Notre amie Ekaterina Sotnikova a organisé récemment dans son EKSO Watches Gallery une exposition autour de la gamme « One Hertz », le modèle désormais emblématique des frères Grönefeld. L’occasion de revenir ici sur le parcours et les créations de ces deux concepteurs indépendants, tellement innovants et sympathiques que Passion Horlogère a rencontrés dans le cadre de cet événement.
Grönefeld, les basses fréquences du cœur
L’horlogerie est comme inscrite dans les gènes chez les Grönefeld ! C’est en effet au sein de l’atelier paternel à Oldenzaal que Bart et Tim ont commencé tout jeunes à prendre goût à la mécanique de précision et aux créations d’art, dans le droit fil de leur arrière-grand-père Johan qui ouvrit, en 1912, l’horlogerie-bijouterie familiale au cœur de cette petite ville des Pays-Bas.
Bart, l’aîné des deux frères, a commencé ses études techniques et d’horlogerie dans son pays natal avant d’intégrer en Suisse la prestigieuse WOSTEP de Neuchâtel pour y parfaire ses connaissances et son expérience en matière de montres à complication. C’est tout naturellement qu’il entre en 1991 au Locle chez Audemars Piguet (Renaud et Papi), où il devient en particulier le spécialiste des répétitions minutes et grandes sonneries.
Son cadet Tim suit rapidement un chemin similaire qui l’amène également chez Renaud et Papi pour y prendre en charge le secteur des tourbillons et des échappements complexes.
Les deux frères travaillent ensuite plusieurs années en Suisse avant que l’amour d’une femme n’incite Bart à revenir s’installer à Oldenzaal. Mais la complicité entre eux est telle que Tim le rejoint rapidement en Hollande et qu’ils fondent ensemble fin 1998 leur propre atelier de restauration d’horlogerie haut-de-gamme dans le même immeuble qui abrite la boutique familiale.
C’est en 2004 qu’ils décident de mettre en commun leur expérience des grandes complications au service de leur marque propre et commencent à concevoir leur première montre qui voit le jour en 2008. Il s’agit de la « Tourbillon Répétition Minutes » GTM-06, un merveilleux concentré du savoir-faire de Tim en matière de tourbillon – ici sublimé dans une cage artistiquement ouvragée – et des recherches de Bart sur l’optimisation des résonances et vibrations d’une sonnerie 2 tons sur gong cathédrale.
Le cadran s’ouvre sur le train de rouages des heures et minutes du calibre G-01 réalisé sur une ébauche Christophe Claret et dont les étapes successives de finitions à la main avant assemblage prennent jusqu’à deux mois de travail ! Un disque d’onyx noir vient relever et mettre en valeur le mécanisme et la marche gracieuse du tourbillon-minute, mais aussi les marteaux de la répétition qui viennent – à tour de rôle pour les heures et les minutes ou en alternance pour les quarts – frapper sur 2 tons le double enroulement du gong circulaire.
Le boîtier de belles dimensions (44mm x 15mm) est également étudié pour améliorer la résonance de l’ensemble. Les cornes en particulier sont évidées et texturées de manière à faciliter la réverbération des sons et la tirette de mise en action de la répétition va jusqu’à s’effacer dans l’une de ces cornes. Il y a là un souci du détail autant fonctionnel qu’esthétique qui emporte l’adhésion. Et comme l’envers du calibre à remontage manuel est lui aussi travaillé en guillochage et poli miroir comme une œuvre d’art, le plaisir des sens est complet.
Encore disponible sur commande en série limitée à 10 numéros pour chacun des modèles en or rose et en platine, cette montre d’exception présente un condensé remarquable de toute l’expérience des frères Grönefeld.
Mais il était dit que leur philosophie serait désormais de développer dans chacune de leurs créations des montres innovantes sur la base de complications originales. C’est dans cet état d’esprit que Tim et Bart ont présenté en 2010 leur nouveau modèle dit « One Hertz » dont le nom reprend symboliquement la complication de « seconde morte » qui en fait la particularité, à savoir une pulsation de la trotteuse par seconde. Rien d’extraordinaire direz-vous puisque les montres à quartz font la même chose !
Sauf qu’il s’agit bien évidemment dans le cas présent d’une montre mécanique d’un diamètre de 43mm animée par un mouvement à remontage manuel entièrement conçu et réalisé par les deux frères, le calibre G-02. Sur la base d’une fréquence nominale de 3 Hz, c’est la façon de découper le tempo au niveau du dispositif ancre-balancier qui permet de marquer les secondes de cette façon. Ce découpage inexorable est mis en avant au plein sens du terme sur la One Hertz en lui dédiant non seulement un cadran séparé encore plus grand que celui des indications heures-minutes, mais aussi en surélevant légèrement celui-ci dans une belle mise en perspective.
Au cœur du mécanisme, même constat : chacun des trains de rouages (heures-minutes d’un côté, secondes mortes de l’autre) est alimenté par son propre barillet de manière à répartir de manière homogène et sans interférences l’énergie. Et si le balancier spiral est commun aux deux parties, un second système d’ancre spécifique vient redécouper la fréquence sur une roue supplémentaire qui fait donc avancer la trotteuse d’une seconde à chaque battement. C’est là que réside toute l’originalité technique du mécanisme imaginé par Tim et Bart.
Autre particularité qui n’apparaît qu’à l’essai, montre en main : contrairement à l’usage courant et spontané qui consiste à tirer la couronne pour remonter le mécanisme et faire la mise à l’heure, il faut ici pousser la couronne pour opérer ces fonctions :
– en mode de fonctionnement normal au porté, l’indicateur auxiliaire sur le cadran pointe sur W et nous sommes alors en mode « Winding » qui permet de remonter ensemble les deux barillets en tournant la couronne, pour une réserve de marche de 72 heures lisible également au cadran,
– une poussée sur la couronne et l’on passe en mode S pour « Setting » lorsque l’on souhaite régler l’heure et l’ajuster ensuite de façon classique,
– retour sur le mode W avec une nouvelle pression pour éviter bien sûr de dérégler l’heure au poignet.
Après quelques essais, je peux vous assurer qu’il est bien plus simple et naturel de pousser ainsi la couronne que de s’escrimer à la tirer comme sur les modèles classiques. Essayer c’est l’approuver ! Encore une fois et à travers cet exemple, la mise en valeur d’une belle complication originale n’est absolument pas réalisée au détriment du côté pratique et fonctionnel.
C’est aussi d’ailleurs le cas au verso du calibre qui présente des ponts disposés à la périphérie du boîtier. Leur forme particulière reprend subtilement en hommage le dessin des façades des maisons hollandaises telles qu’on peut les admirer par exemple sur le bord des canaux d’Amsterdam. J’avoue être sous le charme de ces ponts séparés joliment découpés. Leur aspect finement grené est rendu possible par l’utilisation d’acier inox, Bart et Tim considérant qu’il sera plus facile le cas échéant de rattraper les caprices du temps sur cette matière que sur le maillechort utilisé d’habitude sur ce type de pièces.
La One Hertz a été produite initialement dans une série limitée de 12 pièces en boîtier acier. Baptisée « 1912 » par Tim et Bart en mémoire de leur arrière-grand-père Johan et de l’année d’ouverture du magasin familial, elle n’est désormais plus disponible au catalogue mais il est encore possible de la trouver.
La série suivante est l’édition limitée à 20 pièces en or rose dénommée « Dune » mise en évidence ci-dessus et qui a fait beaucoup pour la réputation de la One Hertz. Deux séries de 30 pièces au boîtier titane, l’une à cadran gris (« Ruthenium »), l’autre à cadran argenté (« Classic ») l’ont ensuite suivie.
Enfin, plus récemment, deux séries dans un très beau cadran bleu, l’une à 12 exemplaires en platine (« Platinum »), l’autre à 30 pièces en titane produite en 2013.
En 2012 sont apparues deux séries Contemporary en titane au look plus sportif limitées à 30 pièces, la « Fire » rehaussée d’orange et la « Ice » rehaussée de blanc.
Enfin en 2013 sont sortis 2 modèles de la One Hertz Techniek en open-dial, l’une en titane DLC mat « Nocturne », l’autre en titane poli brillant.
Grönefeld souhaite rester une manufacture familiale à taille humaine et préserver l’indépendance qui lui est chère. Mais devant le succès rencontré depuis le lancement de leur marque, Bart et Tim se sont entourés de quelques collaborateurs qui travaillent tous sur place avec eux à Oldenzaal dans le bel atelier aménagé dans l’immeuble d’origine.
Bart et Tim ont plusieurs projets dans leurs cartons pour les années à venir et nous réservent une surprise à Bâle 2014 avec un nouveau modèle qui devrait de nouveau mettre en évidence une belle complication. Mais laquelle ? Le mystère reste entier !
Vous pouvez retrouver plus de détails sur l’histoire et les valeurs de la manufacture Grönefeld ainsi que les données techniques de ses modèles sur le site de Bart et Tim
… et compléter cet aperçu virtuel par un essai réel en prenant rendez-vous à l’EKSO Watches Gallery qui présente de très beaux exemplaires de la gamme One Hertz.
Pour Passion Horlogère : Rédaction Luc J. / Photos autorisées par Tim, Bart et Ekaterina
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