La récente diffusion d’un communiqué de presse de la part d’une grande marque telle que Breitling pousse à une réflexion sur ce nouvel argument commercial qu’est la garantie étendue.
Voici ce communiqué :
Breitling réaffirme haut et fort la fiabilité hors pair de ses mouvements «manufacture» en proposant pour tous les modèles qui en sont équipés une garantie exceptionnelle de cinq ans.
En 2009, Breitling est entrée dans le cercle très fermé des maisons horlogères possédant leur propre mouvement de chronographe mécanique. Le développement de ce Calibre 01 n’avait pas uniquement pour but d’assurer l’indépendance de la marque à long terme. Spécialiste du chronographe et des instruments pour professionnels, Breitling s’est également donné pour ambition de créer le meilleur mouvement de chronographe au monde. Meilleur pour les performances, meilleur pour la fiabilité, meilleur pour la fonctionnalité. La firme s’est dotée pour cela d’un outil industriel d’avant-garde et de compétences internes lui permettant de fabriquer elle-même ses mouvements, selon ses propres exigences, en s’assurant un maximum de fiabilité à grande échelle – près de 40 000 mouvements en 2011. Aujourd’hui, le Calibre 01 – certifié chronomètre, comme tous les mouvements de la marque – équipe plusieurs modèles phares Breitling, dont le Chronomat, la Navitimer, la Montbrillant et la Transocean. Les ingénieurs de la firme ont également développé sur cette base plusieurs mouvements novateurs offrant des fonctions à la fois utiles et simples d’emploi – tels le Calibre 04 avec système très ingénieux de second fuseau horaire et le tout nouveau Calibre 05, avec heure universelle (worldtimer). Pour confirmer la fiabilité hors normes de ces mouvements maison, Breitling a décidé d’introduire une nouvelle garantie exclusive de cinq ans sur tous les modèles équipés de calibres manufacture – soit près de la moitié de ses chronographes mécaniques. Une mesure exceptionnelle à ce niveau de production – et un gage de confiance pour tous les utilisateurs de montres-instruments Breitling.
– Fin de communiqué –
On connaissait ce principe dans le monde de l’automobile, mais pas encore dans l’horlogerie de luxe. Cette extension automatique de garantie était surtout l’apanage de marques émergentes désireuses de se faire une place sur un marché fortement concurrentiel. C’est le cas des marques automobiles coréennes qui ont une réputation à construire sur les marchés occidentaux et qui, pour cela, communiquent sur la fiabilité de leurs véhicules en n’hésitant pas à les garantir jusqu’à 7 ans.
La plupart des grandes marques horlogères, elles, pratiquent une garantie de leurs produits de 2 ans puisque cela est imposé par la loi. C’est la garantie légale. C’est le cas de Rolex, Seiko, ou Zenith par exemple. Mais jusqu’à présent, très rares étaient celles qui excédaient ces deux années de garantie. Audemars Piguet propose une extension à 3 ans en cas d’intervention dans les deux ans. En communiquant de la sorte, Breitling innove et, partant, nous interpelle sur le pendant de la garantie : Le Service Après-Vente.
En effet, ce sujet de la garantie des montres de luxe renvoie à un autre sujet très régulièrement traité sur les blogs horlogers, sur les forums, et à l’occasion de discussions entre passionnés (et clients, rappelons le). Il s’agit du Service Après Vente.
Cf. une enquête Opinionway pour le magazine « Les Montres » http://www.opinion-way.com/pdf/luxury_watche_observer-article_fr.pdf qui met en avant certaines attentes des possesseurs de montres de luxe.
Ou encore cette radiographie de la passion horlogère réalisée par le site référence Worldtempus http://www.worldtempus.com/fr/actualites/a-la-une/details/article/1334218940-etude-radiographie-de-la-passion-horlogere/
Toutes les marques horlogères sont concernées par des retours de produits défectueux. Cela arrive à force d’usure au bout de plusieurs années, mais cela arrive aussi parfois très rapidement, alors que la montre est toujours sous garantie, et malgré une utilisation dite « normale ». Nous le savons tous, les montres sont des machines mécaniques, et la panne fait partie des aléas parfois rencontrés.
On peut voir, au cas par cas, des problèmes de SAV réglés très courtoisement et très rapidement par l’intervention de tel ou tel acteur du monde horloger. C’est le cas de Jean-Claude Biver, Président d’Hublot, qui n’hésite pas à intervenir sur des forums horlogers en proposant à un malheureux client de prendre en charge la réparation d’un garde-temps hors garantie, ou de l’étendre d’un ou deux ans supplémentaires si la panne intervient en cours de validité de cette garantie. Ces interventions exceptionnelles et très appréciées sont comprises comme une marque de puissance, d’honnêteté et de loyauté, et poussent à la confiance. Mais cela reste exceptionnel.
D’autres marques, elles, sans communiquer, sont fortes de leur réputation relayée par des collectionneurs, par une histoire, et même parfois par un réseau de professionnels. C’est le cas de Rolex qui garantie ses montres 2 ans, mais qui, forte de la fiabilité de ses produits dits « vintage » peut s’enorgueillir d’une réputation hors pairs. Je me souviens même de cet horloger, revendeur de montre Rolex de seconde main, n’hésitant pas à la revente, à les garantir systématiquement 2 années supplémentaires affirmant qu’avec ce type de produit il ne prenait aucun risque.
Ce tableau pouvant sembler idéal cache parfois une autre réalité. C’est le cas de cet amateur et collectionneur de montres ayant acheté un garde – temps neuf, présentant un défaut (non visible au moment de l’achat) et n’ayant pas encore pu porter cette montre depuis son achat datant de plusieurs mois. On touche ici la limite de l’exercice. Celui de l’intervention en SAV.
Pour de nombreuses raisons (lutte contre la contrefaçon, maîtrise du savoir-faire, économies d’échelle…etc…) la plupart des grandes Manufactures ont tendance à centraliser leur service après-vente. Seules quelques petites interventions s’apparentant de plus en plus à un entretien régulier sont réalisées chez les détaillants. Les raisons de cette centralisation des interventions sont compréhensibles, mais elles engendrent parfois des délais et un silence qui peuvent devenir incompris par le client. Or lorsqu’on achète un produit de luxe, payé 2000, 5000, 10000 euro, et même parfois plus, on souhaite que les égards connus au moment de l’achat puissent être renouvelés tout au long de la relation qu’on va entretenir avec la marque. Et notamment en cas de sollicitation du SAV. Ce suivi de clientèle a été compris par certaines marques telle la marque de Haute Horlogerie Hautlence qui a crée un club de possesseurs de ses produits avec qui elle entretient une relation privilégiée. En cas de nécessité d’intervention, le client bénéficierait d’un suivi personnalisé. Ceci est possible pour des petites structures ne produisant que quelques dizaines de pièces par an. Mais comment répondre aux attentes de milliers de possesseurs de montres Jaeger-LeCoultre, Tag Heuer, Omega ou Zenith ?
Il n’existe pas de solution miracle. Les marques doivent s’appuyer sur leur réseau dense et compétent de détaillants qui sauront être des interlocuteurs privilégiés et de proximité, ou bien, en cas de centralisation de leur SAV, elles devront créer un service de suivi des interventions. De simples plateformes techniques régionales comme celles que LIP ou Omega ont créées dans les années 60’ ne suffiront pas.
Les attentes des consommateurs sont importantes et différentes de cet âge d’or de l’horlogerie. Aujourd’hui le client évolue dans un monde où il se mue en « consom’ acteur » à travers ses interventions sur les blogs, dans des forums ou sur les réseaux sociaux. Il en va de la bonne réputation de maisons prestigieuses communiquant sur la fiabilité et la qualité de leurs produits de prendre conscience de ces changements de comportements. Le propriétaire d’une montre de prestige a besoin d’être informé et bien souvent rassuré. Diagnostic, devis, et information à propos des diverses étapes d’intervention sur le produit sont parfois espérés, et semblent de plus en plus nécessaires. Or ceci a un coût. Qui doit le supporter ? Le client malheureux ou la marque soucieuse de fidéliser une clientèle si chèrement acquise ?
Breitling vient courageusement d’ouvrir une brèche, mais après l’extension de la garantie rassurant sur la fiabilité des produits, les marques horlogères vont sans doute devoir s’attaquer à la qualité du service après-vente. L’objectif sera de fidéliser une clientèle sensible au véritable luxe qu’est l’exclusivité.
Cette évolution semble être la clef de la bonne renommée.
Président
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