La BLANCPAIN Fifty Fathoms par Stephan Ciejka, Commissaire de l’exposition « Tribute to Fifty Fathoms » de 1953 à nos jours.
Le 21 septembre, je recevais un message de mon ami Stephan Ciejka qui me demandait si je connaissais des amateurs et collectionneurs de montres qui possèderaient des BLANCPAIN Fifty Fathoms de collection. Et dans l’affirmative, de les mettre en relation avec la manufacture du Brassus au plus vite. Le relais ayant été fait, quelques semaines plus tard, je recevais une invitation conviant les membres de Passion Horlogère à assister à l’inauguration d’une exposition dans la boutique de la marque, place Vendôme à Paris. J’appris alors qu’au moins un membre de Passion Horlogère avait pu satisfaire à la sélection de montres de collection devant être exposées à travers le monde, et en premier lieu à Paris.
Ainsi, le 29 octobre dernier, les membres de Passion Horlogère faisaient partie des nombreux amateurs d’horlogerie invités par BLANCPAIN à l’inauguration de l’exposition « Tribute to Fifty Fathoms » de 1953 à nos jours, rassemblant pour la première fois plus de 60 exemplaires de collection de la fabuleuse Fifty Fathoms. Cette exposition dont le Commissaire n’est autre que Stephan CIEJKA, rédacteur en chef de la Revue des Montres, se tient actuellement dans la boutique BLANCPAIN de la place Vendôme à Paris jusqu’à la fin du mois de novembre 2010 avant de rejoindre la Chine puis les États-Unis.
N’ayant pas pu assister au vernissage, j’ai tout de même eu droit au privilège d’une visite guidée par Stephan Ciejka lui-même lors de mon dernier passage parisien. Ce passionné, fou de montres et de belles histoires, m’a transporté dans l’aventure qui a entouré la naissance de cette montre mythique qu’est la BLANCPAIN Fifty Fathoms. A travers ce récit, je vous invite à la découvrir ou à la redécouvrir.
Thierry GASQUEZ
Président
Fin 1952 / début 1953, est créée la première unité de nageurs de combat en France. Cette unité est le fruit d’une coopération entre la marine et les services secrets français. Pour la marine, cela deviendra plus tard le Commando Hubert et pour les services secrets, cela n’a pas réellement de nom. A l’époque on l’appelait le SDEC. A l’origine, il y a un marin et Bob MALOUBIER qui est un capitaine des services secrets du SDEC. Ils sont chargés de monter cette unité.
Les plongeurs ont besoin d’avoir un minimum de matériel pour mener à bien leurs missions. A savoir une montre, un profondimètre et une boussole. Comme rien n’existait, après avoir observé ce qu’ils avaient à disposition et qui ne leur convenait pas, ils ont dessiné cette montre et BLANCPAIN l’a produite.
BLANCPAIN, à l’époque, est une petite maison se trouvant à Villeret, en Suisse. Son patron d’alors est un monsieur qui fait de la plongée. Il est donc réceptif à cette demande. Il fait distribuer ses montres par 2 réseaux. Dans un premier temps, concernant les montres militaires, cela incombe au réseau Spirotechnique qui est un fournisseur officiel de la marine. La marine achète par la Spiro les oxygers par exemple. Il y a presque une tradition qui veut que le patron de la Spiro militaire soit un ancien nageur de combat.
On a le premier modèle qui est la BLANCPAIN Fifty Fathoms présenté à Bâle en 1954. Elle est présentée un an avant la Rolex Submariner et elle fait l’objet de deux brevets à savoir :
– Un brevet sur la lunette qui est un système de blocage de la lunette. Pour la tourner, au niveau de la lunette, il y a un certain nombre de ressorts à lames. Neuve, il fallait appuyer sur la lunette pour la faire tourner. Dès qu’on lâche, ça la bloque.
– Un fond en deux parties, c’est-à-dire qu’il y a une coupelle et une bague qui tourne autour. De façon à ne pas abraser le joint torique à l’arrière de la montre, lorsqu’on ressert, l’étanchéité se fait beaucoup mieux. Il est tout à fait probable que les prochains modèles de FIFTY FATHOM reprennent ce système de fond.
Nous avons toute la série des BLANCPAIN des années 1950. Celles qui sont vendues par BLANCPAIN via la Spirotechnique sont toutes signées BLANCPAIN FIFTY FATHOM.
Mais à l’époque, la direction de BLANCPAIN était assez proche de Fred LIP qui leur avait dit qu’il pouvait les distribuer puisque LIP était une très grande marque en France et son directeur était très intelligent. Comme il ne faisait pas de montres de sport, ils distribuaient sous la marque LIP BLANCPAIN les montres BLANCPAIN dans le réseau de LIP plus exactement dans le réseau HBJO. LIP était très bien implanté en France dans ce réseau HBJO.
Nous avons ici toute une série de montres qui a été développée par LIP et notamment une en plaqué or. Elle aurait été a priori produite à 20 exemplaires avec des aiguilles dauphines qui sont tout à fait spéciales. C’est une série que l’on ne connaissait pas beaucoup, je n’en connaissais que deux mais elle a été validée par l’ancien patron de BLANCPAIN que je vois toujours.
Question : Qu’est-ce que l’on voit à 6 heures ?
Stéphane : tu vois une pastille qui est un détecteur d’humidité. C’est sur le cadran et c’est une particularité.
Ici nous avons aussi une montre qui a été commercialisée par Aqualung qui est une marque de matériel. Aqualung est l’équivalent de la Spirotechnique aux États-Unis.
Et là, nous avons un modèle un peu plus tardif qui a été commercialisé par Technisub.
Ce que l’on voit là, ce sont les gros modèles, mais il y avait aussi un modèle beaucoup plus petit. Il y avait donc plusieurs variantes jusqu’aux années 60.
Ici, nous avons 2 gros modèles de MILSPEC, qui a été un modèle développé pour la marine américaine. Il y a deux versions : la MILSPEC militaire et la MILSPEC civile. La différence étant que certaines sont matriculées avec un matricule de réception de la Marine Américaine. Parmi ces modèles, on retrouve deux modèles qui ont été livrés à l’armée pakistanaise. Les pakistanais ont été entraînés par les forces spéciales américaines dans les années 60 donc c’est quelque chose qui correspond tout à fait. Il y en a même quelques-unes qui ont été commercialisées par ABERCROMBIE et c’est marrant parce que tout le monde se baladait avec des tee-shirts ABERCROMBIE qui était un vendeur de matériels. Et pour l’anecdote, c’était une marque qui vendait, entre autres, du matériel de camping. Nous sommes donc très loin de l’univers du luxe qu’il peut y avoir aujourd’hui. On était vraiment dans des montres utiles ou plutôt utilitaires.
On passe à une troisième génération qui correspond aux montres des années 60 où il y avait une espèce de paranoïa autour de l’atome. Aux États-Unis, le nucléaire, la bombe H et la radioactivité font peur en cette période de guerre froide. C’est à cette époque que l’on découvre que beaucoup de montres sont recouvertes avec du radium. C’est quelque chose qui fait peur et donc chez BLANCPAIN, on a dessiné directement sur le cadran la preuve qu’il n’y a pas de radium par cette espèce de petite pastille. Elle est la preuve visible qu’il n’y a pas de radioactivité. Leurs montres ne contiennent plus de radium mais du tritium, qui a une radioactivité beaucoup plus faible. Ils arrivent à en faire un argument commercial pour dire « nos montres ne contiennent pas de radium » et ils vont même jusqu’à écrire dessus « NO RADIATION ». Ils labellisent ainsi réellement leurs montres. Globalement, il s’est fabriqué à peu près 50 000 FIFTY FATHOM ce qui n’est pas anodin.
Dans les années 70, nous avons une série de BARAKUDA qui a été faite par les bundesmarine pour la marine allemande. Nous passons à un modèle qui est étanche à 1 000 mètres avec une couronne vissée. Sur les allemandes, il y a écrit 3H ce qui signifie que c’est du tritium. On arrive à la fin des années 70 avec des choses abominables, des choses qui sont vraiment tendance de cette époque-là.
Nous avons ici une LIP BLANCPAIN dans sa boite avec sa garantie d’origine. Elle est de 1961, quasiment neuve.
Pour les 50 ans, BLANCPAIN a fait une série de 50 montres en Europe et 50 montres pour le reste du monde. En fait c’est 50 montres plus 3. Une pour Bob MALOUBIER, une pour Marc HAYEK et la 3ème je vous laisse deviner. Derrière celle de Bob, il y a son nom et son brevet. Montre que Bob nous a prêtée pour l’exposition.
Sur cette exposition, nous avons voulu présenter une soixantaine de montres mais nous avons voulu faire aussi quelques hommages. Le 1er hommage concerne les nageurs de combat français. Avec cette vitrine, nous avons pris une montre du premier modèle, de 1953, avec autour tout le matériel d’un nageur de combat de cette époque. Il y a un allumeur de charge de nageur, un couteau de combat qui est un couteau amagnétique ce qui est rare, une bouteille d’oxygène pour anoxy57, une planchette ainsi qu’une longe. Et la photo avec les 2 nageurs.
Pour rendre hommage au lieutenant de vaisseau RIFFAUD, on retrouve des pattes d’épaule datant des années 50 et l’insigne des Hubert. Il y a divers insignes des sous-groupes des commandos Hubert. Nous avons par exemple des insignes pour la section propulseurs et pour l’unité anti-terroriste. Il y a un brevet de nageur, une fléchette de P11 qui est un pistolet très spécial fabriqué uniquement pour eux, et une plaque qui a été faite pour l’anniversaire en 1997 dont on ne montre pas l’autre côté.
Ici nous avons fait une vitrine Navy Seals. Nous avons une version de BLANCPAIN FIFTY FATHOMS qui est une Tornek Rayville. Pour vendre aux États-Unis, il fallait fabriquer aux États-Unis. L’importateur de BLANCPAIN s’appelait ALLEN TORNEK. Ces montres ont été livrées dans les années 1967 et ce sont les BLANCPAIN FIFTY FATHOMS les plus recherchées. Elles été livrées spécifiquement pour les Navy Seals donc on retrouve sur cette montre un M barré qui est aussi présent sur le couteau et sur le masque. Cela signifie qu’il s’agit de matériels amagnétiques. Le profondimètre que l’on peut voir est aussi amagnétique. Cette photo nous montre Kennedy qui passe en revue les nageurs de combat et on voit qu’un de ces nageurs a au poignet cette montre. Nous avons donc ici tout le matériel d’époque avec le profondimètre qui est introuvable, le couteau n’est pas facile à trouver, les palmes sont très particulières et au niveau des montres, il y en a 5 dans la vitrine sachant que les spécialistes n’en connaissent qu’une dizaine.
Tout ce que l’on voit dans ces vitrines et dans cette exposition est d’époque.
Stephan Ciejka, merci.
Récit, Thierry GASQUEZ pour Passion Horlogère – www.passion-horlogere.com
Photos, Thierry D., Laurent A. et Jaques R. pour Passion Horlogère.
Retrouvez la fabuleuse histoire de la BLANCPAIN Fifty Fathoms par Jeffrey S. Kingston sur Montres de Luxe.
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