Passion Horlogère offre régulièrement une tribune à ses lecteurs afin de leur permettre de partager une expérience vécue. C’est ce que nous avons fait avec Shaï, rencontré sur les réseaux sociaux, et qui témoignait de son émotion à avoir acquis une superbe Bohen Mille-Mer. Nous sommes entrés en contact avec lui et avons découvert l’immense passionné qu’il est. C’est alors que nous lui avons proposé de diffuser son histoire dans nos pages. Mieux que de la retranscrire, nous lui avons offert de la raconter, avec ses mots, à nos autres lecteurs qui, comme lui, ont l’habitude de nous suivre. Retrouvez le récit d’un homme qui ne vit qu’à travers ses passions.
Le plus souvent, nous construisons notre attachement à un objet, car l’objet en question nous a accompagné lors de moments importants, significatifs. Parfois, il provient d’une personne qui nous est chère. Son histoire peut débuter dès le moment de l’achat, pour une occasion spéciale.
S’attacher à un objet avant sa fabrication est bien plus rare ! Pourtant, cela a été mon cas, lorsque la Bohen Mille-Mer a croisé mon chemin. Encore plus étonnant, la Mille-Mer est le premier modèle de chez Bohen ! Aucun historique de la marque n’était alors disponible, aucun marketing trompeur (ou héritage construit de toute pièce) afin de donner une consistance à la marque.
Alors, quelle mouche m’a piqué ?
Naissance d’une passion pour l’horlogerie
Avant de raconter mon histoire avec Bohen, laissez-moi vous expliquer quel passionné de montre je suis : un profil précoce, sans aucun doute.
A l’âge de 10 ans, je m’intéressais déjà aux montres. Ma localisation géographique et encore plus, la localisation géographique du lieu de travail de mon père, m’ont donné accès à un monde qui fait fantasmer : les boutiques monégasques ! En attendant mon père, j’avais la possibilité, malgré mon jeune âge, de flâner dans les rues et les galeries de Monaco : la galerie du Park Palace, celle du Métropole, les boutiques autours du Casino. (Le Casino était un lieu où je testais mon courage : à chaque passage devant l’entrée, je tentais de m’approcher et de jeter un œil à l’intérieur). J’ai pu aiguiser mon sens de l’observation, grâce aux superbes vitrines des boutiques, et parfois, j’avais l’audace d’y entrer pour poser des questions sur certains modèles de montre. Je ne me rendais pas compte de la surprise ou de l’amusement que cela devait provoquer. Les considérations financières m’ont rapidement ramené à la réalité. Ma première montre fut une Swatch. Ma seconde, une Festina (automatique, bien sûr). Je rêvais d’une Casio !
Sans jamais collectionner, j’ai toujours gardé un vif intérêt pour le monde horloger et les belles pièces. J’ai eu des moments de frénésie, des moments de revente, et ainsi de suite.
A présent, remontons le temps : Mars 2020, premier confinement. Durant cette période, nombre d’entre nous se sont « évadés » à travers nos smartphones. Je redécouvre certains forums horlogers, et c’est nouveau pour moi, des comptes Instagram, des applications, des micros-marques par centaines sur des plateformes de crowfunding…etc J’avais raté cette petite révolution ! J’en étais resté aux magazines spécialisés et aux marques bien établies.
Découverte du projet Bohen Mille-Mer
Le 7 avril 2020, je vois apparaître sur mon fil Instagram un modèle 3D d’une montre totalement inconnue : la Bohen Mille-Mer. Je clique sur le compte : très peu d’informations, très peu de contenus. Mais la montre m’impressionne. Je sens tout de suite la qualité et constate la technicité de la montre. Je « like » et je commente avec un simple « beautiful ». Et je m’abonne, bien sûr. Les semaines passent, et je like chaque post de Bohen. Je suis de plus en plus intrigué par cette marque, sortie de nulle part. Cela a dû se ressentir à travers mes « clics », car Blaise, le créateur de la marque, me contacte sur Instagram en message privé : « est-ce que je serais d’accord pour discuter par téléphone ? ». J’accepte.
Nous faisons donc connaissance…Et pas qu’un peu, car nous restons plus d’une heure et demi au téléphone ! Blaise me pose des questions sur ma passion horlogère, me demande quelles sont mes marques préférées : Breguet, Jacquet Droz, Glashütte Original…Des noms qui ne viennent pas à l’esprit de la majorité des gens. J’aime les petites productions, les modèles peu connus, en résumé les vilains petits canards ! A mon tour, je questionne Blaise sur sa marque. En effet, Bohen n’a pas d’historique. La marque est issue de l’imagination de Blaise : Bohen, c’est Blaise. La passion et l’expertise de Blaise ne font aucun doute, tout autant que son enthousiasme. Mais sa folie (lancer une marque haut de gamme, sans compromis, un modèle de plongeuse acier, sûrement le segment le plus encombré en horlogerie) me font me demander si son pari n’est pas démesuré ! Son choix de ne pas faire de crowfunding et de vendre en direct, sans modèles accessibles en boutique, augmente le risque de ce pari déjà osé, mais cela est complètement cohérent avec la philosophie de la marque.
Le temps passe, et son projet avance. Nos appels se font réguliers, tout autant que leur durée (difficile de faire moins d’une heure). Ma femme commence à se demander qui est ce Blaise ? Au-delà d’une relation de confiance, la relation se transforme en amitié, alors que l’on ne s’est toujours pas rencontrés en vrai. Blaise me demande mon avis sur des choix esthétiques, parfois des choix techniques (le mouvement), et j’avoue que j’ai une pointe de fierté quand je lui cite quelques marques qui utilisent des mouvements Soprod. Parfois, je m’inquiète de la démarche jusqu’au-boutiste de Blaise : il recherche constamment la perfection, ne laisse aucun détail au hasard, sacrifie la sacro-sainte égalité du « Made in Suisse = excellence » en allant chercher un verre japonais, de qualité aérospatiale. On pourrait fabriquer une optique de rechange pour le télescope James Webb avec nos Bohen ! Mais le personnage est habité par une passion, qui fait qu’il m’embarque avec lui. Je vis l’aventure Bohen avec Blaise, et je vis ses moments de doutes, de stress, de petites victoires, à distance. Je découvre aussi le monde caché de l’horlogerie, celle qui n’aime pas la concurrence, et ce n’est pas « jolie jolie » ! Mais chut!, nous sommes dans le luxe (univers que j’ai fréquenté professionnellement) et pas de déballage de linge sale en public !
En parallèle, Blaise écoute mes remarques, critiques et mes conseils avec considération, et n’hésite pas à me suivre sur certains sujets. Parfois, cela m’étonne, et je lui dis : « mais tu vas vraiment faire ce que je t’ai dis ? » Oui, c’est rare. Nous vivons dans un monde où il semble qu’il faille camper sur ses positions, être inflexible, avoir un avis tranché sur tout.
Première acquisition d’une Bohen Mille-Mer
Fin 2021, je propose à Blaise de tester le module de paiement du site web. Module ô combien critique pour un modèle de vente uniquement online. Donc, je suis le premier à acheter la Mille-Mer, avant l’ouverture de la vente au public. Je vérifie le tunnel de commande, les messages, les mails, et Blaise vérifie que le paiement arrive à bon port. Ça n’a l’air de rien, mais une grande étape est franchie. La suite est encore ponctuée d’imprévus, de bonnes et mauvaises nouvelles, de retards liés au Covid, de l’explosion du coût des matières premières, mais aucun écueil n’ébranle la conviction de Blaise. Je l’avoue, j’aurais déjà sombré dans une déprime profonde si je m’étais trouvé à sa place.
De mon côté, j’ai aussi un projet en cours. L’enregistrement de mon 6e album de guitare solo. J’ai plusieurs activités, et la musique en est une. Il se trouve que mon studio préféré pour enregistrer a déménagé dans le sud, près d’Aix-en-Provence. A peine annonçant cela à Blaise, il me dit que ce serait l’occasion d’enfin se voir en vrai.
En juillet 2021, Blaise vient me chercher au studio, après la fin de l’enregistrement. J’ai l’impression de retrouver un vieil ami. Nous reprenons nos discussions là où elles avaient été laissées. En arrivant chez lui, je trépigne d’impatience car je souhaite mettre à mon poignet le premier prototype de la Mille-Mer. Mais Blaise fait durer le plaisir, et je ne l’essaierai que le soir, lors d’une soirée de présentation. La magie a opéré tout de suite : j’en ai eu des frissons. Je n’avais aucun doute, mais la porter en vrai fut un moment fort.
Après la réception du prototype 2 de la Mille-Mer, la fabrication des 500 pièces démarre. Nous commençons à parler du second modèle Bohen, la StarDiver. Car n’ayant pas de cesse de prédire un succès pour la Mille-Mer, je savais qu’il faudrait sortir des modèles rapidement, afin de maintenir l’engouement autour de Bohen.
La fabrication ayant démarré, il serait facile de se dire que le plus dur est passé, mais non. Des surprises ont encore été au rendez-vous (retard, entres autres, petits changements), et à mon grand étonnement, la livraison (entre l’usine et les locaux Bohen) a été digne d’un film d’aventure : j’en étais à visualiser le trajet du camion ! Entre le rêve de lancer une marque et la réalité, il y a un fossé. Jamais je ne me serais douté que jusqu’à l’ultime étape, autant de soucis pouvaient arriver. Blaise les a tous encaissés et il n’a jamais douté. Qu’il est aisé de critiquer, qu’il est difficile de mener un rêve à son terme. Je me rappelle du premier concert que j’ai organisé à Paris, avec mes idoles de la guitare. Une des mes idoles, sur scène à dit : « Shaï a rêvé d’un concert exceptionnel. Il s’est levé et a réalisé son rêve ». Mais que de travail, de doutes et d’échecs entre le rêve et sa réalisation !
En écrivant cet article, je porte à mon poignet la Bohen Mille-Mer. Depuis que je l’ai reçue, c’est la seule montre que je porte. « Excellence, Fiabilité, Précision » sont les mots inscrits à son dos. Ce ne sont pas de vains mots. Ce ne sont pas des effets de manchettes marketing. Jamais une inscription sur le dos d’une montre n’a été aussi vraie. En ce qui me concerne, une autre inscription porte une valeur sentimentale au dos de cette montre : 001. Oui, je possède la numéro 1. J’ai la première Bohen, du premier modèle. Numéro habituellement réservé au créateur ou au designer, montre qui aurait dû être au poignet de Blaise. Mais pas selon Blaise. Une attention qui, est-ce nécessaire, résume la personnalité de Blaise : sans compromis, authentique et tournée vers les autres.
Désormais, à chaque coup d’œil à ma montre, je me rappelle qu’il ne faut jamais baisser les bras, qu’il ne faut rien lâcher et croire en ses rêves.
Texte et photos, Shaï pour Passion Horlogère
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