Judith Borowski est une femme captivante et intelligente dans la lignée de ces grandes dirigeantes allemandes dont la voix porte. Ces derniers mois elle n’a pas hésité à prendre position contre des évènements xénophobes et néo-nazis qui se sont produits en Saxe, berceau de l’horlogerie allemande.
Née en 1969, elle a étudié la criminologie, les arts et les sciences politiques avant de fréquenter une école de journalisme à Hambourg. Elle a travaillé à Londres, Leipzig, Dresde et Hambourg. Son expérience de rédactrice à l’ARD (chaîne de télévision allemande) et pour le «Financial Times Deutschland» est pour beaucoup dans son approche de la communication qu’elle a voulue « décalée » et très performante pour NOMOS Glashütte. Judith y est partenaire de l’entreprise depuis une bonne dizaine d’années, après l’avoir intégrée en 2001. Elle est membre du comité de direction et occupe la fonction de directrice de la création de la Manufacture horlogère. Et elle dirige également à ce titre « Berlinerblau », la filiale berlinoise de la marque où siègent, entre autres, les départements du Design et de la Communication. Rencontre avec cette femme dont les convictions n’ont d’égal que la douceur d’une lecture au bord d’un lac…
À propos de NOMOS Glashütte
Il est écrit sur votre site internet que Nomos Glashütte est la plus grande entreprise d’horlogerie mécanique d’Allemagne. Combien de montres produisez-vous par an ?
Nous produisons plus de deux fois le nombre de montres mécaniques produites par la société la plus « proche » à Glashütte (rires). Les chiffres exacts nous ne les donnons pas…
À une certaine époque nous avons publié nos chiffres, mais étant donné que nos voisins ne publiaient pas les leurs, nous avons décidé d’arrêter. Ceci afin d’éviter que cela nous nuise.
Le mouvement Bauhaus fête ses 100 ans. Tangente l’a célébré. Est-ce que toute la production NOMOS peut se prévaloir du Bauhaus ?
On peut absolument dire que 100 % de notre production est inspirée de ce courant artistique qui est même devenu un courant de pensée. Mais on ne veut pas reproduire un Bauhaus ou un design du Bauhaus tel qu’il était en 1919. On imagine aujourd’hui ce que serait une montre Bauhaus contemporaine en se posant la question de ce que voudrait porter une personne sensible à ce que serait devenu le Bauhaus en 2019.
Je rêve d’un ponton sur un lac où je pourrais m’asseoir pour lire les pieds dans l’eau.
Judith Borowski
Nous travaillons d’après les principes du Bauhaus dont celui de la forme qui suit la fonction. Puisque nous n’avons pas de photographies en couleur de cette époque, parfois on peut penser que le Bauhaus serait assez austère. Mais en fait c’était un mouvement coloré. On le retrouve sur certains tissus ou sur des porcelaines. Il y avait même des maniérismes dans le Bauhaus. Nous essayons de considérer tout cela aussi.
Cependant il n’y a pas que le Bauhaus qui a duré uniquement 14 ans qui nous inspire. Avant cela il y avait le Deutscher Werkbund, toujours existant et dont nous sommes membres. Il y a eu l’école de design d’Ulm et d’autres institutions. On a retrouvé au sein de ces mouvances Max Bill et d’autres designers. Ils ont créé un « état d’esprit » dans lequel nous nous reconnaissons.
Comment expliqueriez-vous le succès de NOMOS Glashütte après seulement 30 ans d’existence ?
On en revient à cette idée du Bauhaus qui soutient qu’il faut les meilleurs composants pour avoir les meilleurs produits. Chez nous, le design et l’artisanat travaillent ensemble. Il n’y a pas de hiérarchie d’un département à l’autre. L’horloger et le designer se situent au même niveau dans le processus de création d’une montre. Il y a un échange permanent, les yeux dans les yeux. Notre maxime est qu’aucun de nos produits ne peut être mieux réalisé que ce que nous avons fait.
À chaque fois vous visez l’excellence ? On ne peut pas faire mieux ?
Oui, voilà ! C’est certainement une des raisons de notre succès. L’autre part serait peut-être due au fait que nous avons toujours voulu entretenir notre originalité par rapport à d’autres marques. Nous avons ciblé et trouvé nos clients avec cette authenticité différente. Et pour finir, peut-être avons-nous bénéficié d’un petit peu de chance (rires).
Depuis 2014 vous maîtrisez l’échappement. Et désormais toute la production d’une montre NOMOS. Pourquoi cette volonté tenace d’indépendance ?
Notre fondateur, Roland Schwertner a de grandes convictions. C’est un petit peu le cas des trois gérants qui ont de forts caractères (rires). Nous avons une ferme idée d’indépendance et de liberté. Il y a aussi une part de chance car lorsque la Suisse a annoncé qu’elle réduisait les livraisons de systèmes d’échappement, nous venions de maîtriser la fabrication du nôtre. Cela ne nous a donc pas affecté et nous pouvions nous développer à notre gré, en augmentant notre production, suivant la demande du marché. Nous n’avons pas subi les problèmes de certains de nos confrères. C’est aussi une des données qui a ajouté à notre succès.
Wir schaffen das !
Angela Merkel
Vous avez déjà reçu de nombreux prix de design. En 2018 ce fut au tour du GPHG pour Tangente neomatik 41 update. Que représentent pour vous tous ces prix ?
Pour NOMOS Glashütte, cela fait toujours plaisir. Il apparaît que parfois nous avons le cinquième ou sixième prix d’une série. Ce n’est donc pas crucial. On ne travaille pas dans ce but précisément. Cependant, pour les clients cela peut revêtir une importance particulière. Nos clients vont retrouver ces informations dans un magazine, ou sur internet et cela pourra les séduire ou les rassurer. C’est pour cela que les avis de jurys indépendants ou suite à des essais par des magazines nous intéressent tout particulièrement.
A propos de Judith Borowski
Quelle montre portez-vous au moment de cet entretien ?
Je porte une Tangente, la montre classique de NOMOS Glashütte. C’est celle que je porte aujourd’hui, mais j’apprécie aussi de porter souvent une Metro. Je change régulièrement au gré de mes envies et de mes humeurs. En fait j’ai des phases et lorsque je décide d’en changer, je porte ma montre pendant plusieurs jours, voire plusieurs semaines.
Quelle est votre plus belle réussite horlogère ?
Je suis dans l’aventure NOMOS Glashütte depuis 2001. Et la plus belle réussite à laquelle j’ai participé est le modèle Metro.
Existe-t-il une complication horlogère que vous aimez particulièrement ?
La réserve de marche me permet d’avoir l’information que je retrouve sur le compteur de ma voiture. À savoir la nécessité de faire le « plein d’énergie ». Parce que je suis un petit peu dans les nuages parfois… (rires).
Avez-vous d’autres passions que l’horlogerie ?
J’aime la littérature, la voile, et les animaux… J’aime tous les types d’animaux. Je rêve d’avoir un jour un élevage de moutons avec un chien de berger. Mais à ce jour je n’ai que deux chats… (rires).
J’apprécie l’empathie, la possibilité d’être à l’écoute de l’autre, et la clarté.
Judith Borowski
Quel est votre rêve le plus fou ?
Je rêve d’un ponton sur un lac où je pourrais m’asseoir pour lire les pieds dans l’eau. Je rêve de ce cadre idyllique et du temps pour l’apprécier…
Quelle est votre définition du luxe ?
Il y a beaucoup de conceptions du luxe. Celles qui me plait le plus serait de dire que le luxe serait un objet réalisé avec amour, à l’aide des meilleurs matériaux, et par les meilleurs artisans. Cela ne doit pas être ostentatoire, mais très discret.
Quelle marque, excepté NOMOS Glashütte, incarne le mieux le luxe selon Judith Borowski ?
Ce serait Leica.
Existe-t-il un personnage historique ou contemporain qui vous inspire ?
Il y a des phases dans la vie. Cela peut changer ou évoluer. Mais puisque vous m’en donnez l’occasion, je souhaite rendre hommage à mon père qui est parti il y a très peu de temps. Et c’est à lui que je pense à cet instant lorsque vous me posez cette question. Il a été un personnage très créatif qui avait le don de se réjouir de choses semblant insignifiantes.
Quelles sont les qualités que vous appréciez le plus chez les autres ?
J’apprécie l’empathie, la possibilité d’être à l’écoute de l’autre, et la clarté.
Quelle citation appréciez-vous particulièrement ?
Spontanément je dirais « Même le futur était mieux avant » (traduction littérale). C’est une citation non attribuée. Sinon je citerais Angela Merkel en 2015 qui a dit : « Wir schaffen das ! » – « On y arrivera ! ».
Quelle heure est-il à l’heure NOMOS Glashütte ?
10h10, parce que la montre sourit !
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