Le 24 mars 2022 fera date dans l’histoire de l’horlogerie ! Peut-être même dans celle de la Pop Culture. Ce jour-là, le concept de « fusion » si cher à notre ami Jean-Claude Biver a pris tout son sens. Et ce n’est pas chez Hublot que nous avons pu assister à cela, mais au sein du groupe Swatch. Le groupe industriel a osé la fusion de deux icônes horlogères : L’Omega Speedmaster et la Swatch. Arrêtons-nous quelques minutes sur cet évènement et dépassionnons le sujet pour le décrypter.
« Horrible ! Jamais ! Blasphème ! Le plastique c’est fantastique » ! Lisions-nous sur les réseaux sociaux. Puis, quelques « Jolie, fun, pourquoi pas ? » sont apparus. Et enfin, tout s’est emballé. C’est LE sujet horloger qui a focalisé l’attention de tout un microcosme. Et ce n’est pas ce cadre d’un grand groupe qui réunissait la presse spécialisée française sur un rooftop parisien qui pourra le contredire. Lui qui avait de belles annonces à nous faire a dû attendre 15 minutes que ce sujet brûlant soit évacué.
Focaliser l’attention avant les salons
Le groupe Swatch, à quelques jours de l’ouverture du Watches & Wonders auquel il ne participe pas, vient de frapper un grand coup. Ses deux marques les plus emblématiques, touchant deux populations clairement identifiées et relativement éloignées, viennent de s’associer pour sortir une bombe. L’iconique et cultissime Omega Speedmaster, montre horlogère par excellence dont la côte d’amour et la valeur financière ne fait que croître depuis des années, joue la transgression.
Cette transgression assumée et audacieuse, n’est pas qu’à but commercial. Pour cela, il eut été simple de suivre la voie initiée par Rolex il y a plus d’un an, en proposant des cadrans de couleur. Ce qui sera a priori la tendance de l’année de l’industrie horlogère avec le fameux « bleu Tiffany » entre autres couleurs à la mode.
Gros coup marketing
Omega a fait mieux que cela. À l’image de ce qu’il se passe dans la mode avec les nombreuses collaborations de type « Supreme x Louis Vuitton », Omega a collaboré avec Swatch. Une marque du même groupe qui a incarné entre 1980 et 2000 l’avant-garde de l’horlogerie suisse et qui l’a sauvée d’une mort certaine du fait de l’arrivée du quartz japonais.
L’horlogerie suisse doit beaucoup à Swatch et à Nicolas G. Hayek, son fondateur. Il s’agissait de lui renvoyer l’ascenseur en 2022, période où elle est en perte de vitesse.
Quels avantages pour Swatch ?
Avec cette superbe opération, Swatch revient sur le devant de la scène et se retrouve avec tous les projecteurs braqués sur elle. Pourtant ce n’est pas faute de faire preuve de dynamisme ! Et en cela nous pouvons féliciter les équipes de la marque !
Pour cela il n’est qu’à constater le nombre incroyable de lancements de produits et de collaborations. Dernièrement, une collaboration avec le Centre Pompidou a fait l’actualité. Mais cela n’a intéressé que trop peu de monde. Il n’y a qu’à constater les 1105 malheureux visionnages du sujet sur la chaîne Youtube officielle en 15 jours.
Swatch x Peanuts fin 2021 n’avait pas trop mal fonctionné, mais nous restions dans le message habituel de la marque suisse. Sympathique…
Et puis il y a eu cette volonté de la part de la marque suisse de s’affirmer dans l’air du temps avec l’utilisation de matériaux bio-sourcés. Car Swatch c’est la montre en plastique ! Ce qui était un argument en 1980 est désormais un véritable boulet en 2022. À une époque où la jeunesse, cible de la marque, ne parle que d’écologie, comment serait-il possible de la séduire avec une montre 100 % plastique et utilisant des piles ultra polluantes ? Swatch devait faire sa révolution, et surtout le faire savoir.
Avec cette MoonSwatch, le groupe espère faire une démonstration de savoir-faire, de faire-savoir, et attend un énorme succès commercial. Le fameux adage des écoles de commerce : 1+1=3.
Bénéfices et risques pour Omega
Pour Omega, l’actuelle marque phare du groupe Swatch, l’équation n’était pas du tout la même. Quel intérêt aurait une telle marque bénéficiant d’une cote d’amour énorme et d’une valorisation de son icône horlogère en pleine croissance ? N’est-il pas risqué de descendre dans l’arène du « mass market » quand on surfe sur la vague du luxe en ayant toujours dans la ligne de mire Rolex, toujours loin devant ?
Au risque d’écorner l’image du mythe de la Moonwatch, Omega s’est portée au secours de la marque symbole du groupe : Swatch. C’est un signe très fort de la part du groupe et de la famille Hayek. Une volonté de perpétuer l’esprit du fondateur, Nicolas G. Hayek, qui, nous le savons tous, avait pour favorite la marque Breguet, mais considérait comme stratégique et indispensable à la survie du groupe la marque Swatch.
Avec la réalisation d’une Speedmaster à quartz et très loin des codes du luxe, Omega risquait de fâcher quelques collectionneurs. Quoi que…
En y réfléchissant bien les risques sont très très limités. Passée la stupeur du lancement, les collectionneurs se souviendront qu’il y a 25 ans les Omega Speedmaster se trouvaient en vente au Crédit Municipal pour 300 francs. Il y a 13 ans j’en achetais une neuve pour la naissance de mon fils, que je payais 1 800 Euro. Et il n’y a que depuis quelques années que les tarifs se sont envolés pour atteindre aujourd’hui 6 700 Euro pour une Moonwatch neuve.
La Speedmaster, véritable icône horlogère s’arrache même à des tarifs incroyables en occasion lorsqu’il s’agit de séries limitées. 48 000 Euro pour le modèle Snoopy !
Il s’agit alors de faire rejaillir sur tout le groupe ce succès. Et cette collaboration Swatch x Omega en est une magnifique illustration. Et probablement pas la dernière. Omega pourra peut-être s’enorgueillir d’avoir sauvé Swatch, ou tout au moins d’avoir révélé de côté « Hype » du virage écologique qu’elle prend.
Et plus qu’un succès d’estime, Omega est aussi en passe de faire de son icône horlogère, héroïne de la conquête spatiale, une icône de la Pop Culture en la démocratisant et en adoptant des codes Warholiens du meilleur effet. Avec cette conquête de jeunes poignets et de portefeuilles plus modestes qu’habituellement, Omega gagnera en visibilité, va habituer un nouveau public à son design, et conditionnera le désir futur de potentiels clients.
Et enfin, les amateurs de montres de collection vont trouver dans cette MoonSwatch l’alternative idéale à leurs montres de luxe pour porter en manches courtes sans risquer de se faire dérober leur PEL.
… 1+1=3.
Faut-il aller faire la queue devant la boutique Swatch demain matin ?
De mémoire de passionné d’horlogerie, je n’avais jamais reçu autant de demandes pour une montre en moins de 24 heures. Et pourtant je ne suis pas un marchand de montres. Il m’est arrivé de conseiller et d’aider quelques amis à trouver des pièces, lorsque cela était encore possible. Aujourd’hui, avec la frénésie de Rolex, Patek Philippe, Audemars Piguet, ou autres montres d’horlogers indépendants, il faut oublier les « bons plans ». Soit on se met sur liste d’attente, soit on paye le prix fort sur le marché parallèle. Et il n’existe plus grand monde pour rendre un service équivalant à plusieurs dizaines de milliers d’Euro de valeur. La passion est devenue, à regrets, une place boursière. Très loin de mes considérations et du plaisir que me procure l’horlogerie. Mais c’est ainsi, et cela supporte le secteur horloger.
Quid des « Happy Few » désireux de porter rapidement cette MoonSwatch, et des « Traders du Tic Tac » ?
Le lancement de cette série de 11 montres est parfaitement orchestré par Swatch. Il était prévu que cette montre rencontre un énorme accueil de la part du public horloger. Les amateurs et les collectionneurs voient en elle soit l’accès à une icône horlogère pour un tarif contenu, soit un produit fun parlant à leur culture horlogère. Afin de maîtriser les ventes, et probablement de susciter l’idée d’une potentielle pénurie, Swatch a limité l’achat de deux modèles uniquement par personnes. Il faut que la collection soit désirable au maximum, et il faut faire venir le plus de personnes possibles dans les boutiques Swatch. Le coup est parfait ! Il est fort à parier que demain nous retrouvions une queue inédite dés l’ouverture des boutiques Swatch.
Pourtant la montre sera disponible prochainement en ligne. C’est Swatch qui le dit sur ses réseaux sociaux. La marque souhaite maîtriser ses ventes et éviter une situation ingérable. D’autant que certains petits malins ont déjà commencé à spéculer sur la revente en occasion. Une pure folie !
Il faut savoir que Swatch n’est ni Rolex, ni Omega. C’est une marque qui sait produire en masse et qui a bien préparé son coup. Si personne ne sait lire l’avenir, il existe des indices laissant penser que les marchés sont très bien stockés de MoonSwatch. Pour cela, je vous invite à éplucher les chiffres d’exportations de montres suisses, issus de la Fédération de l’industrie horlogère suisse. Les exportations de montres en autres matières que métalliques sont en forte croissance en janvier et en février. Il est peu probable que ce soit Rado et ses superbes montres Captain Cook à venir qui soit la seule cause de cette hausse. L’approvisionnement des marchés en MoonSwatch biocéramique pourrait être une hypothèse plausible. Nous le saurons très vite.
Janvier 2022 Février 2022
Pour résumer…
Cette MoonSwatch a quelque chose d’attirant. Elle fait plaisir à voir et peut être source d’espoir pour une horlogerie qui a encore de nombreux poignets à conquérir. Pour l’acquérir, si vous êtes un habitué de feu la boutique Colette ou de Supreme, demain sera votre jour de gloire. Sinon, il est urgent d’attendre que la vente via Internet soit ouverte. Mais cette montre est à voir. Car attention aux photos du web. On parle d’une montre à 250 Euro et pas d’une montre de luxe. Il ne va pas falloir attendre des finitions similaires à la Moonwatch. Bien qu’on ne soit jamais à l’abri de bonnes surprises avec une marque comme Swatch à la réputation parfaite…
Cependant je n’arrive pas à m’ôter de la tête la possibilité de goût amer d’un os à ronger. À certains une Patek Philippe 5711 bleue Tiffany, et aux autres une MoonSwatch à 250 Euro.
J’ai donc plutôt envie d’attendre… d’autant plus que dans quelques jours une actualité va en chasser une autre. Rolex et Patek Philippe vont dévoiler leurs nouveautés le 30 mars. Que nous couvrirons en live sur nos réseaux sociaux. On ne parlera sans doute plus autant de cette superbe collaboration Swatch x Omega. Mais pour quelques jours encore, saluons la et souhaitons à l’équipe Swatch la plus belle réussite.
Aujourd’hui vendredi 8 avril , le swatch groupe France a décidé de vendre quelques dizaines de montres à 16h00 au Swatch store des Champs Élysée. Une vendeuse m’a signalé que le modèle rouge est d’ores et déjà plus disponible et ne l’a jamais été dans cette boutique . Ce qui montre bien que cette série sera limitée dans le temps et ne survivra pas jusqu’à a l’été prochain . La marque orchestre bien cette spéculation, car en vérité, elle vend ses stock à des sites marchands partenaires sur le net, à des prix dépassant les 500€. Cette pratique commerciale est dégoûtante . Il
C’est incroyable de voir qu’un an après la Moonswatch est un véritable succès pour le groupe Swatch !