Nous avons ainsi pu longuement découvrir à Bâle la Chapter Three, fruit d’une collaboration entre Andreas Strehler et Kari Voutilainen, toute de sophistication mécanique et de raffinement esthétique.
L’occasion également de profiter d’une présentation détaillée de la collection complète des Maîtres du Temps par son directeur des opérations, M. Walter Ribaga.
C’est en 2005 que Steven M. Holtzman, alors l’un des plus grands distributeurs indépendants de Haute Horlogerie d’Amérique du Nord, imagine que la mise en commun de l’expérience, du style et des idées des concepteurs les plus renommés pourrait aboutir à la création de modèles exceptionnels et uniques, quintessence de l’art horloger. Un pari audacieux, car faire travailler ensemble des créateurs aux caractères réputés bien trempés, sans que l’un d’eux ne tire la couverture à lui, pouvait relever de la gageure !
A l’époque distributeur entre autres de Roger Dubuis, Steven M. Holtzman sollicite celui-ci pour constituer une «dream team» avec Christophe Claret et Peter Speake-Marin. Les membres du trio, largement pris par ailleurs par leurs activités propres, vont cependant trouver le temps de travailler en coopération étroite sur le concept et les différents composants d’un premier modèle qui sera révélé en 2008 dans le cadre du lancement de l’Atelier des Maîtres du Temps. La Chapter One était née !
Sur cette version ronde, ce sont bien sûr les rouleaux d’indication des phases de la lune et du jour de la semaine qui sautent aux yeux. Leur usage inhabituel, inspiré de certaines réalisations horlogères des années 1940, fait en grande partie le charme de ce modèle dont le boîtier seul nécessite l’intégration de 96 composants.
Un magnifique tourbillon 1 minute ouvragé conçu par Christophe Claret impose ses finitions à la main près d’un affichage double-rétrograde réalisé par Roger Dubuis. Le secteur indicateur d’un second fuseau horaire et celui de la date s’inscrivent ainsi en arcs de cercle de part et d’autre du compteur totalisateur de 60 minutes du chronographe.
Les aiguilles d’heures et minutes centrales luminescentes se distinguent nettement de l’aiguille rouge des secondes du chronographe.
Le fond de la Chapter One laisse apparaître une partie du mouvement à remontage manuel décoré à la main et réalisé à partir de 558 composants ! On comprend dès lors pourquoi l’assemblage complet d’un modèle prend de 4 à 6 semaines.
Près de chacun des quatre poussoirs correcteurs est inscrite sa fonction : Day, Date, Moon et GMT. Chacune est activable en toute sécurité et à tout moment.
La Chapter One est un chronographe à mono-poussoir intégré à la couronne. Cette particularité est suffisamment rare dans sa combinaison avec un tourbillon pour être remarquée.
Chacun des poussoirs correcteurs est sécurisé pour un fonctionnement optimal et nécessite 14 composants.
La Chapter One en impose forcément, y compris au poignet, par son esthétique mais aussi par ses dimensions (ici 62 x 59 x 22). Elle reste cependant portable, à preuve sur votre serviteur qui n’est pourtant pas bûcheron…
Voici une autre version en or rouge et cadran squeletté qui permet d’apprécier encore plus le mouvement par transparence. Celui-ci dispose d’une réserve de marche de 60 heures.
Le rouleau des phases de la lune est ici bien visible et l’on peut distinguer le fond finement étoilé du ciel qui lui sert de décor.
L’envers de la montre permet de lire l’inscription «One of 11», chaque version en or rouge, or gris ou titane, combinée au fond noir ou argent, plein ou squeletté, étant produite en série limitée à 11 exemplaires.
L’autre inscription est la devise de l’Atelier : «A Lifelong Pursuit of Excellence».
Le «Bagua» inscrit dans l’octogone délimitant le fond du boîtier est un symbole, issu de la culture chinoise, que l’on peut interpréter à sa convenance comme un concept de genèse et évolution ou d’alpha et oméga de l’art horloger… A chacun de décider !
La Chapter One est également disponible dans ses différentes livrées en ligne « tonneau » aux mêmes caractéristiques techniques, avec cependant un nombre d’éléments constitutifs du boîtier porté à 104 au lieu de 96 compte tenu de son format.
L’une des dernières-nées de la gamme est d’ailleurs une version squelettée en boîtier titane. L’extrême complexité de ces modèles explique que l’Atelier des Maîtres du Temps n’en produise, toutes lignes confondues, que 8 à 9 exemplaires par an !
C’est Peter Speake-Marin qui a assuré la coordination technique du projet de la Chapter One et mis son expérience au service de l’intégration des différents sous-ensembles entre eux. Il n’est que de regarder un aperçu de l’éclaté du modèle pour toucher du doigt le degré de finesse qu’il a fallu mettre en œuvre dans l’ingénierie de sa réalisation afin que toutes les complications développées fonctionnent harmonieusement ensemble, jusqu’aux arbres et pignons articulés à 90° pour transmettre le mouvement aux cylindres.
Ceux-ci sont réalisés dans un alliage d’aluminium extrêmement léger et dont les découpes sont réalisées au laser de manière à obtenir un ensemble aérien.
La Chapter Two est en 2009 le résultat de la coopération d’un trio légèrement remanié, Daniel Roth faisant son entrée dans l’aventure à la suite de Christophe Claret. Ce modèle peut être vu comme une version épurée de la Chapter One en ce qu’elle en conserve la ligne générale et le dispositif d’affichage à cylindres entre les cornes, mais avec des fonctionnalités fortement remaniées.
Cette fois, la base du mouvement est en effet un classique heures-minutes avec petite seconde assorti d’une grande date alors que les cylindres présentent le mois et le jour courants. Ce triple quantième est d’ailleurs à changement instantané.
Sur ce modèle récent en format tonneau à fond noir et index bâtons, le cadran apparaît ainsi épuré, dans un boîtier aux dimensions ramenées à 58 x 42 x 16.
Le mouvement est cette fois automatique et dispose d’une réserve de marche de 50 heures dont la masse oscillante en or rouge guilloché 22 carats saute aux yeux à travers le fond saphir. Un développement très réussi a également consisté à supprimer les poussoirs correcteurs des cylindres sur les tranches pour les remplacer par des mini-palettes à l’arrière dont les fonctions jour et mois sont clairement indiquées, d’autant plus pratiques pour les mises à jour que l’affichage visible côté face est rappelé par son chiffre : 7 pour dimanche et 9 pour septembre sur l’exemple donné.
Sur les Chapter One et Two, l’introduction de l’affichage par cylindres nécessite pour chaque exemplaire l’utilisation de pas moins de 6 verres en saphir bombé dont la réalisation est extrêmement délicate pour un résultat parfait de lisibilité.
La Chapter One a tout d’abord été produite exclusivement dans des versions à index en chiffres romains, ici avec cadran soleillé.
Mais outre la version récente à index bâtons, des modèles destinés à une clientèle féminine agrémentés de somptueux brillants sont disponibles dans des tons lumineux. Ici dans un ensemble bleu de toute beauté.
Les 205 diamants y brillent de mille feux…
Comme aussi dans cette autre version toute de blanc vêtue.
Une belle nouveauté 2014 a consisté à décliner la Chapter Two dans une livrée bicolore d’or rouge, lunette céramique noire et fond titane relevé de PVD noir. Un aspect sportif habillé encore allégé par l’introduction d’un boîtier rond.
Côté couronne, le seul poussoir visible est celui du correcteur de grande date.
Sur cette version ronde, le côté sportif est encore renforcé par les nervures en relief sur les tranches.
Un dernier regard sur l’envers ouvragé du mouvement de cette Chapter Two…
La dernière-née du livre des Maîtres du Temps, la Chapter Three, est le résultat d’une collaboration remarquable entre deux autres concepteurs indépendants de génie : Andreas Strehler et Kari Voutilainen.
Dans un registre totalement différent des deux premiers modèles de l’Atelier, la Chapter Three impose d’emblée son cadran rond classique caractéristique du parti pris esthétique de Kari. Plus de cylindres cette fois, plus de forme tonneau imposante, plus de complications subtiles en sus des heures, minutes et petite seconde.
Ah si ! Un discret guichet phases de lune et un indicateur de date. Une exquise Voutilainen donc… Ce qui n’est pas rien, convenons-en.
Mais si l’on examine l’envers du décor et du calibre manuel à 36 heures de réserve de marche, certains détails accrochent le regard. Les voyez-vous ?
De même que cette couronne augmentée d’un poussoir et ce qui semble être un bouton correcteur sur la tranche opposée. Pourtant, pas de chronographe en vue. Alors ?
Le petit miracle s’accomplit lorsque la curiosité nous pousse enfin à activer ce pseudo-mono-poussoir, révélant l’ouverture simultanée de deux volets à midi et 6 heures. Nous comprenons alors le terme «Reveal» accolé au nom du modèle ! Kari et Andreas ont en effet imaginé une autre façon de mettre en valeur le concept à cylindres des premiers chapitres : il s’agit cette fois d’afficher à la demande un second fuseau horaire assorti d’une indication jour/nuit. Il est ici par exemple midi dans le lieu de référence.
La simplicité apparente de ce mécanisme à secret dissimule les trésors d’ingéniosité qu’Andreas a conçus à l’appui du développement de ce modèle complexe dont l’architecture d’ensemble a été conçue par Kari. Il a fallu par exemple ajuster le mouvement des volets afin que ceux-ci soient parfaitement fondus dans le cadran tout en leur permettant de s’effacer sur 0,7 mm de débattement lors de leur mise en action, puis qu’ils reviennent prendre correctement leur place initiale lorsque l’on appuie de nouveau sur le poussoir. Autre astuce : c’est le bouton à 9h qui permet de désynchroniser le mouvement des cylindres de l’heure principale lors de l’ajustement du second fuseau horaire. Il est donc ici minuit, ce qui permet de visualiser la lune à la place du soleil.
Il existe à ce jour trois versions de cadrans (bleu, blanc, gris) de la Chapter Three, disponibles chacune en boîtier or gris ou or rouge.
Un grand merci à Walter Ribaga pour son accueil et nous avoir permis de manipuler tous ces très beaux modèles, ainsi qu’à Ekaterina Sotnikova pour son rôle essentiel dans ce rendez-vous.
Ekso Watches présentera d’ailleurs prochainement à Paris une collection des trois premiers chapitres des Maîtres du Temps dans sa Galerie parisienne.
Pour Passion Horlogère : rédaction Luc J. / photographies Michel P.V.
Laisser un commentaire