Les réseaux sociaux ont ce pouvoir extraordinaire de permettre à ceux qui se sont perdus de vue de se retrouver. Même si les contraintes quotidiennes n’autorisent pas de se revoir immédiatement, le fil des actualités d’un compte, d’une page, ou d’un groupe Facebook permet lui, de suivre l’évolution d’amis pouvant évoluer à l’autre bout du monde.
Cédric est un copain de toujours. Celui avec qui j’ai partagé d’innombrables moments d’amitié entre la petite section de maternelle et le lycée. En plus d’avoir été un copain de classe, il était un voisin et un coéquipier de rugby. Autant dire que pendant plus de 15 ans nous ne passions pas une journée sans nous voir. Et puis il y a eu les études, les parcours professionnels, les mariages… la vie. Et la dernière fois, c’était il y a 10 ans, à l’occasion des 50 ans de notre premier club de rugby, le RCBM, quand la « génération Zamora » (la nôtre) a gagné le tournoi inter générations. Un dernier magnifique souvenir à partager entre « vieux » amis (vieillissants surtout)…
Et puis il y a eu la magie Facebook. Les fameux algorithmes qui épient chacun de nos mouvements et qui croisent toutes nos données. Facebook nous a proposé d’entrer en contact puis nous a permis de nous suivre de temps en temps. De manière très discrète au début et de plus en plus souvent au fil des « like » et des commentaires sous les publications.
En juin dernier je vois qu’il publie des visages d’enfants réalisés par découpe de bois. Le résultat est édifiant. Je ne sais pas si c’est son métier que de travailler le bois, mais une idée me traverse l’esprit. Sur les groupes Facebook d’amateurs de montres, on peut voir de temps en temps quelques réalisations artistiques destinées aux passionnés d’horlogerie. J’ai alors l’idée de proposer quelque chose à Cédric. Je lui soumets le projet qu’il accepte de mener avec enthousiasme.
Ce projet est celui de continuer l’histoire d’une de mes montres. Ma Rolex Submariner 114060. Cette montre a une immense valeur symbolique. Elle est celle que je lie à l’aventure « Passion Horlogère ». Lorsqu’en 2012 je suis contacté par les Editions Solar pour un projet éditorial, j’embarque tous mes amis avec moi. Tous ceux qui, comme moi, sont passionnés d’horlogerie, et aiment à l’exprimer. Certains sont spécialisés dans une marque, ou un modèle, d’autres sont d’excellents photographes amateurs. Sans oublier Emmanuel, co-auteur du livre, sans qui jamais Passion Horlogère n’aurait pu exister, puisque c’est lui qui m’a initié à la belle horlogerie. L’écriture de ce livre est ainsi devenue une véritable aventure humaine qu’il fallait mener tambour battant. Les éditions Solar m’avaient imposé un délai de 3 mois pour écrire ce livre qui devait entrer dans la collection des Objets cultes.
100 Montres Cultes fut le fruit d’une passion collective et amicale. Le manuscrit a été livré dans les temps et le livre édité. Le premier tirage a compté 9 000 exemplaires et il a été renouvelé maintes fois depuis son lancement en 2013. Or, j’aime associer un moment important de ma vie à une montre. Je me suis alors offert cette Rolex Submariner 114060 pour marquer ce beau moment et l’écriture de ce livre. À cette époque, on trouvait des Submariner chez les détaillants sans devoir attendre les délais fous que nous connaissons aujourd’hui.
Lors de la réception de cette montre, j’ai eu la surprise de trouver le fond de boîte gravé de mes initiales entourant le logo de Passion Horlogère. Cadeau de Rolex France et de Philippe Schaeffer, son patron d’alors, qui inauguraient l’arrivée d’une nouvelle graveuse laser au siège de l’avenue Ruysdaël. Ce cadeau pour me remercier d’avoir choisi une Rolex pour illustrer la couverture du livre (la première édition). Preuve aussi que la marque à la couronne était satisfaite du traitement des cinq modèles sélectionnés pour intégrer les 100 montres cultes.
Immédiatement réceptionnée, cette montre s’est vue livrée du côté d’Angers avant même de gagner mon poignet. Je souhaitais l’immortaliser sous l’objectif de Jacques-Olivier. Un ami graphiste et photographe dont le talent n’a d’égal que la gentillesse. Il l’a conservée plusieurs semaines afin de réaliser quelques sublimes clichés dont un que j’affectionne tout particulièrement.
À partir de son retour, cette montre allait devenir ma principale montre quotidienne. Bien entendu j’alternais régulièrement avec des montres en essai pour un projet rédactionnel sur Passion Horlogère, ou alors il m’arrivait encore de porter d’autres montres de mon humble collection.
En 2017, alors que je retrouvais, comme à notre habitude, Peter Speake-Marin à l’autre bout du monde, il m’a évoqué son nouveau projet d’alors. Le lancement d’une encyclopédie horlogère en ligne associée à un projet « d’autopsies » de montres de luxe : The Naked Watchmaker.
Pour réaliser des déconstructions, Peter ambitionnait de démarcher les marques. Mais pour ce faire, il devait montrer ce à quoi cela allait ressembler. Et Peter, ayant quitté la marque Speake-Marin qu’il avait fondée, ne possédait plus de montres. De plus, pour une des premières déconstructions il lui fallait un produit qui marquerait les esprits. Sans hésiter, je lui ai proposé une de mes montres. Même deux… la première serait ma Rolex Submariner 114060. Une montre récente, solide, fiable, et très appréciée dans le milieu horloger. Peu de risques pour l’horloger, et l’assurance d’une très large visibilité pour un lancement de site internet. Le résultat était largement supérieur à toute attente !
Depuis, j’ai dû apprendre à me passer de cette montre. Car j’ai surtout voulu apprendre à en aimer d’autres. De différentes marques. Alors, comme d’autres pièces de collection, ma Submariner 114060 a rejoint le coffre-fort de la banque, pour y séjourner en sécurité. Parfois je retourne la récupérer afin d’en profiter quelques jours. Mais j’essaie d’alterner très régulièrement. J’oserais presque dire que je me force à cela. Car s’il ne devait en rester qu’une, en ôtant tout l’affect entourant toutes les autres montres de ma collection, ce serait probablement celle que je conserverais. De manière très objective. Pour son confort, sa polyvalence, sa fiabilité, sa précision, et son côté « indestructible ». J’adore cette Rolex Submariner. Et je peste de constater aujourd’hui que je ne peux plus la porter avec l’insouciance qui me caractérisait il y a quelques années de cela. Les agressions pour des Rolex sont si nombreuses à Paris et ailleurs que je ne veux plus la porter en toutes circonstances. Question de sécurité ! Aussi, ces objets prennent une telle valeur aujourd’hui qu’ils attisent convoitise et curiosité. Alors qu’en 2013 personne n’y prêtait attention et qu’il m’arrivait fréquemment de la porter en jardinant ou en bricolant. Aujourd’hui ce serait considéré comme imprudent, voire indécent… Mais peu importe, cela ne change en rien le plaisir que j’ai à posséder cette montre, à la porter encore de temps en temps, et à lui offrir son histoire : la mienne.
Et cette réalisation de Cédric, mon « ami de 40 ans », ce chantournage dentelle de ma Rolex Submariner, vient lui apporter une valeur affective supplémentaire. Cette montre, dont l’origine est l’amitié, continue à symboliser, sans le rechercher obstinément, cette valeur si chère à mes yeux. C’est l’essence même de Passion Horlogère : une histoire de montres, d’amis, et de passion !
Laisser un commentaire