Il ne s’agit pas de vous diffuser un vieux reportage télévisé de l’époque soviétique. Ni de disserter sur quelque forme de manichéisme dans l’approche horlogère singulière d’un acteur encore peu connu. Nous souhaitons simplement vous livrer nos impressions quant à cette marque russe assez méconnue en France, et nos premières observations d’un test de la Raketa Big Zéro Malevitch.
Cette montre est la nouveauté de la rentrée de la marque russe dont les statuts de la société vont fêter en 2021 leurs 300 ans d’existence. Ce qui en fait la première et plus ancienne société de Russie. Et une des plus vieilles au monde.
La Manufacture Impériale de Peterhof
C’est en 1721 que débute l’histoire de Raketa. Ou plutôt celle de la Manufacture Impériale de Peterhof. C’est Pierre 1er le Grand, lui-même, qui en exprime la volonté et qui ordonne la création de cette Manufacture de taille de pierres. Cette usine doit répondre aux besoins de la nouvelle capitale de Russie en terme de taille de pierres précieuses, de pierres fines, et même de pierres de constructions des édifices de la ville. Car Saint-Pétersbourg est une ville de Palais et d’églises.
L’usine de Peterhof verra passer la Révolution bolchevique sans que son activité ne soit perturbée. On continue d’y tailler des pierres, mais plus pour l’Aristocratie. C’est le nouveau régime qui en est le commanditaire et qui exploite ce savoir-faire unique. La pierre du mausolée de Lénine a été taillée à Peterhof, tout comme les pierres naturelles qui ornaient les premières étoiles rouges du Kremlin en 1935.
Pendant la seconde guerre mondiale l’usine est bombardée puis occupée par les allemands. L’armée rouge la déplace dans l’Oural pour qu’elle puisse continuer sa production de composants pour l’armement et pour des instruments de mesure. Les pierres de précision et la micromécanique deviennent peu à peu l’essentiel de sa production. Et c’est par la taille des rubis servant à l’horlogerie que Peterhof entrera dans l’horlogerie.
D’une Manufacture lapidaire à une Manufacture horlogère
En 1944 l’usine sera reconstruite à Peterhof et Staline décidera en 1945 qu’elle produira des montres sous la marque Pobeda, qui signifie « Victoire » en Russe.
Lorsqu’en 1961, en pleine guerre froide, Youri Gagarine effectue le premier vol habité dans l’espace, en URSS on créé de nombreuses marques en tous genres pour célébrer cette victoire sur l’occident. Raketa, qui signifie « Fusée spatiale » en Russe, est une de ces marques. Elle est chargée de fournir l’Armée Rouge et les pays du Pacte de Varsovie, en montres.
C’est ainsi qu’entre 1970 et 1988 ce n’est pas moins de 7 000 ouvriers qui travailleront au sein de la Manufacture, pour produire jusqu’à 6 millions de montres par an.
En 1980 Raketa est la montre officielle des Jeux Olympiques de Moscou et elle se met à produire des montres à Quartz.
Le sauvetage de Raketa
Dans les années 90, la marque est exsangue, comme l’est le pays tout entier. Elle ne tient que par la volonté d’une poignée d’irréductibles russes attachés charnellement à cette Manufacture. Sa propriété passe anarchiquement de mains en mains jusqu’à ce qu’un homme acquière les bâtiments et envoie, en 2004, le jeune Anatoly, spécialiste en métallurgie, pour s’occuper du démantèlement de l’usine et de la vente de tout ce qui est métallique. Ce dernier découvre un trésor. Il veut le sauver ! Il en parle à son patron qui n’a que faire de l’horlogerie et qui a acheté l’usine à des fins immobilières. Si Anatoly veut sauver cette usine, grand bien lui fasse. Il a 24 heures pour déménager les machines ! Après ce délai des ferrailleurs seront envoyés !
C’est avec l’aide de tous les ouvriers restants que ce déménagement est entrepris pour installer la Manufacture horlogère à son emplacement actuel. Anatoly ne retournera pas en Sibérie d’où il est originaire. Il restera dans la Manufacture 24 heures sur 24, armé d’un fusil pour la protéger des pillages qui étaient légion à cette époque. Il est aujourd’hui le Directeur Général de la Manufacture et le responsable de la production. Cela fait 17 ans qu’il travaille dans ces locaux et qu’il incarne le sauvetage de Raketa, à l’instar de Charles Vermot pour Zénith, en Suisse.
La renaissance de l’horlogerie Russe
En 2011, c’est un autre homme qui tombera sous le charme de cette belle Russe qu’est Raketa. David Henderson-Stewart rachète la marque avec un associé, alors qu’ils ne connaissent rien à l’horlogerie.
Ils sont séduits par ce parc de 500 machines, par les 103 métiers horlogers maîtrisés et par ces femmes et ces hommes qui sont l’âme de la marque.
Aujourd’hui ils sont 5 à avoir plus de 75 ans, à l’image de la magnifique Ludmila, agée de 86 ans, dont 63 au sein de la société. C’est elle qui a réalisé tous les plans des mouvements Raketa, à la main. Du fait de l’âge des horlogers, David Henderson-Stewart a créé une école afin de doubler tous les postes. Sergueï est le plus jeune de la Manufacture, du haut de ses 22 ans.
Désormais Raketa peut à nouveau produire ses mouvements en totalité. Elle ne manque ni de machines, ni de fournitures, ni de savoir-faire.
La marque se base sur son calibre automatique, le 2615 et propose 4 complications. Il n’y a pas de volonté d’en fabriquer de nouveaux pour l’instant car le potentiel qu’offre ce « tracteur » est immense. Les objectifs affichés sont une fiabilisation poussée et un développement de la chronométrie pour gagner en précision (actuellement -10 / + 20 secondes par jour).
Renaître pour quoi ?
L’heure est donc à la fiabilisation mais pas à la modernisation à outrance. Raketa ne souhaite pas remplacer ses machines de l’époque soviétique par des CNC. La marque ne veut pas perdre son savoir-faire unique en Russie, et peut-être ailleurs dans le monde.
C’est dans ce contexte que se sont développées les collections de la marque Raketa rénovée. Un énorme travail a été réalisé. Et il n’est pas rare de rencontrer des personnes de départements comme le marketing ou la communication qui ne sont présents que depuis un an ou deux au sein de la société. Et ils ont soif de succès ! Les idées fusent.
Le niveau de formation est extrême et les compétences sont exceptionnelles. La Russie est connue historiquement pour son haut niveau de formation. Aussi, cette nouvelle génération a compris la richesse de l’héritage de cette société de bientôt 300 ans. Il s’agit aujourd’hui d’en faire la synthèse et, comme le veut la tradition Russe, de tourner la page pour passer à autre chose.
Retrouvez l’univers Raketa sur internet.
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