégré en décembre 2022 les premières Rolex CPO. Un véritable coup de tonnerre dans l’univers de la montre de collection. Pour la première fois, Rolex, par le biais du réseau Bucherer dans un premier temps, puis ensuite via un réseau de détaillants triés sur le volet, proposait des montres d’occasion certifiées. Là encore, Rolex s’appuyait sur une expertise avérée de partenaires pour intégrer un nouveau marché, celui de la montre de seconde main.
Rolex sur le toit du monde horloger de luxe – Enjeux et perspectives
Ce sont donc tous ces signes qui pouvaient laisser imaginer qu’un jour Rolex et Bucherer ne feraient plus qu’un. Ou plus justement, comme annoncé dans le communiqué officiel, seraient dans un même groupe, tout en conservant chacun leur autonomie. Car en intégrant Bucherer, se posent de nouveaux enjeux pour Rolex. À commencer par le développement d’une nouvelle marque horlogère, propriété de Bucherer : Carl F. Bucherer, la marque éponyme du groupe. Et il est à considérer une chose essentielle, c’est qu’avec Bucherer, Rolex fait une entrée importante dans le monde de la joaillerie. Car Bucherer est aussi joaillier…
Comme il est facile à comprendre, rien ne sera simple dans cette acquisition. Mais il est à ne pas douter que tout a déjà été pensé, évalué, et anticipé. Avec cette reprise, Rolex assoit son hégémonie sur l’horlogerie de luxe mondiale. Elle fait une démonstration de force qui trouvera sans doute son aboutissement par l’acquisition, un jour, de Patek Philippe. Mais il s’agit là d’une autre probable belle histoire que pourraient écrire cette foi la famille Stern et la fondation Hans Wilsdorf. Il n’est qu’à patienter…
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