
Reservoir plonge dans le grand bain avec l’Hydrosphère
Il y a un peu plus d’un an, je passais plusieurs semaines avec la Tiefenmesser bronze au poignet. La jeune marque Reservoir, créée en 2017, proposait déjà une gamme très complète, qui s’est encore étoffée depuis. Le remarquable triptyque qui constitue l’identité de la marque, heure sautante, minute rétrograde, et réserve de marche se décline maintenant également sur des montres de taille plus modeste, convenant aussi bien aux poignets plus fins, aux femmes ou aux amateurs de montres plus petites.

En grand amateur de montres de plongée, j’avais alors posé la question à François-Marie Neycensas, directeur marketing et digital, sur l’évolution de la gamme et un modèle diver avait alors été évoqué.

J’ai eu l’occasion de découvrir les premiers prototypes à Bâle au début de l’année. La plongeuse était là, et autant dire qu’elle était l’attraction du stand ! Proposée d’emblée en 3 couleurs de cadrans, la surprise fût de taille, et j’avoue que sur le coup, je ne savais pas trop quoi en penser. Je me promis alors de revenir sur ce sujet, dès que l’occasion m’en serait donnée.

Hydrosphère, une personnalité affirmée
Septembre 2019, la marque m’invite au Paris Air Legend, dont elle est partenaire. Un superbe événement, ponctué de démonstrations de haut vol, et de machines aussi rares que belles. Parmi celles-ci, les montres présentes sur le stand n’en sont pas des moindres, toutes proportions gardées. L’Hydrosphère est là, RDV est pris pour un confié d’une dizaine de jours. « Rends-là nous dès que tu as finis » me demande-t-on. « On a peu de pièces et les demandes sont nombreuses ! ». Les modèles définitifs commencent seulement à arriver en boutique au moment ou vous lisez ces lignes et le service Presse à du mal à obtenir des modèles de prêt.
Voila un engouement de bon aloi pour Réservoir ! Mais pourquoi l’Hydrosphère est-elle donc tant demandée ?
Sans doute parce qu’elle apporte du sang neuf sur le marché des montres de plongée, marché sur lequel les propositions sont légion, mais où la personnalité peut parfois faire défaut.
En effet, une montre de plongée est généralement en acier, parfois en titane, montée sur un bracelet du même métal ou caoutchouc, possède une lunette tournante, 3 aiguilles surdimensionnées et lisibles dans le noir, le tout sur un cadran noir aux index hypertrophiés.
Histoire de parti pris
C’est là que la proposition de Reservoir diffère largement. Bien sûr, la boite est en acier, le bracelet également (un bracelet caoutchouc est également livré), et elle possède une lunette tournante. Et les points communs s’arrêtent ici.
Point de cadran sobre, voire triste, pas d’aiguilles jouant la surenchère, mais des couleurs, du relief, et encore des couleurs ! Une vraie personnalité, cette Hydrosphère est une vraie star. Une des constantes des collections de la marque est de prendre inspiration de compteurs, d’outils de mesure. Compte-tours, altimètres, profondimètres sont les références ayant conduit au design des collections Supercharged, Airfight ou Tiefenmesser pour n’en citer que 3.
La source d’inspiration de l’Hydrosphère est un célèbre manomètre servant à indiquer au plongeur la pression dans sa bouteille. Outil ô combien important, et qui se doit d’être lisible au 1er coup d’œil, il a donné à cette plongeuse un look à part, mais en même temps très connoté dans le milieu de la plongée. Voila qui va parler instantanément aux plongeurs, les vrais ! Et c’est une bonne chose. Car il faut bien se l’avouer, on est entre nous, mais porter une montre pour faire de la plongée, c’est une posture, une coquetterie, ou pire, de la frime. Les ordinateurs ont depuis bien longtemps remplacé les montres, grâce à leur lisibilité, leur technicité, et la pléthore de fonctions qu’ils offrent afin de garantir sécurité et fiabilité à l’amateur de grands fonds. La montre de plongée est aujourd’hui un marqueur social, un message. Elle montre que son porteur, même s’il doit porter un costume, n’en reste pas moins un aventurier, un sportif, ou tout au moins est-ce l’image qu’il veut donner.
Avec cette Hydrosphère au poignet, que vous ne porterez sans doute pas avec votre 3 pièces en alpaga, vous voilà projeté dans le monde des connaisseurs, des hédonistes et des entrepreneurs !
Une présence au poignet
Moins statutaire qu’une Seamaster, moins luxueuse qu’une Submariner, plus originale qu’une Black Bay, l’Hydrosphère s’adresse à une clientèle avide de nouveauté et de différence.
Tel un palet de hockey de 45mm de diamètre posé sur le poignet, l’Hydrosphère est ronde, juste ronde. Pas de cornes ici, le bracelet se fixe sous la boite au moyen de vis, et le tournevis est fourni pour permettre de passer de l’acier au caoutchouc. Évacuons le sujet tout de suite, je trouve que le bracelet caoutchouc ne lui va pas du tout. Je n’aime pas son design (avis tout personnel j’en conviens), ni son toucher ou son manque de souplesse. Je lui préfère donc l’option acier, qui n’en est pas une, la montre étant livrée avec les 2. Constitué de 3 maillons, brossés, de facture classique, il est cependant très qualitatif, très confortable, et la boucle déployante possède un réglage micrométrique fort pratique à utiliser. De plus, ça rajoute au côté outil, toolwatch de la montre, et ça lui va fort bien.
La boite est également en acier, brossé, cela va (presque) de soi pour une plongeuse. On y trouve la couronne gravée du logo de la marque et cerclée de caoutchouc à 3h. Elle s’inspire du design des robinets des bouteilles de plongée. Une valve à hélium lui fait face, à 9h. A ce sujet, 2 écoles s’opposent. Quand les uns, japonais ou plus rarement suisses, empêchent l’hélium d’entrer dans la montre, les autres, lui permettent de ressortir. La probabilité d’un usage professionnel de l’Hydrosphère étant faible, point besoin de débattre plus avant. Et puis cette petite valve apporte une touche technique cohérente avec l’ensemble.
Cette boite est fermée par un fond plein, gravé de quelques mentions habituelles, par 4 vis. Rien de bien particulier qui nécessite qu’on s’y attarde. Remontons donc plutôt vers la pièce maîtresse de la montre, à savoir son cadran, en nous arrêtant sur sa lunette, fondue du même métal que le reste.
Finesse des finitions
Unidirectionnelle, comme il se doit, son crénelage et son insert céramique lui donnent une vraie personnalité et un design particulièrement réussi. Finement gravée d’une double graduation, lui permettant d’afficher des informations pertinentes même après le saut rétrograde de l’aiguille des minutes, elle est, de plus, entièrement traitée au Superluminova. Une coquetterie qui pourrait s’avérer utile si la lecture de ces informations s’avérait intuitive. Ce qui ne m’a pas semblé être particulièrement le cas. Présentée à quelques professionnels de la plongée, ils sont restés un peu dubitatifs devant la lisibilité de ce design, tout en reconnaissant que la particularité du mouvement ne laissait que peu de latitude et en louant l’ingéniosité de la solution trouvée. Mais en pleine immersion, la lisibilité et la facilité de compréhension doivent l’emporter sur tout le reste, surtout si le plongeur se trouve confronté à une situation d’urgence créant un stress supplémentaire.
Relativisons encore, le port d’une montre de plongée est devenu plus qu’anecdotique de nos jours, et l’Hydrosphère se retrouvera au poignet d’hédonistes ou d’amateurs d’horlogerie, soucieux de mettre à l’épreuve l’étanchéité revendiquée de 250m, plus que de s’appuyer sur elle pour comptabiliser leur immersion.
Le cadran en pièce maîtresse
Venons en enfin à ce fameux cadran. Disponible en 3 couleurs, noir, blanc, et bleu, c’est cette dernière version que j’ai eu l’occasion de porter pendant quelques jours. Et j’en ai été fort aise, ce cadran bleu étant, à mon sens, le plus réussi. Joliment texturé, très coloré, en 3 dimensions, c’est une indéniable réussite. Les segments colorés en périphérie des minutes sont là pour la décoration, afin de se rapprocher au plus près du manomètre italien ayant servi de source d’inspiration. Il en est de même pour le triangle rouge et en relief compris entre 0 et 10 minutes. En relief également le logo de la marque à 12h, ainsi que les minutes affichées de 10 en 10. Un cadran joliment travaillé donc, et qui ne s’arrête pas là. A 6h, le guichet d’heure sautante, caractéristique de la marque, est ici surmonté d’une loupe pour une meilleure lisibilité. En dessous, la réserve de marche joue aussi la couleur en s’affichant en rouge, noir et bleu. Pour le coup, le rouge indique clairement que la montre va nécessiter un remontage ou un porté. Celui-ci s’effectuera tout seul sous l’impulsion de la masse oscillante qui équipe le calibre ETA 2824-2 à remontage automatique offrant 37h de réserve de marche. Nul doute que le module additionnel de 124 pièces qui permet l’affichage rétrograde des minutes et des heures sautantes cannibalise un peu de l’énergie emmagasinée par le barillet.
Petite particularité de l’Hydrosphère par rapport au reste de la gamme, elle est la seule à afficher un indicateur de marche. Rappelons que la norme ISO 6425, qui définit les attendus techniques pour qu’une montre puisse être officiellement certifiée plongeuse, oblige à un dispositif permettant de constater la bonne marche de la montre, généralement une trotteuse. Mais point de trotteuse chez Reservoir. La marque a donc ajouté un petit disque, au dessus de l’aiguille des minutes, qui tourne, comme le ferait une trotteuse classique. Petit bémol, sa petitesse rend la perception difficile, et quasi impossible sous l’eau. Notons cependant qu’entre les prototypes de Bâle, et les modèles définitifs, de nombreux points ont évolué de manière significative pour arriver à une montre cohérente, jolie, spectaculaire même. Il en est ainsi de la boucle déployante, de cet indicateur de bonne marche, de la finition des cadrans, de l’indicateur de réserve de marche…
Un temps entre la présentation et le lancement commercial intelligemment mis à profit donc.
Revenons en à notre cadran pour parler de la luminosité de ce dernier. Aiguille et chiffres sont, comme la lunette, revêtus de Superluminova, mais pas les heures sautantes. Certes, en conditions de plongée, ce n’est pas pertinent, mais au quotidien, j’avoue que ça aurait été un vrai plus. Car ne pouvoir lire que les indications de minutes, la nuit, offre un intérêt un peu limité.
Hydrosphère est sans concession et séduisante
Alors, au final, que penser de cette Hydrosphère ? Si l’on cherche une montre pour plonger, j’avoue que sa lunette peut-être un vrai frein à l’achat, tant sa lecture peut-être un peu compliquée. Par contre, si l’on cherche une montre de plongée pour son look ou l’image qu’elle renvoie, pour la robustesse et l’originalité, l’Hydrosphère est une très sérieuse prétendante. Perfectible sur quelques points, elle se rattrape par une personnalité à nulle autre pareille, et par cet affichage propre à la marque, auquel on s’habitue en quelques secondes et dont il devient difficile de se passer tant il est naturel. Et la qualité de fabrication est irréprochable ! Et le cadran bleu est à tomber !
Au final, cette Hydrosphère est pétrie de qualités, avec quelques défauts, une grosse personnalité, pour au final paraître extrêmement attachante. On aime ou on déteste, mais elle ne laissera pas indifférent. Personnellement, j’adore. Et je lui pardonne du coup ses petits défauts. Elle sera à vous contre 4250 €.
Richard Ségault pour Passion Horlogère
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