Au cœur de la légendaire précision des montres Rolex bat un couple inséparable : le spiral et son balancier. Dans ce couple stratégique, les deux partenaires sont loin de bénéficier d’une égale considération : le spiral focalise sur lui toute l’attention. On en viendrait presque à oublier que ce petit ressort admirable ne pourrait battre de son rythme hypnotique sans l’effet d’inertie procuré par le balancier auquel il est rattaché. Le balancier, composant trop souvent éclipsé, est en effet tout aussi stratégique et chargé de savoir-faire que son célèbre acolyte filiforme.

Dans l’histoire de Rolex, c’est grâce à une innovation majeure au niveau de la conception du balancier afin d’ajuster la marche du mouvement, en 1957, que la marque gagne une longueur d’avance en termes de précision chronométrique, consolidant sa réputation d’excellence. A cette époque, les ingénieurs Rolex ont en effet mis au point un système révolutionnaire de réglage fin de l’inertie du balancier qui permet d’améliorer très sensiblement la régularité de marche de la montre : les vis Microstella. Exclusivité Rolex toujours utilisée dans ses mouvements aujourd’hui – désormais sous forme d’écrous en or –, ces minuscules composants en forme d’étoile sont vissés, à raison d’une ou deux paires, sur l’intérieur de la serge du balancier, qui mesure environ 1 cm de diamètre. En les vissant ou en les dévissant légèrement (toujours par paire opposée pour conserver l’équilibre) à l’aide d’un outil spécial développé par Rolex, l’horloger peut modifier le moment d’inertie et le rythme d’alternance du balancier, et ainsi corriger très finement la régularité de marche de ce dernier. Il peut aussi personnaliser la montre en ajustant précisément sa marche aux habitudes de porter de son propriétaire.

Etoiles de réglage en or
Pour illustrer l’utilité des écrous Microstella dans le réglage de l’inertie du balancier, on peut s’imaginer un patineur tournant sur lui-même : pour augmenter sa vitesse de rotation, il ramènera les bras près du corps, réduisant son inertie ; à l’inverse, il ralentira sa course en écartant les bras. Dans une lettre de 1958, le fondateur de Rolex, Hans Wilsdorf, souligne l’importance du nouveau balancier à vis Microstella pour l’avenir de la marque. Constatant l’intense concurrence sur le terrain de la précision chronométrique, il écrit : « Il y a lieu d’activer le nouveau calibre [avec vis] Microstella qui nous donnera le prestige nécessaire à nous maintenir ! » Il est tellement enthousiasmé par cette innovation qu’il émet un temps l’idée d’en faire un argument commercial en inscrivant sur le fond des boîtiers équipés du nouveau calibre 1560 la mention « Microstella adjustment » (ajustement Microstella).
Composant stratégique
Le balancier à vis Microstella parvient à cumuler les avantages des deux modes de réglage alors en vigueur dans l’horlogerie : le balancier à vis et le réglage par raquette. Le premier offre une grande précision selon le même principe de vis sur le pourtour de la serge du balancier permettant de modifier son moment d’inertie, mais avec le défaut de ne pas pouvoir ajuster la marche de l’oscillateur une fois celui-ci monté sur le mouvement. Le réglage par raquette, de loin le plus utilisé, assure quant à lui un ajustement de la marche sur l’oscillateur en place, mais cette méthode est moins précise et surtout moins stable dans la durée. Toute l’ingéniosité des vis Microstella réside dans l’amélioration qu’elles apportent au concept d’inertie variable du balancier à vis en permettant de régler précisément le balancier déjà monté dans le mouvement emboîté. De par leur forme en étoile, elles peuvent être saisies dans toutes les positions.
Tolérance de +/- 2 microns
Le balancier Rolex est riche en savoir-faire et en complexité bien au-delà de ses étoiles en or. L’anneau composé de la serge et des bras est fabriqué dans un alliage de cuivre-béryllium présentant des propriétés paramagnétiques et un faible coefficient d’expansion thermique. Les propriétés physiques du balancier et celles du spiral permettent en outre de compenser l’impact des variations de température sur l’oscillateur et de garantir ainsi la précision du mouvement.
Le balancier est usiné sur le site Rolex de Bienne à partir de barres de matière massives avec une précision extrême afin d’assurer son parfait équilibre une fois monté au coeur du mouvement. Les tolérances de fabrication sont de ±2 microns, soit 2 millièmes de millimètre.
Le balancier Rolex a un coefficient d’inertie élevé (rayon au carré x masse), résultat d’une savante optimisation qui garantit une précision constante dans le temps en réduisant les perturbations externes.
Fabrication en interne
Le balancier est monté sur un axe minuscule dont la fabrication requiert des trésors de savoir-faire. Pour minimiser les frottements et laisser le balancier-spiral osciller le plus librement possible, les extrémités de cet axe (les pivots) doivent être d’une extrême finesse. Les pivots ne mesurent que 0,07 mm de diamètre, soit l’épaisseur d’un cheveu ! Pour augmenter leur résistance, ils sont « roulés », une opération de terminaison qui permet de durcir le métal.
Avec la fabrication du spiral, de tous les composants du balancier, des pierres de pivot et des amortisseurs de chocs Paraflex qui les maintiennent, et même des lubrifiants au rôle si important, Rolex maîtrise tous les éléments critiques au cœur de la précision et de la fiabilité de ses mouvements.
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