La 29 ème édition du Salon International de la Haute Horlogerie vient de fermer ses portes. Nous ne savions pas à quoi nous attendre dans un tel contexte de transformation du marché horloger et d’adaptation des deux grands salons professionnels. Les annonces de dernière édition pour Audemars Piguet et pour Richard Mille laissaient présager un feu d’artifice horloger. Et nous n’avons pas été déçus ! Nous avons pu voir du bon, et du moins bon. Mais, fidèles à notre ligne éditoriale, nous allons nous focaliser sur ce que nous avons apprécié. Petit passage en revue des temps forts de ce dernier SIHH version « cru 2019 ».
Audemars Piguet l’impertinente
Dés le début du salon, c’est Audemars Piguet qui a fait les gros titres. La nouveauté dite « classique » de la marque, baptisée code 11.59 a défrayé la chronique. Surtout sur les réseaux sociaux. Nombreux sont ceux qui ont fait part de manière plus ou moins véhémente de leur incompréhension face à cette nouveauté. Il est pourtant difficile de réagir à chaud, ce que nous n’avons pas voulu faire. Nous avons d’abord cherché à la comprendre. Cette montre qui a nécessité 7 ans de développement arrive sous forme de collection. Ce n’est donc pas une montre qui est proposée, mais 13 références, équipées de 6 calibres différents, dont trois nouveaux.
Il s’agit là d’une démonstration de force de la marque la plus dynamique du marché horloger. Passer en 7 ans d’un chiffre d’affaire de 500 millions à 1.1 milliard avec une production bloquée à 40 000 montres, c’est la prouesse réalisée par François-Henry Bennahmias. Et cette montre Code 11.59 c’est lui qui l’a voulue ! C’est lui qui en est à l’origine dés son arrivée à la tête de la Manufacture afin d’éviter qu’Audemars Piguet ne demeure la marque d’un seul modèle, la Royal Oak. Mais que pouvait-il faire ? Il avait le choix entre deux solutions. Soit faire comme Porsche dans l’automobile qui décline avec succès sa 911 au style légendaire, soit avoir une approche plus horlogère, en proposant des collections radicalement différentes comme le font Patek Philippe, Blancpain et la majorité des marques de Haute Horlogerie. François-Henry Bennahmias a choisi la rupture avec la Royal Oak.
Mais pour autant, il n’a pas négligé l’aspect Haute Horlogerie de la collection 11.59. Les mouvements sont de très belle qualité et la construction technique de la boîte est séduisante (à découvrir prochainement sur Passion Horlogère). Seul bémol, la réalisation des cadrans. Certains, comme celui du chronographe, sont difficilement lisibles. D’autres, comme celui du modèle 3 aiguilles ou de la répétition minute manquent de caractère ou ne semblent pas à la hauteur du reste de la pièce. Mais dans l’ensemble, cette collection Code 11.59 est prometteuse. Passé l’émoi des premiers jours, il convient de la découvrir en boutique Audemars Piguet et de s’en faire une idée précise. Mais en attendant cela, on peut se faire plaisir avec la Royal Oak ultra thin Jumbo avec cadran saumon qui est un véritable coup de cœur du cru 2019 de la marque du Brassus.
Bovet la surdouée
Premier SIHH pour le récipiendaire de la dernière Aiguille d’or au Grand Prix d’Horlogerie de Genève, et première grande sensation. Bovet a donné un nouveau récital de grande classe en prouvant que la marque de Fleurier a toute sa place au milieu des grandes maisons horlogères du salon. Et ce n’est pas ce modèle Récital 26 Brainstorm Chapter One qui nous démentira. Equipé d’un tourbillon volant double face inséré dans un boîtier Saphir, le magnifique mouvement de 10 jours de réserve de marche laisse admirer le moindre de ses composants à la finition parfaite. Cette montre est un plaisir pour le regard des amoureux de belles mécaniques horlogères. Récital 26 Brainstorm Chapter One vous sera présenté prochainement dans les pages de Passion Horlogère.
Cartier joue à domicile
La maison Cartier est en terrain conquis au SIHH. Principale marque du groupe Richemont, la griffe de la panthère marque chaque année son territoire. Baignoire, Panthère ou autre Santos ont été mises à l’honneur cette année. Mais si nous ne devions en retenir qu’une ce serait la Santos Squelette. Non pas pour une innovation technique en particulier, mais pour son style. Un style à découvrir et à apprécier particulièrement dans la pénombre…
Greubel Forsey propose l’exception quotidienne
Les montres Greubel Forsey sont reconnues pour leur caractère exceptionnel. De l’aveu de Stephen Forsey, ce sont toujours les mouvements qui ont dicté la forme des boîtiers. Or, pour une fois, nous avons une montre Greubel Forsey que l’on pourrait considérer comme portable quotidiennement. Ce qui n’est en rien péjoratif, bien au contraire. Greubel Forsey c’est l’excellence horlogère. Il n’existe sans doute rien de plus abouti, horlogèrement parlant, que ces montres. Mais en 2019, au SIHH de Genève, avec son Balancier Contemporain, Greubel Forsey offre un condensé de son savoir-faire dans une boîte de 39 mm de diamètre. Un véritable bonheur pour les collectionneurs en quête de la montre « parfaite ». Mais aussi une frustration pour nombre d’entre eux, car il n’en existera que 33.
Hermès fait un sans faute
La simple évocation de cette marque provoque généralement un émoi et met du baume au cœur de l’amoureux du beau et du bien. Il n’y a qu’à constater le nombre de fois où elle a été citée dans le Who’s Who horloger de Passion Horlogère pour évoquer une marque qui pourrait incarner le luxe. Et en horlogerie, Hermès applique tout simplement les recettes qu’elle maîtrise si bien dans tout ce qu’elle touche. Hermès, c’est une marque qui vise juste. Cette année, au SIHH, tout ce qui a été présenté peut être qualifié de cohérent. Les produits, qu’ils soient mécaniques ou à quartz sont bien réalisés, parfaitement présentés, dans les codes d’une marque à l’identité forte, et parfaitement bien positionnés au niveau tarifaire. Voyant cela, on a envie de recommander les montres Hermès. Toutes les montres Hermès. Car tout est bien… Mais comme il faut en choisir une et que sur Passion Horlogère nous aimons évoquer l’horlogerie au sens noble du terme, nous vous proposons de vous pencher sur cette superbe Arceau baptisée « l’heure de la lune ». Quoi de plus poétique… ? Et si c’est la technique qui vous intéresse, penchez-vous donc sur ce module créé par Jean-François Mojon qui se déplace pour cacher la lune au gré des changements de date. Une superbe animation qui saura vous conquérir !
Panerai suscite de grands espoirs
On en attendait pas moins de Panerai avec l’arrivée à sa tête de Jean-Marc Pontroué. Ce surdoué en provenance de Roger Dubuis qui a su faire évoluer la marque ultra luxe du groupe Richemont n’a pas encore mis sa patte sur les produits Panerai, mais a déjà travaillé très dur sur le message de l’Officine. Et c’est fortement séduisant ! Tout en respectant son “l’ADN”, il aspire à associer le client à l’histoire de la marque. C’est ainsi que chaque client des 3 produits haut de gamme édités en séries limitées se verra proposer une expérience hors du commun. Plonger avec Guillaume Nery dans un Atoll du pacifique, subir un entraînement des Commandos de la marine italienne, ou encore accompagner Mike Horn autour du cercle polaire, voilà ce qui les attend. Quand on connaît le capital sympathie de la marque auprès des fameux « Paneristi » et quand on sait le talent de ce nouveau CEO, cela ne peut augurer que de bien belles réalisations à venir.
Roger Dubuis, l’opportunité à ne pas louper
C’est Nicola Andreatta, transfuge de Tiffany, qui vient de succéder à Jean-Marc Pontroué à la tête de Roger Dubuis. Cette succession pourrait être qualifiée comme étant une tâche difficile tant le précédent occupant du siège de CEO était apprécié, mais le contexte semble favorable au nouveau patron de la Manufacture de Meyrin. Tout d’abord parce que la marque est en ordre. Avec une production 100 % poinçon de Genève et le titre de plus gros fabriquant de tourbillons, la qualification de Haute Horlogerie n’est pas usurpée. Et puis il y a eu ces partenariats avec Pirelli et avec Lamborghini. Véritables sources d’inspiration et vecteurs de rapprochement avec une clientèle parfaitement ciblée. Et enfin, il y a ce SIHH 2019 avec le signe venant d’une maison concurrente dans le secteur de l’ultra-luxe. Il semblerait qu’elle abandonne, au moins pour un temps, les hautes complications et l’horlogerie technique. Les bonbons de Richard Mille pourraient bien être un appel d’air dans lequel peut s’engouffrer Roger Dubuis pour venir rivaliser avec le champion des « happy few ».
RJ Watches se révèle
Nous l’attendions avec impatience… l’arrivée de Marco Tedeschi à la tête de RJ le 15 janvier 2018 devait dynamiser la marque. Et ce que nous avons pu voir au SIHH est déjà très intéressant. Il n’y a pas eu de changement radical avec une identité visuelle préservée, mais de très nettes améliorations du côté des produits. Les équipes de RJ Watches ont travaillé davantage sur l’ergonomie des montres. Le confort au porté s’en trouve nettement amélioré. Toujours volontairement provocatrice et « disruptive » RJ n’en oublie pas d’être une marque horlogère. Et ce travail horloger, nous pouvons le constater sur le modèle Arrow équipé d’un « module lunaire » breveté. Nous encourageons nos lecteurs à découvrir cette montre « de l’espace ».
Laurent Ferrier, ou la démonstration d’une beauté discrète
Il y a peu, Laurent Ferrier donnait sa définition du luxe comme étant l’expression d’une beauté discrète. Il vient une nouvelle fois d’en faire la démonstration. Passage obligé pour tout amateur de belle horlogerie qui se respecte, son stand au sein du carré des horlogers cachait quelques nouveautés qui ne sont pour la plupart que des évolutions de produits existants. Ce qui est le lot de la grande majorité des exposants. Car il est difficile d’innover sans arrêt. Mais nous espérions découvrir ce que quelques révélations avaient consenti à dévoiler.
Une montre « de forme ». Rectangulaire plus exactement. Une nouvelle pourrait-on dire. Mais chez Laurent Ferrier on s’accorde à toujours exalter la simplicité. Comme un virtuose saurait sublimer une partition en apparence simple, Laurent Ferrier sait donner l’équilibre parfait à la simplicité horlogère. Une boîte rectangulaire, des heures, des minutes… et le tour est joué ! Posée sur le poignet, la Bridge One donne le meilleur d’elle-même. Confort, élégance, beauté, harmonie… tout est présent.
La magie opère. Et une fois au poignet, impossible de ne pas clamer qu’il s’agit là de notre plus grand coup de cœur de cette édition 2019 du SIHH. Merci Monsieur Ferrier.
Laisser un commentaire