C’est Antoine Preziuso que nous retrouvons le temps d’un dîner plein de surprises. Cet horloger atypique fait partie de la génération des surdoués ayant fait le choix de la belle horlogerie à une époque où le quartz régnait sur la planète horlogère. Ayant suivi ses études horlogères à Genève avec un certain Franck Muller dont il était inséparable et avec qui il a partagé la première place du podium à l’issue des examens, il a pris une toute autre voie en souhaitant créer de manière artisanale. Après un bref passage chez Patek Philippe, il va s’installer “à son compte” très rapidement. On lui doit notamment la réalisation des premières montres utilisant des météorites. Mais à la différence de nombre de ses confrères, il utilisera ce matériau venu du ciel non seulement pour les cadrans, mais aussi et surtout pour les boîtes de ses montres.
Le repas est ponctué de nombreuses anecdotes concernant aussi bien ses révisions d’examens avec Franck Muller, où celui qui ne répondait pas aux questions devait laisser la moto qu’ils se partageaient à l’autre, que ses souvenirs d’apprenti horloger. Ainsi, à l’occasion d’une demande de son père qui lui avait confié sa Rolex Datejust en révision, le jeune Antoine l’a transformée en quantième perpétuel avec phase de lune et date rétrograde… Il s’en était tiré avec une bonne “engueulade” du paternel et l’obligation d’aller lui en acheter une nouvelle sur ses deniers personnels. La montre en question, dont il s’était séparé pour financer quelques entreprises, est réapparue il y a quelques années dans la collection d’un riche Singapourien. Aucun doute qu’après son passage entre les mains d’un tel horloger, sa valeur n’a pu que croître. Antoine Preziuso possède ce franc-parler que seuls les indépendants peuvent cultiver. Il a la liberté du verbe qui n’a d’égale que sa liberté de création. Passées l’admiration pour le travail de Philippe Dufour et l’amitié témoignée pour François-Paul Journe, Antoine Preziuso a commencé à nous dévoiler quelques-unes de ses créations.
Cela a débuté par son incroyable B-side. Il s’agit d’une montre que l’on prend plaisir à porter avec le mouvement en apparence. Et bien entendu, à la demande, on actionne la bascule, en titane comme toute la boîte de la montre, pour retourner l’ensemble et avoir accès à l’heure rythmée par un magnifique tourbillon. Il n’est pas nécessaire d’ôter la montre de son poignet pour la manipuler. Le fonctionnement est enfantin et facilité par une architecture unique.
Antoine Preziuso nous présente ensuite le modèle qui fait toujours sourire ses contemplateurs. Il s’agit de la “hours of love”, une montre dite “polissonne”. Bien entendu, cela ne manque pas de faire son effet. La montre de type tonneau est décorée en son verso d’un automate animé par le mouvement de la couronne de remontoir et caché par un fond de type “officier” trahi par la charnière que seuls des yeux avertis pourront remarquer. L’orientation du décor de fond est dicté par l’aspect pratique de la manipulation de la couronne. Il faut donc basculer la montre pour conserver la couronne à droite et la manipuler pour son plus grand plaisir et non pas la tourner. C’est une petite astuce qui revêt toute son importance à l’usage.
Après ces menu plaisirs, Antoine Preziuso a plongé sa main dans sa poche pour en sortir un étui renfermant le saint des saints. Sa dernière création, et non des moindres. Il s’agit d’une pièce qui devait partir le lendemain pour Tokyo afin d’être livrée en main propre par l’horloger. Cette montre est celle qui a remporté pas moins de deux prix au dernier Grand Prix d’Horlogerie de Genève : Le Tourbillon des Tourbillons.
C’est une montre qui a nécessité pas moins de dix ans de travail avant d’en révéler le premier exemplaire. Son élaboration fut si compliquée que, de l’aveu d’Antoine, elle n’aurait jamais vu le jour sans le concours de son fils Florian. Car la marque Preziuso est une histoire de famille. Florian et Antoine en sont les horlogers, Laura la fille d’Antoine fait les bijoux de la marque et son épouse gère tout cela de main de maître. Après avoir été jusqu’à 25 dans ses ateliers, c’est cette dimension familiale qui sied le plus au “clan” Preziuso.
Cette montre est à ce jour l’aboutissement de dix années de travaux avec son fils Florian, trois brevets déposés, et plus de trente-cinq ans d’expérience. On retrouve sur cette montre “vivante” une animation de cadran hors pair. Ce dernier effectue une rotation alors que les trois tourbillons entrent en résonance pour observer une synchronisation parfaite. Et même s’ils sont amenés à se désynchroniser, cela n’altère en rien la précision de la montre qui, par résonance, retrouvera la synchronisation de ses trois tourbillons. Le modèle présenté et laissé à notre admiration est vendu aux alentours de 500 000 €. Mais foi de génie de l’horlogerie, nous ne sommes pas au bout de nos surprises !
L’assistance était captivée par les innombrables anecdotes et explications horlogères d’Antoine Preziuso. Samir, horloger pour Objectif Horlogerie et Alexandra, jeune étudiante en horlogerie, ont eu droit à de précieux conseils et explications sur des points techniques sur lesquels ils butaient jusqu’à présent. Un tel professeur est un luxe qu’ils n’auraient jamais espéré. La séparation n’en a pas moins été douloureuse pour tous. Un tel horloger échangeant avec autant de plaisir, d’humilité et de passion ne se rencontre pas tous les jours.
Jean-Yves et Samir d’Objectif Horlogerie
La journée s’est terminée avec encore des perspectives pour le lendemain.
Fin de la seconde partie…
Thierry Gasquez
Président
Laisser un commentaire