Jeudi 15 octobre 2020, Yema jouait une partie de son avenir avec un lancement Kickstarter de grande envergure. 4 montres en bronze, en séries limitées, et équipées des deux nouveaux calibres maison sont proposées en pré-commande. Soit plus de 3000 montres représentant un financement de plus de 2 millions d’Euro ! Parmi ces 4 montres, deux ont attiré notre attention. Deux modèles GMT de deux couleurs différentes équipés du nouveau calibre Manufacture Yema3000. Décryptage et Revue.
Un lancement prodigieux !
Il aura fallu 3 minutes à Yema pour atteindre son objectif affiché de financement de 200 000 Euro. Puis 30 minutes pour dépasser le million d’Euro. Puis cela s’est calmé, avec 1,5 Million d’Euro en 2h30.
Yema a donc battu son propre record de 900 000 Euro et 1222 contributeurs en 2019. Et la marque le doit surtout à un modèle : La Superman GMT Bronze ! Les 1948 pièces disponibles ont été vendues en quelques heures à peine. Il ne reste désormais que quelques pièces « Steel Bronze ».
Avec ce succès, Yema s’installe dans le paysage horloger français, sinon mondial. Son modèle Superman GMT vient d’être plébiscité et son calibre manufacture Yema3000 « adoubé » par le public. On en vient même à se demander si on n’assiste pas à la naissance d’un leader de l’horlogerie française !
Genèse d’un calibre « maison »
La particularité des deux montres que nous avons en présence, est avant tout, le mouvement qui les anime. Ce mouvement a été développé en interne par Yema. Ceci sur la base d’un mouvement existant depuis 2011 et que Yema a décidé de faire évoluer.
Cette démarche est à mettre au crédit de la marque. En effet, nous savons qu’il est d’usage de nécessiter un minimum de 5 ans pour développer et fiabiliser un calibre manufacturé. C’est ce qui explique que peu de marques, même parmi les plus prestigieuses, soient capables de proposer des mouvements de Manufacture.
Prenons l’exemple de la marque Hublot, qui est parmi les plus dynamiques du marché. Elle a lancé en 2004 son modèle phare « Big Bang » équipé d’un mouvement Valjoux 7750 puis de dérivés, mais n’a proposé son mouvement Unico qu’en 2010. Et aujourd’hui, 10 ans plus tard, ce mouvement n’équipe qu’une petite partie de la production. La majorité étant toujours équipée de mouvement ETA et Valjoux.
Il n’est donc pas inutile de prendre du temps, beaucoup de temps, pour fiabiliser un mouvement. Le MBP1000 de Yema n’a pas dérogé à cette règle. « Simple » mouvement 3 aiguilles, il aura nécessité 2 années de développement et un investissement de 3 millions d’Euro. Mais il aura nécessité surtout une production à 250 000 exemplaires et 9 ans de commercialisation pour connaître ses premières évolutions. C’est avec cette campagne Kickstarter qu’arrivent ces évolutions. Les calibres Yema2000 et Yema 3000 en sont l’origine et le fruit.
Yema 3000, un calibre exclusif
Le mouvement répondant au nom de calibre Yema3000 est donc un dérivé du MBP1000 ayant évolué en Yema2000 (calibres 3 aiguilles). Il intègre une complication GMT permettant de bénéficier d’un second fuseau horaire, pouvant même passer à trois en « jouant » avec la lunette rotative bi-directionnelle.
Il est à noter que la marque affiche une appréciable transparence quant à son benchmark. ETA, Sellita, et Miyota sont les motoristes auxquels veut se comparer Yema. Nous aurions pu rajouter SII (Seiko) qui est un autre poids lourd de la catégorie. À côté de ces mastodontes de l’industrie horlogère mondiale, la marque française fait office de petit poucet. Mais les chiffres annoncés plaident en sa faveur. Le succès de ces calibres devrait dépendre dans un premier temps du succès de cette campagne kickstarter car la marque annonce l’utilisation exclusive de ces mouvements. Ils ne sont pas encore destinés à être commercialisés pour d’autres marques.
Avec cette décision, Yema fait preuve de prudence. Dans un premier temps, elle accepte de supporter seule les éventuels soucis de fiabilité (SAV), inhérents à tout lancement de nouveau mouvement, mais surtout elle évite la crise de croissance avec une demande pouvant être très forte puis en replis, selon les aléas du marché. C’est là aussi un message fort d’indépendance de la marque.
Yema Superman GMT Bronze au poignet
Le décryptage du lancement d’une nouveauté n’a d’intérêt que si on le place dans la perspective de l’utilité du produit : celui d’être porté au quotidien. C’est ce que nous avons fait pendant quelques jours en testant deux de ces Superman.
Nous avons eu la chance de pouvoir tester cette montre, dans deux versions de deux tailles différentes. La Superman GMT Bronze Black en 41 mm de diamètre, et la Superman GMT Bronze Blue en 39 mm de diamètre. Deux impressions différentes mais une sensation commune : la qualité perçue !
Ces deux montres nous semblent bien nées. Elles se posent très facilement sur le poignet. Le bracelet « Tropical » qui les équipe n’est pas étranger à cette sensation commune de confort. La forme de la boîte de type « Diver » est sans surprise aussi très confortable.
La Superman GMT Bronze Blue en 39 mm de diamètre offre une sensation de montre vintage. Son diamètre contenu rappelle ce qui se faisait avant les années 2000 et qu’une poignée de marques ont continué à faire après. Cette montre s’inscrit dans une tendance « néo vintage » et le vit très bien. Evidemment, l’utilisation du bronze participe aussi à cet aspect vintage.
La Superman GMT Bronze Black 41 mm propose, elle, une vraie présence au poignet. Elle s’inscrit dans une tendance plus contemporaine et s’adapte très bien à un poignet de 17,5 cm de circonférence qui a plus l’habitude de porter quotidiennement une Rolex Submariner. Et la référence à ce modèle n’est pas fortuite. Car cette Superman, même équipée d’une fonction GMT, peut continuer à revendiquer son inspiration des montres de plongée dont la référence absolue, elle-même. La comparaison devant s’arrêter là.
À l’usage, et au poignet, quelle que soit la version de ces deux Superman, ces montres se font très vite oublier. Et elles sont très flatteuses lorsqu’on pose notre regard sur leurs magnifiques cadrans noir ou bleu dégradés. Ces cadrans sont une vraie réussite. Eux aussi rappellent une tendance de la Haute Horlogerie qui a été impulsée il y a quelques années par H. Moser & Cie et qui s’est pas mal répandue chez les cadraniers.
Les index et les aiguilles autorisent une lecture parfaite de l’heure. L’aiguille du second fuseau horaire est aussi parfaitement lisible. Son réglage se fait par la couronne vissée à l’étanchéité éprouvée. La lunette bidirectionnelle s’utilise comme il est de mise pour le modèle Superman, avec le déblocage de la bague de serrage liée à la couronne de remontoir.
Délibérément nous n’avons pas souhaité vérifier la précision du mouvement. Tout simplement parce qu’il s’agit de deux prototypes que nous avions à notre disposition. Or il peut y avoir deux scenarii possibles : Soit la précision est au-delà de ce qui est annoncé par le constructeur du fait de la qualité de prototype des montres devant tourner rapidement de rédactions journalistiques en studios photo. Soit la montre est parfaitement bien réglée, du fait d’une attention particulière de la marque qui se sait observée par la presse. Quoi qu’il en soit, aucun de ces résultats n’aurait été évocateur de la réalité. Or, nous souhaitons nous adresser à nos lecteurs en toute transparence, avec des modèles commerciaux qui sont destinés aux consommateurs. Nous attendrons pour cela les livraisons de décembre ou de février prochains.
Nos impressions
Quelles que seraient nos impressions, la vérité vient toujours du client. Or, ce jeudi 15 octobre le client a parlé. Comme évoqué précédemment, il a plébiscité le modèle Superman GMT. Mais cet énorme succès ne doit pas cacher celui, plus modeste mais bien réel, du modèle Steel Bronze. Car si l’objectif affiché était de 200 000 Euro, en 6 heures ce modèle avait déjà amassé 155 000 Euro à lui tout seul. Ce qui est énorme.
Ce succès commercial ne fait que confirmer ce que nous avons vu, perçu et observé des montres essayées. Elles sont bien réalisées, esthétiquement réussies, et arrivent au bon moment. Cette crise de l’horlogerie de luxe profite à ce segment des montres Premium. Et à ces niveaux de prix, l’offre n’est pas encore à la hauteur. Les marques « établies » ronronnent. Une marque comme Yema vient bousculer les « belles endormies ». Elle prouve qu’avec une légitimité historique, une stratégie industrielle, un design intemporel soigné, et un marketing ambitieux, on peut renouer avec le succès. Il ne reste qu’à souhaiter que l’équipe de la marque française soit épargnée de l’arrogance qui caractérise celles aux succès rapides, et qu’elle confirme son dynamisme avec de nouvelles collections travaillées et un marketing toujours plus audacieux.
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