Vendredi 18 novembre 2011, Montres Jaquet Droz SA réunissait une centaine de personnes pour annoncer le projet Automates & Merveilles qu’ils soutiennent. De nombreux journalistes venant de toute l’Europe avaient été conviés à assister à une conférence de presse suivie d’une visite des ateliers Jaquet Droz dans leurs locaux flambant neufs de La Chaux-de-Fonds. Les médias français étaient représentés par La Revue des Montres, Montres Magazine, Le Monde.fr, et l’association Passion Horlogère.
Conférence de presse :
L’association « Automates & Merveilles », née du projet éponyme, bénéficie du soutien de Montres Jaquet Droz SA.
Thierry Béguin, son président, a fédéré de nombreuses personnalités du monde politique, culturel et horloger autour de ce projet réunissant les trois musées de Neuchâtel, La Chaux-de-Fonds, et du Locle. Une exposition, trois villes, trois musées !
Qui sont les Jaquet Droz père et fils ? Comment ont-ils conquis le monde ? Comment les automates ont-ils servi d’outil pour la recherche scientifique au 18e siècle ? Telles seront les questions auxquelles tentera de répondre cette exposition. L’emblème de l’exposition est l’écrivain, automate présenté au public en 1774. Étonner et surprendre seront les thématiques de cette exposition.
Marc Hayek :
Ce moment est très important. C ‘est la première fois que l ‘écrivain est de retour à La Chaux-de-Fonds. La marque a commencé à exister au 18e siècle. Elle a commencé avec la production de pendules. Elle a connu un réel succès du vivant de son fondateur avec les automates. Aujourd’hui nous voulons lui faire connaître le même succès avec les montres.
Lorsque ce projet m‘a été présenté, je l‘ai trouvé très intéressant. Le partenariat m‘a semblé évident. Nous allons participer à quelque chose de fantastique et redonner vie à une nouvelle histoire des automates.
Jean-Pierre Veya, Marcelo Droguett, Françoise Jeanneret (conseillers communaux des trois villes participantes) :
Neuchâtel, La Chaux de Fonds, et Le Locle sont associées à ce projet. Les partenariats privés sont de qualité. De ce projet est né l’association portant le nom de l’exposition, ce qui nous permet de parler de projet extraordinaire au sens littéral.
Le lien culturel entre l’horlogerie et les pouvoirs publics a toujours existé. Plus de 50% des richesses du canton de Neuchâtel sont issues de l’industrie horlogère.
Jaquet Droz est loclois d’origine. Pour promouvoir ses produits, il est parti à l’étranger. Il a voyagé énormément. Aujourd’hui les 3 villes, avec leurs 3 musées collaborent sur ce projet et sont prêtes à accueillir le monde entier pour cet évènement.
L’idée de l’exposition revient à Madame Caroline Junier. Les automates Jaquet Droz sont les trésors les plus visités du musée de Neuchâtel. Cette exposition s’est construite autour des automates. Cela a entraîné une collaboration entre les 3 villes. Les entreprises, les pouvoirs publics, les écoles et universités se sont associés pour que soit possible cette exposition. Grace aux automates, le canton de Neuchâtel montrera une image unie autour de la culture.
Caroline Junier, conservatrice du département des arts appliqués du musée de Neuchâtel :
Ce projet a demandé un long travail. Aujourd’hui nous le lançons. Une exposition, trois villes, trois musées.
Cette exposition sera vernie le 28 avril dans ces trois musées. L’ambassadeur de cette exposition, l’automate « l’écrivain » va partir en Chine dans les jours prochains.
Pourquoi cet automate ? Pourquoi la Chine ?
En 1774 Jaquet Droz a présenté ses 3 automates à La Chaux-de-Fonds. Un 4ème, représentant une grotte avec des animations, existait. Ce 4ème a disparu aujourd’hui. Ce succès qu’a connu Pierre Jaquet Droz sera rapidement mis à profit. Le génie de Pierre et Henri-Louis Jaquet Droz et de leur collaborateur Jean-Frédéric Leschot a été de transformer ces 3 automates en outils de communication et de marketing.
Pourquoi la Chine aujourd’hui ? Les Jaquet Droz vont parcourir l’Europe. En 1775 ils sont à Londres. Henri-Louis met en place son spectacle mécanique. L’automate est un outil scientifique en plus d’être considéré comme promotionnel pour les Jaquet Droz. À Londres ils vont rencontrer des marchands qui travaillent avec la Chine. Une manufacture sera installée pour le marché chinois (Canton). Sur les 600 à 700 pièces produites à Londres et dont on retrouve une trace sur les livres de comptes, plus des 2/3 sont partis en Chine. En 1790 c’est Henri Maillardet qui va reprendre l’affaire londonienne. Jaquet Droz produit à La Chaux de Fonds (montres et pendules), à Londres (objets animés), et à Genève. Le marché chinois est très important pour Jaquet Droz, dès son origine. Aucun des trois collaborateurs originels n’a fait le voyage jusqu’en Chine. Ni même aucun des trois premiers automates. Cet écrivain va rendre hommage aujourd’hui aux trois hommes à l’origine de l’aventure Jaquet Droz.
Après l’intervention de Madame Junier, une démonstration du fonctionnement de l’écrivain, dont le début de conception date de 1768, a été réalisée. Il nous a écrit un message… Ce message, par la suite, sera signé de Messieurs Hayek et Béguin pour s’ajouter à de nombreuses cartes conservées au musée de Neuchâtel depuis le retour de l’écrivain en 1909. S’ensuivit une série de questions / réponses :
A-t-on une idée du montant qu’a coûté cet automate qui a demandé 4 ans de travail ?
Nous n’avons aucune source, donc aucune idée.
Quel sera le rôle des montres Jaquet Droz dans ce projet ?
Il y a un rôle financier certes, mais pas uniquement. Les Montres Jaquet Droz SA vont aussi assurer la promotion internationale de l’exposition.
D’où proviennent les pièces de cette exposition ?
Beaucoup viennent de musées en Suisse. D’autres viennent de collections privées de Suisse, de France, des USA, de Chine, d‘Allemagne, etc.
Combien de pièces seront exposées ?
Environ 250 pièces. Toutes ne seront pas attribuées à Jaquet Droz.
Quel sera le voyage de l ‘écrivain en Chine ?
L’évènement qui aura lieu en Chine va nécessiter de grandes précautions pour conserver intact l’écrivain. Il sera programmé avant le départ pour éviter trop de manipulations délicates sur place. Il délivrera un message différent de celui qu’il vous a délivré aujourd’hui. Pour l’évènement en Chine, il y aura une nouvelle communication prochainement. Pour l’heure, nous pouvons vous révéler que cela se passera à Pékin.
Quel est l’objectif touristique du projet ?
150 à 160 000 personnes sur les 3 lieux d’exposition. De nombreuses animations vont être créées pour adultes et enfants.
Combien de temps va durer l’exposition ?
Du 28 avril au 30 septembre 2012.
Va-t-on avoir une montre Jaquet Droz avec l’écrivain sur le cadran ?
Pas l’écrivain, mais nous travaillons sur l’illustration d’automates dans nos montres (réponse de Monsieur Hayek avec un sourire laissant augurer quelque chose à venir).
Y aura-t-il des automates contemporains dans cette exposition ?
Il y aura des robots androïdes et d’autres non-androïdes. Il y aura une salle d‘hommage à François Junot (créateur contemporain).
La conférence de presse étant terminée, des visites des ateliers s’enchaineront par petits groupes. Les photos étant interdites, la marque Jaquet Droz s’est engagée à en fournir prochainement aux journalistes présents lors de cette visite (publication à suivre).
Nous débutons par le département « produits ». On y trouve deux personnes travaillant sur les projets de création d’une nouvelle montre. Une première personne, un designer, s’occupe de dessiner la montre en tenant compte d’un cahier des charges esthétique. La seconde vérifie la faisabilité de cette montre compte tenu de l’outil industriel à disposition de la marque. Les projets, avant qu’un premier coup de crayon ne soit donné, sont validés par Marc Hayek, Président de Montres Jaquet Droz SA. Le devoir du responsable de ce département est de conserver l’ADN de la marque sur les projets impulsés par Monsieur Hayek et proposés par les collaborateurs du département produit. Les montres Jaquet Droz doivent demeurer reconnaissables et conserver leur identité propre. Le challenge de la marque est de proposer des nouveautés tout en conservant cette identité propre.
Après avoir été dessiné, le projet de montre est imprimé en 3D en matière plastique. Cela permet des manipulations et divers essais à l’échelle 1. On a une idée du volume. Ensuite sont travaillées les courbes. Des cadrans sont réalisés et le tout est prévu pour accueillir les mouvements réalisés sur une base Frédéric Piguet auxquels sont ajoutées des planches additionnelles spécifiques à Jaquet Droz. A la fin, on arrive à créer une montre prototype avec l’environnement produit. Tout le packaging est créé et décidé dans le département produit.
– Atelier de conception des mouvements –
On trouve ici toutes les opérations de production, de « customer service », achats, SAV… tout ce qui permet de fabriquer le produit à partir de ce qui aura été décidé au département produit. L’objectif est de livrer les clients finaux.
Ce service se présente comme une enfilade de petits ateliers ayant chacun leur spécificité. Le premier gère le « customer service ». Jaquet Droz veut mettre l’accent sur ce service. Les horlogers de ce service forment les horlogers du réseau Jaquet Droz. Il y a une grande demande des marchés asiatiques et américains qui doit être honorée pour que ces marchés soient autonomes au niveau du SAV. Les horlogers locaux recevront les pièces des ateliers Jaquet Droz, mais devront être en mesure de réparer les montres nécessiteuses.
Le polissage des pièces métalliques se fait dans une pièce spécifique. Jaquet Droz attache une extrême importance à cette étape de fabrication de ses montres. Il y a une volonté de perfection esthétique. Cela fait partie aussi de l’identité produit.
Dans la partie « production », on trouve des kits d’assemblage qui sont des plateaux compartimentés avec toutes les pièces à assembler pour donner le produit final. Tout cela est préparé en amont et fourni aux horlogers assembleurs.
La partie « contrôle » revêt elle aussi une grande importance. Les montres assemblées sont manipulées et inspectées par un horloger qui va relever et marquer tous les défauts rencontrés. Il peut s’agir de poussières invisibles à l’œil nu ou de tout autre défaut constaté. Tout ce qui va être utilisé, chaque pièce de la montre, est contrôlé même avant l’assemblage. Il y a ensuite un nouveau contrôle sur le produit fini. Cela signifie que chaque montre subit de nombreux contrôles avant de quitter les ateliers Jaquet Droz. Les contrôles de marche sont effectués dans la partie production, après l’assemblage. L’atelier contrôle ne fait que du contrôle visuel.
– Département Art & métiers –
Sont présents dans ce département deux métiers artistiques que sont la peinture miniature sur cadran émail et la gravure.
Jaquet Droz, à l’instar de grandes manufactures, propose ces métiers en interne. En intégrant ces corps de métiers au sein de la marque, la marque a cherché à perpétuer l’histoire du fondateur dans la maitrise exclusive d’une spécificité.
La peinture est réalisée à partir d’une esquisse réalisée sur papier et validée par le client. Cette esquisse est ensuite rapportée sur le cadran. Une fois cette esquisse faite, un premier jet est réalisé et validé par le département produit afin de vérifier que le cahier des charges est respecté.
Pour la peinture miniature, plusieurs types de pinceaux sont utilisés pour réaliser le dessin désiré. Pour obtenir un pinceau parfait, il peut être nécessaire de le travailler pendant plusieurs mois. Le pinceau est ajusté, façonné, au poil près…
D’un point de vue pratique, il est étonnant de voir les techniques employées et la dextérité avec laquelle l’artiste travaille sur son sujet. Une petite palette se trouve à sa proximité. Non pas pour recolorer le pinceau après chaque application, mais pour faire office de « réserve » et pour parfaire les mélanges de couleurs. Une fois la couleur obtenue grâce à l’utilisation de pigments divers et variés, l’artiste dépose une petite quantité de peinture sur son ongle. Ensuite elle vient puiser la quantité nécessaire pour son sujet. L’ongle devient ainsi une micro-palette pour cette artiste travaillant à la loupe binoculaire. Chaque cadran peint avec ces peintures intégrant parfois des pigments d’or, passe plusieurs fois au four. L’artiste nous explique que les passages au four sont une sorte de « sauvegarde » du travail réalisé. Le passage au four va fixer la couleur. Il n’y a pas de règle ni pour la fréquence, ni pour le moment choisi. Cela se fait au « feeling », en sachant que ces passages au four vont modifier la couleur. C’est un élément à prendre en compte. La peinture de cadrans émail va demander entre 24 et 48 heures de travail et n’autorise aucune erreur.
La gravure se fait en différentes étapes. On peut soit partir d’un bloc brut, soit d’un moulage. Ils utilisent alors une imprimante 3D qui va mouler un sujet. Le graveur vient ensuite travailler sur le moulage pour le parfaire et lui donner une finition parfaite. Quelle que soit la technique, il y a toujours des opérations manuelles qui vont faire de ces montres des pièces uniques. Le graveur apportera toujours la touche finale qui est la plus-value du produit.
Cet atelier des métiers d’art est le dernier à nous avoir été présenté. Nous avons été ensuite conviés à rejoindre une salle où nous furent présentés des automates. Auparavant, dans une petite vitrine, était exposé un bel écrin où se trouvaient disposées trois montres ayant sur leurs cadrans respectifs une illustration des trois premiers automates Jaquet Droz (la musicienne, l’écrivain, le dessinateur). Il s’agit de prototypes finaux dont la destination n’est pas encore connue. Commercialisation ? Entrée en collection de la marque ? C’est une collection unique malgré une série de 8 pièces représentant la musicienne.
– Les automates –
Un salon du bâtiment est destiné à nous présenter quelques automates. On y retrouve une partie d’une urne funéraire représentant une scène champêtre et ornithologique faite de sons et de mouvements.
Se trouvent aussi deux automates contemporains, destinés à être commercialisés. Il s’agit d’un écrivain et d’un dessinateur. Ils n’ont pas la complexité de l’écrivain d’origine capable d’écrire sur 4 lignes, mais reprennent quelques traits caractéristiques : l’articulation de la plume, le battement de cils, et la poitrine semblant reproduire une respiration. Ces automates peuvent être programmés à la demande du client, mais leur programmation n’est pas interchangeable à l’envie alors que l’écrivain originel, avec ses 40 caractères possibles, peut être programmé au gré de l’envie (et de la patience pour la manipulation) de son propriétaire.
Une machine à écrire le temps est disposée dans un petit salon jouxtant celui que nous abandonnons. Cette machine reprend en grande partie les éléments de celle qui avait été présentée à Paris l’hiver dernier, mais est devenue plus fiable et plus contemporaine dans son design. A ma question de savoir s’il était prévu une commercialisation d’une série de telles machines, il m’a été répondu que cela n’était pas d’actualité. La fiabilité n’étant pas éprouvée dans le temps, Jaquet Droz ne voudrait pas prendre le risque de la commercialiser. De plus les automates, et plus encore cette machine composée de 1871 pièces, exigent un maximum de précautions à la manipulation. Un parallèle est fait avec les mouvements horlogers. L’exemple des mouvements Frédéric Piguet utilisés par Jaquet Droz est évoqué. Leur fiabilité et leur robustesse n’étant plus à prouver, il y a une cohérence avec toute l’attention apportée à la qualité voulue irréprochable des boîtes, cadrans, et autres parties composant les montres Jaquet Droz. La philosophie est la même pour les automates. Ces pièces qui seraient destinées à un public d’amateurs avertis ne peuvent être d’une fiabilité relative. Jaquet Droz s’accorde donc le temps nécessaire pour étudier celles déjà construite, les améliorer (déjà 5 variantes de la machine à écrire le temps), les fiabiliser, et, éventuellement un jour, les commercialiser.
La visite se termine ainsi avec cette machine à écrire le temps. Notre petit groupe a regagné le salon éphémère installé devant les ateliers Jaquet Droz, en attendant d’être ramené à l’aéroport de Berne. Cependant, j’ai eu droit à une petite faveur que m’avait réservé Benjamin Boursault, Directeur France des Montres Jaquet Droz. Il m’avait organisé une courte entrevue avec Marc Hayek, le Président de toute la partie Haute Horlogerie du Swatch Group, regroupant Breguet, Blancpain, et Jaquet Droz. Cet extrême honneur m’a permis de lui présenter l’association Passion Horlogère que j’ai l’honneur de présider, et de lui proposer un petit film à l’intention des membres de notre association, mais aussi de tous les amateurs, passionnés et collectionneurs d’horlogerie nous suivant. L’homme, très abordable, dont la gentillesse se lit au premier regard, se dessine au premier contact et se vérifie au gré des rencontre de personnes le côtoyant et en témoignant, a vaincu sa timidité pour se soumettre à l’exercice. Voici le message qu’il nous livre :
Une fois cette entrevue terminée, j’ai rejoint mon groupe pour nous préparer à quitter les lieux. Le salon éphémère était en ébullition. Le mobilier avait été retiré et ne demeurait que l’estrade ayant servi à la conférence de presse et à l’exposition de l’automate « l’écrivain ». Ce dernier était toujours présent sur cette estrade, avec son manipulateur du musée de Neuchâtel. Devant se trouvait tout un groupe d’une trentaine de personnes, assistant à une démonstration. Bon nombre de journalistes avaient déjà quitté les lieux pour se rendre à l’aéroport. Aucune photo n’était prise, aucune note non plus. Je m’interrogeais sur ce groupe. Et puis quelques visages m’ont semblé familiers. J’en ai reconnu quelques-uns et immédiatement compris de qui il s’agissait.
Marc Aellen, l’homme de confiance de Marc Hayek pour Montres Jaquet Droz SA, après la visite des ateliers, avait convié le personnel intéressé par les automates à une démonstration. Il est vrai que la venue de l’écrivain à La Chaux-de-Fonds avait quelque chose d’historique. J’ai ainsi reconnu ici le designer, là le graveur, ailleurs le peintre, le polisseur (plein d’humour, voire polisson), les horlogers…etc. Tout le personnel de la manufacture s’était rassemblé pour assister à cet évènement unique qu’était la présentation de l’écrivain. Ils étaient tous captivés par les explications données par son manipulateur, et admiratifs face à ce génie affichant fièrement plus de 230 années. Une fois la démonstration achevée, j’ai pu encore échanger quelques mots avec certains d’entre eux, et vérifier la passion qui les anime. Cette image de ce groupe uni comme un seul homme résume à elle seule la fierté et la passion qui lie ces hommes à l’univers Jaquet Droz.
Thierry Gasquez
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