L’édition 2013 de la foire de Bâle ayant fermé ses portes, il est l’heure des premiers bilans des rencontres effectuées et des nombreux coups de coeur. Encouragée par les records de l’année 2012, l’industrie horlogère représentée à Bâle par quelques 1460 exposants bat déjà de nouveaux records. Celui du nombre de visiteurs du salon (122 000) et du nombre de journalistes accrédités (3610). Preuve s’il en est que le secteur intéresse encore et toujours plus. Une fois ces chiffres officiels exprimés, essayons-nous à une analyse « à chaud » de cette fastueuse 41ème édition.
En fin de salon, après plus de 60 professionnels visités en 8 jours, deux sensations se faisaient ressentir : la fatigue, et la satisfaction.
La fatigue était générale. Il faut dire que les moments de stress et d’euphorie se succèdent tous les jours de 9h à 18h sur tous les stands, selon qu’un journaliste influent ou qu’un gros client se présente. Les attachés de presse, lorsqu’il y en a, ont beau essayer de tout planifier, Baselworld est réputé pour ses RDV qui finissent par être décalés au fur et à mesure que la journée avance. Cela se finit très souvent par des excuses polies entre visiteurs et visités qui ne peuvent que regretter de ne pas pouvoir s’accorder le temps qu’ils espéraient. Cela se traduit enfin par la fameuse expression lancée régulièrement et comprise par tous : « C’est Bâle ».
La satisfaction quant à elle, était moins exprimée spontanément par mes interlocuteurs que la fatigue ressentie. Mais une fois la question posée, ce sentiment était unanime. Les médias ont été au rendez-vous, et les clients aussi. Cependant, un exposant me précisait qu’il ne serait complètement satisfait qu’une fois que les virements seraient apparents sur son compte bancaire. Plutôt réaliste…
Pour ma part, sans déroger à l’ambiance générale, je souhaiterais témoigner des impressions que m’ont laissées certaines marques et certains modèles présentés. Car bien que la réussite du secteur soit plus ou moins bien partagée, chaque année voit s’affirmer certains acteurs. Impressions !
LES MARQUES COUPS DE COEUR
Carl F. Bucherer
C’est LA marque qui m’a fait la plus grosse impression. Il régnait sur le pavillon Carl F. Bucherer une atmosphère euphorique, comme une ambiance de réussite. Confiants en la qualité de leurs produits et dotés d’un réseau de distribution parfaitement maîtrisé, les personnels de la marque donnaient l’impression de « marcher sur l’eau ». A l’image d’un Sascha Moeri, CEO de la marque, donnant de sa personne sans compter, arpentant les couloirs d’un pas décidé, adressant toujours un mot sympathique et encourageant à ses collaborateurs, et accueillant les visiteurs avec une énergie hors du commun.
Il possède un charisme qui n’a pas été sans me rappeler le ressenti que j’avais eu sur le stand Zenith lorsque j’avais rencontré J.F. Dufour pour la première fois. La comparaison entre les deux hommes s’arrêtant là, je suis convaincu qu’avec un tel homme aux commandes de la marque de Ste Croix et des produits de plus en plus intéressants, nous n’avons pas fini d’entendre parler de Carl F. Bucherer.
Hermès
Inaugurant un tout nouveau pavillon parmi les plus beaux du salon, la Montre Hermès nous dévoilait une palette de nouveautés en collection ou en pièces uniques. L’intégration de différents métiers horlogers et ses partenariats avec des métiers d’art donnent une rassurante impression de maîtrise. Comme à son habitude, quand la maison Hermès fait quelque chose, elle le fait bien !
Harry Winston
Il s’agissait pour moi d’une véritable découverte. Ou plutôt d’une confirmation après ma première découverte lors du salon Belles Montres 2012.
La marque Harry Winston produit des montres très haut de gamme, voire exceptionnelles. Ses « Histoire de Tourbillon » et autres « Opus » sont de véritables merveilles horlogères. Une réinterprétation de la complication horlogère la plus appréciée pour « Histoire de Tourbillon » et de la lecture du temps magnifiée pour la série des « Opus ».
La récente acquisition de cette magnifique maison par le Swatch Group laisse augurer quelques changements, mais j’espère que cela n’affectera pas l’excellence de sa production. La présence de toute la famille Hayek lors du cocktail inaugural tendant à laisser espérer la bienveillance de leurs intentions.
Zenith
La marque à l’étoile confirme le virage pris il y a 4 ans avec l’arrivée de Jean-Frédéric Dufour. Elle enchaîne les succès au rythme de ses nouveautés. La Manufacture, au Locle, s’est agrandie en 2012 pour répondre à une demande sans cesse en augmentation de ses produits mais aussi de ses mouvements qui équipent désormais certaines Tag Heuer Carrera.
Son partenariat avec le parachutiste autrichien Félix Baumgartner lui a assuré une visibilité planétaire et une reconnaissance de la part des amoureux des sports extrêmes.
Et chaque année depuis 4 ans ses résultats sont au beau fixe. Mettant l’accent cette année sur sa ligne « Pilot », la marque à l’étoile se lance à la conquête de ce qui l’animait à ses origines : l’esprit pionnier.
Girard-Perregaux
Un air de renouveau flottait dans le pavillon Girard-Perregaux. Comme un sentiment de plaisir à se retrouver au Baselworld après plusieurs années d’absence. Impression confirmée par mes interlocuteurs de cette belle maison qui a gâté ses clients en présentant pas moins de 8 nouveautés et en faisant accompagner certains de « Willy » la mémoire de la Manufacture, pour une visite sur-mesure.
Et comme elle sait bien le faire, les visiteurs ont pu être surpris par les nouveautés 2013. Tout d’abord avec une pièce de Haute Horlogerie exceptionnelle, fruit de nombreuses années de recherche. L’échappement Constant. Celui-ci avait été présenté en pré-Bâle et avait fait le « buzz » sur internet et dans la presse.
Ensuite avec une réinterprétation en finesse de sa collection Traveller. Des montres d’une élégance rare et portables au quotidien. Et enfin avec la réalisation d ‘un superbe Chronographe « néo-vintage » équipé d’un mouvement manuel à roue à colonne. Un véritable coup de cœur, parmi d’autres, au sein du salon.
Rolex
On attendait le mastodonte Rolex pour cette édition 2013 du Baselworld. Les pronostics allaient bon train concernant une nouvelle GMT Master II Céramique « Pepsi », ou une nouvelle Daytona acier pour fêter son cinquantième anniversaire. Là encore, Rolex a su nous surprendre.
De nouvelle GMT Master II céramique il a bien été question. Mais à défaut d’une version « Pepsi », il s’agissait d’une version appelée « Day & Night ». Une superbe lunette céramique bleue orne cette montre, dont une partie a subi une attaque chimique pour devenir noire. Procédé ayant nécessité quelques années de recherche pour un rendu parfait. Cette montre vendue au tarif de 7 250 € sera disponible à l’été.
Pour le Daytona, il a bien été question de nouveauté, mais cela n’a pas concerné la version acier. La marque à la couronne a été cohérente avec sa politique de montée en gamme observée depuis quelques années. Pour cela elle offre aux aficionados du Daytona une version en platine équipée d’un cadran couleur « bleu glacier » et rehaussée d’une lunette cérachrome marron. La montre sera proposée au tarif de 60 850 € et disponible à l’automne.
Enfin, parmi les autres nouveautés marquantes de Rolex, sa superbe Yacht-Master II destinée au monde vélique qui se propose désormais en acier. Là aussi la cohérence a été respectée après les versions platine, or, puis or et acier. Cette montre qui était admirée de nombreux collectionneurs va pouvoir toucher une clientèle plus nombreuse avec cette version acier dont le tarif public dépasse légèrement les 15 000 €.
Seiko
La marque nippone fête en 2013 le 100ème anniversaire de son statut de Manufacture horlogère depuis la réalisation de sa fameuse Laurel, et les 25 ans du mouvement Kinetic. Pour cette raison de nombreuses séries spéciales anniversaire sont proposées.
La « maison de la précision » a présenté par exemple 6 modèles Grand Seiko spécifiques au look « néo-vintage »,
– un modèle Ananta laqué bleu dont le design a été légèrement modifié,
– une Astron signée Kintaro Hattori, fondateur de la marque, et de nombreuses autres pièces Seiko destiné à un public plus large.
Pour l’occasion le pavillon Seiko avait fait « peau neuve » sur le salon de Bâle. D’un style monumental et divisé en deux parties, l’une évoquant la tradition et vouée à sa marque de Luxe « Grand Seiko » et l’autre dénotant l’innovation qu’incarne « Seiko », il symbolisait la puissance de ce groupe familial toujours aux mains de la famille fondatrice. Malgré cette puissance, l’accueil y est toujours aussi chaleureux et ouvert au public. Un bel exemple à suivre.
LES MODELES COUPS DE COEUR
A la question difficile « Qu’avez-vous vu de plaisant à Bâle ? », j’ai toujours énormément de mal à répondre. Après quelques jours de « digestion », j’ai pu faire un inventaire de mes coups de cœur. Ils ont été nombreux, mais je vais tâcher de vous livrer ici 8 d’entre eux.
La plus belle
L’an dernier, la Manufacture Patek Philippe nous avait surpris avec une pièce à complication, son chronographe à rattrapante ref. 5204. Nous attendions comme chaque année quelque chose de la part de ce monument de la Haute Horlogerie avant son 175ème anniversaire qui sera fêté en 2014. Ce n’est pourtant pas une pièce de Haute Horlogerie qui m’a attiré, mais une pièce plus « simple ». Il s’agit de la mythique Calatrava, la référence 5227, qui est pour moi la plus belle montre vue cette année à Bâle. Une montre très classique, ayant subi de subtiles modifications la rendant plus contemporaine et plus belle encore que ses aïeules. Le dessin de la boîte a été légèrement modifié avec une carrure de forme convexe aux extrémités jouxtant les cornes, et des cornes ajourées.
Le fond de boîte ouvert sur le mouvement automatique 324 SC est protégé par un couvercle dit « officier » dont la charnière est invisible lorsque la montre est portée.
Enfin, son cadran de couleur « coquille d’œuf » a bénéficié de 12 couches de laque pour un rendu d’une perfection digne de Patek Philippe. Je suis tombé littéralement sous le charme de cette splendeur, et, lorsque quelques jours après sa présentation à Bâle, j’ai appris que nous devions le design de cette montre à Thierry Stern lui-même, passée la surprise je n’ai pu que l’en féliciter.
La plus poétique
Quelques semaines avant le grand rassemblement mondial de Bâle, j’ai pu me rendre dans les bureaux de la société Speake-Marin pour y rencontrer son âme et fondateur, à savoir Peter Speake-Marin. Bien entendu, comme toute la profession horlogère, il travaillait sur la préparation du salon qui conditionne toute une année de production. Entre deux confidences, il m ‘a présenté celle qui serait lancée à Bâle. Elle devait selon lui ne pas laisser indifférent. On l’aimerait ou on ne l‘aimerait pas. Sa crainte était qu‘il y ait plus d‘incompréhension que d‘accueil positif.
A Bâle, hasard d’un agenda ultra-chargé, Peter devait être mon dernier rendez-vous. Je lui ai donc posé la question de l’accueil des journalistes et de ses clients concernant cette pièce dont la « complication » sans fonction m’avait énormément plu lorsqu‘il me l‘avait présentée. A sa grande surprise, il n‘avait rencontré que des personnes enthousiastes. Et son carnet de commandes était plein. De quoi laisser envisager une belle année pour cette jeune marque.
La plus désirable
La question qui se pose à un amateur d‘horlogerie qui possède ou qui a possédé des montres exceptionnelles est de savoir ce qui le fait encore rêver aujourd‘hui. Lorsqu‘on est passionné comme je le suis, on est tenté de répondre « toutes les montres ». Mais si cela devait se limiter à une seule pièce pour cette édition de Baselworld, ce serait sans conteste la Julien Coudray Manufacture 1518. Cette nouveauté de la toute jeune Manufacture dirigée par Fabien Lamarche, dont la compétence est reconnue unanimement, rassemble tout ce que j‘aime dans l‘horlogerie. La bienfacture est sans doute la première de ses qualités. Sa boite, son cadran, les matériaux utilisés, la finition de son mouvement, … tout est absolument réalisé à la perfection.
Le soin du détail se manifeste jusqu‘aux aiguilles bleuies et re-polies pour donner cet effet de couleur de tranche. Déjà émerveillé par la production de cet horloger indépendant présenté à Passion Horlogère en février dernier à Paris, je suis désormais envoûté par cette superbe manufactura 1548 que 48 heureux collectionneurs pourront acquérir dans les prochains mois.
La plus compliquée
Dans le jargon horloger, le mot « complication » est synonyme de grand savoir-faire et bénéficie d’une connotation positive. Fidèle à sa tradition de ré-invention de la lecture du temps, la maison Harry Winston présentait cette année à Bâle son Opus XIII.
Pour cela elle avait fait appel à la compétence d‘un horloger talentueux nommé Ludovic Ballouard. Ce dernier a imaginé un système de lecture précise de l‘heure avec un affichage de chaque heure et de chaque minute grâce à une aiguille dédiée. Ce qui pourrait sembler compliqué de prime abord, est en fait d’une simplicité enfantine à l’usage. Et cette montre, véritable œuvre technique, possède des proportions et un niveau de finition qui en font un produit ludique, précieux et parfaitement portable au quotidien. Une pure merveille horlogère.
La plus romantique
Si je devais offrir une montre à celle qui partage ma vie, dans toute la production présentée à Bâle je choisirais sans hésiter la Breguet Reine de Naples « Jour – Nuit » référence 8998. Cette montre de forme ovale reconnaissable entre mille est d‘une beauté à couper le souffle. Son cadran est divisé en deux parties composées d’une part de la lecture horaire, et d’autre part d’une indication jour / nuit très originale. Le soleil et la lune forment un ballet incessant dont la révolution complète s’accomplit sur 24 heures. Les finitions sont soignées et le boîtier en or est serti de 143 diamants, conférant à la montre une préciosité tant appréciée de la gente féminine.
La plus estivale
La Clipper Sport d’Hermès a été une agréable surprise. Cette montre respire la fraîcheur. Les couleurs vives de ses bracelets en caoutchouc (Rouge, orange ou bleu) sont une invitation aux vacances. On ne peut s’empêcher de s’imaginer la portant pour des activités de plage ou à la barre d’un voilier. Cette montre très bien conçue offre une excellente valeur perçue du fait de la notoriété de la marque. Et, chose incroyable, on peut être surpris à l’annonce de son tarif public. Proposée à moins de 4 000 €, et disponible dans les prochaines semaines dans tous les points de vente Hermès, nul doute que ce sera un « best-seller » de l’été 2013.
La plus virile
Durant la foire de Bâle j’ai eu la chance de passer un moment avec Fabrice Pougez, fondateur de la marque française Matwatches. Il était en visite sur le salon pour rencontrer ses fournisseurs suisses équipant certaines de ses montres dont la fameuse AG6 3 « Légion Etrangère ». Il en portait un prototype qu’il m’a proposé d’essayer deux jours durant. Ce que j’ai évidemment accepté avec grand plaisir. Cette montre à forte personnalité fait preuve d’une véritable présence au poignet. Sa boîte épaisse et d’un diamètre généreux se pose efficacement sur le poignet. Elle demeure néanmoins très confortable au porté. Seul son bracelet confectionné dans le cuir épais des tabliers de sapeurs de la Légion Etrangère nécessitera quelques portés pour prendre la forme du poignet de son propriétaire. Pour le reste, la montre est une totale réussite, destinée aux hommes d’action aimant les montres viriles.
La plus intéressante
Depuis quelques années déjà, la marque Tudor revisite son glorieux passé pour nous proposer des modèles « néo-vintage » de toute beauté. Ce parti pris participe à la construction d’une image solide pour cette marque qui a longtemps existé dans l’ombre de sa grande sœur. A Bâle, l’émancipation de Tudor a commencé par la séparation d’avec le pavillon Rolex. Les bâtiments se jouxtant sont séparés, bien que communiquant de l’intérieur. Ensuite, il s’agit de séduire une clientèle différente, complémentaire à celle de Rolex. Il semble exister une stratégie de véritable occupation du marché de la part des deux marques du groupe, à savoir un positionnement de plus en plus élevé en gamme pour Rolex, et une conquête d’un segment lié au sport et à « l’art de vivre » pour Tudor. Ce pari audacieux semble en partie réussi lorsqu’on observe l’engouement suscité par la ligne « Héritage » auprès des amateurs de Rolex anciennes. Et la nouvelle « Chrono Blue » réinterprétant la « Montecarlo » des années 70 dans un style « Yacht Club » ne devrait pas déroger à cette règle. Proposée à 3 470 €, elle sera disponible fin mai à l’achat.
Cette 41ème édition de la foire de Bâle a, selon moi, tenu toutes ses promesses à travers ses nouveautés, sa diversité, ses innovations et les grands classiques revisités. Nous en saurons plus lorsque les marques publieront leurs résultats. Mais, d’ores et déjà, certains parlent d’une nouvelle année de records battus. Prenons date…
Thierry Gasquez
Président
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