La Manufacture Christophe Claret existe depuis 1989. Monsieur Claret, lui-même, est issu d‘une famille d’entrepreneurs, ce qui lui a donné très vite l’envie de voler de ses propres ailes. Aujourd’hui, il possède trois entités à 100% (Christophe Claret Engineering, Christophe Claret Manufacture, et Christophe Claret Watches), et détient 50% du capital d’une jeune marque lancée il y a peu.
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La Manufacture est installée sur les hauteurs du Locle dans un Manoir du 19ème siècle, décoré de tapisseries de la renaissance, de tableaux signés et de stucs de Maîtres. Il affiche ainsi son goût pour l’art, le beau, et le bien. Christophe Claret avoue une passion pour la vieille pierre, et plus particulièrement pour les châteaux. Il en possède deux qu’il a acquis il y a quelques années et qu’il a lui-même restaurés. Preuve de sa passion pour la construction.
J’ai eu la chance pendant ma visite d ‘être guidé par le maître des lieux en personne qui m’a présenté l’ensemble des départements permettant à la fois de créer ses productions en propre et d’honorer celles qui lui sont commandées par de grandes marques horlogères. Visite guidée !
Thierry Gasquez
Président
Le Bureau d’étude
Composé d’une dizaine de personnes, il est le cœur du dispositif Christophe Claret. C’est le point de départ de tous les projets incroyables réalisés par ce maître de la dream watch. Cinq projets sortent chaque année de ce département. Trois sont destinés à des marques tierces, et deux le sont pour une réalisation en interne estampillée Christophe Claret.
Le bureau de contrôle
Il fait des études poussées pour la faisabilité de chaque pièce proposée par le bureau d’étude. Sont pris en considération de nombreux paramètres pour valider un projet. Les premiers contrôles sont réalisés en fonction du coût constructeur, de la faisabilité (par l’horloger de contrôle) et de la cohérence du projet entrepris. Pour cette dernière étape, c’est Christophe Claret lui-même qui intervient. L’étude est poussée au maximum car il a été choisi dans la méthode de réalisation des montres Christophe Claret de ne pas réaliser de prototypes. Il peut être réalisé des maquettes avec des tests de fonctions. Cela consiste à créer une maquette à l’échelle 1, sur une plaque de métal, pour tester de manière indépendante ce qui poserait problème. Cela peut être un type de roulement à bille, ou tout autre élément d’une montre en création. Mais le test n’est pas réalisé sur le mouvement. Ensuite, on passe immédiatement aux pièces de préséries. Ce sont ces pièces qui, généralement, sont présentées à Bâle.
Le bureau Infographie
Tous les films de présentation des montres Christophe Claret, ainsi que les visuels d’annonces magazine sont réalisés en interne. Une équipe de deux infographistes assiste Christophe Claret qui accorde une énorme importance à ce département. Il se veut comme un chef d’orchestre pour ce département qui va offrir des outils de communication au marketing et relation presse.
Christophe Claret impose à ses équipes de commencer par le choix de la musique. Cela doit donner le bon tempo à la dynamique du film. Pour cela, ils fouillent pour trouver la musique qui colle le mieux à l’esprit de la pièce présentée. L’achat des droits d’auteur peut coûter très cher, mais ce n’est jamais à fonds perdus. La réalisation des films a une telle importance pour Christophe Claret qu’il admet qu’un film de 2mn30 peut parfois représenter 4 mois de travail. Mais il doit être l’image de la communication, il doit faire passer un message, une émotion, et mettre en avant toute l’innovation portée par le projet à présenter.
Pour l’anecdote, l’équipe était en train de travailler sur la présentation de la prochaine nouveauté signée Christophe Claret. Le maître de la complication horlogère nous promet la première complication dédiée aux dames. Pas une adaptation de quelque chose existant, mais une montre pour dames, avec une vraie complication féminine. Dire qu’il va falloir attendre Bâle 2014… Tous ces départements évoqués sont abrités dans le manoir, à proximité du magnifique bureau de Christophe Claret. Un passage aérien permet de rejoindre les nouveaux bâtiments ultra modernes. Christophe Claret se plait à qualifier ce passage de transition entre la tradition et l’innovation. Valeurs chères à l’univers horloger.
A l’étage de ce nouveau bâtiment se trouvent de nombreux bureaux / ateliers. Nous rendons visite au responsable technique qui m’explique qu’il y a 70 calibres chez Christophe Claret. Ces calibres sont perpétuellement en évolution. On cherche à les améliorer ou à les adapter à de nouveaux projets. Pour cela de lourds investissements sont réalisés dans du matériel de pointe. C’est le cas de cette caméra Leica permettant de voir 100 000 images/seconde quand l’œil humain ne peut en percevoir que 25. Ou alors ce testeur de soudures à l’hélium directement issu de l’industrie aéronautique qui va servir à vérifier la parfaite étanchéité des boites.
Chez Christophe Claret où 100% d’une montre est réalisée en interne, on a décidé depuis quelques années de s’offrir son indépendance en verticalisant la production. Par exemple, les cadrans, les boites et la galvanoplastie sont réalisés en interne. Ce qui est relativement rare dans l’industrie horlogère étant donné qu’il existe de véritables spécialistes en la matière. Les décorations, finitions et anglages sont aussi réalisés en interne.
La « Chambre des trésors »
Ainsi est baptisé le stock géré par deux personnes. Plus de 3 millions de pièces y sont stockées, soit 21 000 références de composants. Les kits de montage sont préparés et stockés jusqu’à 6 mois à l’avance afin d’éviter toute pénurie à l’heure de la livraison prévue de la montre. En plus des pièces pour réaliser les montres ou pour les réparer (SAV), sont stockés et gérés les outils. Christophe Claret a pris le parti de produire une partie des outils des horlogers. Cela pour le coût ainsi maîtrisé et pour une gestion rationnelle.
Le bureau des méthodes
Y sont gérés les nomenclatures et les gammes opératoires.
Le bureau de la logistique
On y fait le suivi des lancements des stocks et des méthodes. 80% des pièces présentes dans les réalisations Christophe Claret sont produites en interne contre 20% en externe. Par contre, demeure toujours un important souci de qualité.
L’atelier de décolletage, taillage, et roulage
Véritable cœur industriel de la manufacture, on peut trouver s’y côtoyant de vieilles décolleteuses Tornos remises à neuf et numérisées, et des machines ultra-modernes Citizen. La manufacture compte jusqu’à 5 décolleteuses, 2 tailleuses CNC et 1 roulage. Cette dernière opération qui consiste à traiter la matière pour la durcir est stratégiquement très importante dans le fonctionnement de la Manufacture. Elle permet un délai d’une semaine contre 3 mois lorsqu’elle est sous-traitée. Et impossible pour Christophe Claret de se passer du roulage, car cela lui permet des taux record de déchets de 5% contre jusqu’à 80% parfois lorsque le roulage n’est pas effectué.
Le bureau de contrôle de la Manufacture
Tous les composants arrivant de l’extérieur ou de l’interne passent par le bureau de contrôle. On y contrôle toutes les tolérances en fonction du cahier des charges du client (ou l’interne pour des pièces Christophe Claret). Des tests d’homologation sont réalisés en simulant un fonctionnement de 6 ans. Ensuite chaque montre produite est testée. L’ultime contrôle est réalisé par Christophe Claret lui-même avant qu’il appose sa signature sur le carnet qui accompagne la montre jusqu’à son propriétaire final.
L’atelier d’assemblage final
Les horlogers reçoivent leurs kits, puis les assemblent. Un premier contrôle est ensuite réalisé par le chef de département, puis l’emboîtage est autorisé.
En descendant au sous-sol, on découvre un grand atelier où se côtoient de nombreuses machines ultra-modernes. Une chose saute aux yeux. C’est l’extrême propreté des lieux malgré le caractère industriel de l’activité.
On y trouve par exemple une machine robotisée à 16 axes simultanés conçue par Christophe Claret Engineering. Elle est équipée d’un chargeur automatique de deux fois 72 outils et d’un autre chargeur composé d’un stock de pièces à travailler. Cela lui donne une autonomie parfaite lui permettant de travailler sans présence humaine durant le week-end si nécessaire. Une simple connexion internet permet à l’opérateur de permanence, depuis son domicile, de résoudre tout problème éventuel. Selon Christophe Claret, cette machine n’aurait pas d’équivalent sur le marché.
On trouve aussi une machine pour tailler les saphirs. Ce qui est, là aussi, très rare. Et enfin, on y retrouve une autre machine qui fait la fierté de Christophe Claret, estampillée là aussi Christophe Claret Engineering, la « flashcut laser ». Cette machine de découpe laser a été réalisée il y a 8 ans et peut découper en 25 secondes une cage de tourbillon quand une machine à électro-érosion demande 25 minutes. Cette rapidité d’exécution permet une utilisation de seulement 4h / jour pour la quantité de travail demandée. Notre visite de la manufacture s’est terminée par ces ateliers de production industrielle.
Monsieur Claret semblait très fier de m’avoir présenté tout cela, et moi j’étais très heureux d’avoir eu droit à cette visite commentée par le maître des lieux. J’ai apprécié la franchise de nos échanges et la transparence de la présentation, allant jusqu’à ne pas me cacher certaines pièces sous-traitées pour de grandes marques horlogères ne possédant pas le savoir-faire nécessaire pour réaliser des montres de très haute horlogerie. Car la marque de montre Christophe Claret n’est que la partie émergée de l’iceberg. Dessous, inconnue du grand public, se trouve une grande manufacture rassemblant de véritables savoir-faire et une très haute technicité qui mérite qu’on s’y intéresse de très près.
Récit Thierry Gasquez pour Passion Horlogère
Photos Thierry Gasquez et Christophe Claret
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