Andreas Strehler à Belles Montres 2014

Maître horloger reconnu par ses pairs mais créateur indépendant relativement discret, Andreas Strehler exposait cette année au salon Belles Montres auréolé du Prix Gaïa 2013 et d’une notoriété croissante auprès des amateurs. L’occasion en particulier d’admirer de près ses dernières «Sauterelles».

Après ses études d’horlogerie à Solothurn et plusieurs années au Locle comme chef-prototypiste chez Renaud et Papi, Andreas monte en 1995, avec l’aide de son père, son propre atelier de conception et restauration dans le garage familial. Il y conçoit et assemble plusieurs pièces et mouvements qui vont asseoir sa réputation jusqu’à réaliser entre 2001 et 2007 une dizaine de calibres pour H. Moser & Cie, dont le modèle Perpetual One qui se voit décerner le Prix de la Montre compliquée au Grand Prix d’horlogerie de Genève en 2006.

Andreas Strehler dépose à cette époque les statuts de sa société UhrTeil AG et s’installe en 2007 dans de nouveaux locaux à Sirnach où il travaille, avec une petite équipe de collaborateurs, depuis dans un atelier de 300 m² attenant à la maison.

Il reprend alors sous sa propre marque l’idée du réseau de ponts en forme de papillon stylisé, sortie de son imagination à l’origine pour Harry Winston avec l’Opus 7, et présente son premier modèle à Baselworld 2008 : la bien nommée « Papillon » propose des indications séparées et simultanées de l’heure et des minutes sur deux disques animés par un train de rouages centré sur des  roues géantes de 192 et 175 dents. C’est d’ailleurs une constante remarquable chez Andreas de savoir proposer sous une apparence relativement simple et esthétiquement très réussie des complications techniques remarquables.

En 2012, Andreas fait évoluer sa création en l’emprisonnant symboliquement dans un cocon :  les ponts et le train de rouages admirés sur la Papillon à travers la face squelettée sont maintenant uniquement visibles au verso comme dans une chrysalide et la lecture au cadran redevient plus conventionnelle avec un affichage classique par aiguilles et l’ajout d’une petite seconde.

En 2013, avec la Sauterelle, Andreas Strehler apporte une touche de complication à la Cocon en lui intégrant un dispositif de remontoir d’égalité au niveau de la roue des secondes : le mécanisme de rotation du satellite en étoile à 8 branches greffé sur un ressort-spiral additionnel fonctionnant en accumulation/détente cyclique permet à l’ensemble du mouvement de conserver une amplitude quasi-constante quel que soit le degré de tension du ressort-maître, ce qui lui assure un haut degré de précision supplémentaire presque tout au long des 78 heures de réserve de marche disponibles.

Andreas a d’ailleurs réalisé lui-même une maquette de démonstration de cette innovation brevetée qu’il prend toujours plaisir à expliquer ainsi visuellement de manière très convaincante.

Le public ne s’y trompe pas et prend le temps, comme ici sur le stand de Belles Montres, de regarder, de s’asseoir et d’échanger avec le concepteur de ces merveilleux mécanismes, d’autant que celui-ci devient intarissable dès lors qu’il parle de ses insectes horlogers et des trésors d’innovation qu’ils dissimulent adroitement.

Une fois en place et intégré au mouvement, le remontoir d’égalité et l’étoile sautante qui lui donne son nom apportent à la Sauterelle une touche supplémentaire de vie.

La beauté du cadran finement guilloché pris dans un boîtier légèrement ovalisé ajoute au charme de l’ensemble dans un esprit Art Nouveau.

Mais la richesse mordorée du mécanisme et de ses ponts artistiquement découpés se révèle encore au verso, laissant d’ailleurs deviner une autre caractéristique développée et exploitée astucieusement par Andreas Strehler, à savoir le principe des engrenages coniques qu’il a contribué à populariser pour sa très grande fiabilité.

C’est à l’occasion de Baselworld 2014 qu’Andreas Strehler a présenté pour la première fois une évolution remarquable de sa Sauterelle en lui adjoignant une Lune «Perpétuelle» dont l’affichage est positionné sur le cadran sous le remontoir d’égalité.

Et c’est dans une version encore améliorée que le public a pu l’admirer à la loupe sur le Salon Belles Montres.

Quasi-perpétuelle serait bien sûr plus exact car le mécanisme d’affichage de notre satellite nécessitera malgré tout un ajustement de dix minutes tous les 14 000 ans (14 189 pour être précis) ou d’un jour tous les 2 millions d’années. Mais la prouesse d’Andreas Strehler est de dépasser largement ici les meilleures précisions obtenues jusqu’à présent, le tout avec seulement quatre composants.

Si Andreas avait déjà développé avec succès le principe de l’avancement continu de la phase de lune en prise directe avec le train de rouages sur la Moser Perpetual Moon, il l’a en effet encore amélioré sur cette nouvelle Sauterelle en réalisant l’équivalent d’une décomposition en facteurs premiers afin de déterminer le nombre de dents le plus adapté des différents engrenages du dispositif de manière à approcher au plus près la réalité astronomique.

L’envers du décor reste lui toujours aussi beau et poétique.

Enfin, notons que nous avons aussi pu admirer sur le salon le tout nouveau modèle développé par Andreas en partenariat d’idées avec Ekaterina Sotnikova. Il s’agit d’un magnifique Papillon d’Or dont les ailes se déploient tel un bijou au cœur du cadran squeletté. Vous pouvez le découvrir pour l’instant sur le site EKSO Watches Gallery

Ce qui marque le plus chez Andreas Strehler, c’est cette envie permanente d’inventer, d’innover, de faire éclore et naître à la réalité des «organismes vivants» qui n’ont encore jamais existé et qui permettent de renouveler les thèmes de l’horlogerie. Le tout sans jamais perdre de vue que les mouvements qu’il conçoit se doivent de rester aisément démontables et réparables, justement parce qu’ils sont complexes.

Merci à Andreas pour son extrême gentillesse et pour son génie à créer ces merveilleux mécanismes qui nous enchantent !

http://www.astrehler.ch/english/index.html

Pour Passion Horlogère : Rédaction Luc J. / Photographies PH et UhrTeil