L’été est bien installé. Mais cette année diffère des précédentes. Bien que l’on entende parfois parler de congés, on parle un petit peu moins de vacances. Les horlogers, et le luxe en général ont été durement impactés par cet épisode de confinement. Et chacun a les yeux rivés sur l’activité et les premiers résultats : ceux du mois de juin.
À Paris, les touristes ne sont pas attendus cet été. Pourtant, sous le magnifique soleil de ce mois de juillet, on arrive à en croiser. Ils sont moins « exotiques » que les années précédentes. Plus « européens ». Et sans doute moins dépensiers.
Mais les parisiens sont là, avec ce désir de vivre qui les caractérise. Cela frôlerait parfois l’insouciance voire l’irresponsabilité. Les terrasses sont bondées de monde. On ne croise des masques que dans les transports en commun. Et la distanciation sociale parfois évoquée avec le sourire n’est plus qu’un vieux concept intellectuel. Par conséquent, la ville semble plus « circulable » que jamais avec ses cohortes de vélos dans les artères désormais fermées aux automobiles. Bien entendu, on entend toujours ces nombreuses critiques à l’endroit de l’édile municipale ennemi des automobilistes, mais sa récente réélection haut la main laisse à penser que seuls les travailleurs banlieusards devant se déplacer à Paris s’en plaindraient. Paradoxe parisien, s’il en est…
Et du côté de l’horlogerie, qu’en est-il ? Nous l’évoquions précédemment, tout le monde décortique les résultats du mois de juin. Et tous les professionnels que nous avons rencontrés nous font part de leur surprise. Les chiffres sont bons ! Ils ne rattraperont jamais les pertes de ces longs mois de confinement, bien évidemment, mais ils sont en progression par rapport à juin 2019. Les français auraient réagi à la fin du confinement. Et ceci dés le 11 mai nous témoigne-t-on chez les détaillants. Les clients apprécieraient de retourner chez leurs horlogers pour rechercher des nouveautés. Et ils aimeraient cette ambiance et cette entière disponibilité qui leur sont offertes.
Face à ce constat, les marques se devaient de réagir. Elles ont donc revu leur calendrier de sortie des nouveautés. L’annulation des grands salons ne leur laissait déjà guère le choix. Mais ce semblant d’euphorie finit de les convaincre. « Il faut lancer des nouveautés ! Même en juillet. Et pourquoi pas en août ! En tout cas le plus vite possible, et il ne faut pas s’arrêter pendant l’été. » C’est ce qu’il se dit.
Car la menace pointe. On parle déjà d’une possible deuxième vague de COVID-19 à la rentrée. On parle aussi de plans sociaux qui se préparent pour la même période. La douceur de l’été semblant n’être finalement qu’un répit avant le second acte de la Chronapocalypse 2020 comme aime à la nommer Grégory Pons de Business Montres. Alors tout le monde – ou presque – s’est mis au travail. Mais c’est en ordre dispersé. Les grands groupes et certaines marques donnaient déjà l’impression de ne travailler que sur le court terme, mais là on en serait presque au « jour le jour ». Il y a les bons et les mauvais élèves.
Dans le Swatch Group on se concentre pour le moment à réorganiser l’organigramme de chaque marque. Des promotions internes succèdent aux départs en retraites de quelques « Rocs » en place depuis de (trop ?) nombreuses décennies. Mais côté nouveautés, on attend encore celles qui sauront nous séduire…
Chez Richemont, on donne une impression de Berezina. Les habitués de Business Montres peuvent suivre au jour le jour cette crise structurelle d’un groupe tellement admiré autrefois et qui offre aujourd’hui un spectacle pitoyable de luttes intestines. Spectacle qui va jusqu’à occulter le lancement de certaines nouveautés horlogères pourtant intéressantes. Et les dirigeants sont si concentrés sur leurs boni et leurs carrières que certains détaillants s’en ressentent maltraités. C’est ainsi qu’on a pu voir des initiatives inédites et impensables jusqu’alors dans l’horlogerie de luxe : un destockage affiché sur le trottoir. De quoi écorner l’image de magnifiques maisons qui ont mis tant d’années à imposer leur excellence et qui donnent l’impression de se saborder…
Chez Rolex, on se veut au-dessus de la mêlée. Aucune nouveauté n’était encore annoncée pour 2020 malgré l’annulation des salons horlogers. Alors la voie était libre pour Tudor (seconde marque du groupe) qui, le 1er juillet, a lancé celle qui semble être incontestablement « La montre de l’été ». Une magnifique Tudor Black Bay 58 Navy Blue. Digne héritière des plongeuses Tudor, au premier rang desquelles la fameuse « Marine Nationale », avec l’utilisation du bleu des sportives de la marque durant les années 70. Dés sa sortie, cette montre a fait le buzz sur les réseaux sociaux, et certains détaillants pourtant richement fournis ont très vite affiché « Sold out ». Voilà qui fait plaisir à entendre quand on les interroge sur la situation actuelle.
Mais chez Rolex l’élégance est une seconde nature. La marque genevoise laisse tout l’été à Tudor pour faire de sa BB 58 Navy Blue un best seller. Et elle vient tout juste d’annoncer qu’elle présentera ses nouveautés 2020 le 1er septembre. Rolex démontre encore et toujours qu’elle est une marque à part. Chapeau !
Chez LVMH, chaque marque se débat avec ses dossiers. Bvlgari prépare son prochain salon genevois, Hublot continue ses expériences en matière de matériaux, Zenith regarde du côté des étoiles, et TAG Heuer travaille efficacement. Après une année 2019 marquée par les 50 ans de la Monaco, la pépite de LVMH Horlogerie enchaîne les nouveautés et les succès. La Carrera Connected fonctionne très bien, la Connected Golf est un carton, et la jolie Montréal est « sold out ». De nouvelles Carrera vont être lancées dans les jours prochains et augurent de beaux scores.
Le groupe Frederique Constant continue d’afficher de beaux résultats. Et les nouveautés qui s’égrènent depuis la fin du confinement ne démentent pas un très gros succès des marques du groupe, en France. Le dynamisme de Yohan Bizy n’est sans doute pas étranger à ce carton qui se confirme au fil des mois ! La rentrée va s’annoncer très très prometteuse. À condition que le marché soit toujours actif. Mais en attendant, nous avons le plaisir de découvrir quelques nouveautés.
Chez Seiko, c’est surtout Grand Seiko qui fait l’actualité. L’ouverture de la boutique parisienne de la place Vendôme et l’arrivée à la tête de la marque, en Europe, du charismatique Frédéric Bondoux annoncent les intentions du géant japonais. La marque fera l’objet d’un traitement spécial sur Passion Horlogère dans les prochains jours.
Chez Garmin, le leader du « weareable », on continue d’innover. La collection Marq continue de développer sa proposition aux clients de l’horlogerie de luxe, mais surtout Garmin développe le « Solar ». Les chiffres de progression des montres connectées et ceux de Garmin en particulier, avant, pendant, et après le confinement laissent rêveurs tous les autres opérateurs du secteur. Ne pas proposer le géant américain en boutique horlogère multimarque semble une hérésie aujourd’hui, tant le produit fait preuve d’une énorme dynamique commerciale.
Et puis il y a les marques plus confidentielles. Celles qu’on aime aimer… Celles dont la structure permet de s’adapter rapidement à la conjoncture et qui ont compris qu’il fallait vite proposer des nouveautés.
On citera Trilobe avec sa collection « Les Matinaux » qui embarque désormais un nouveau mouvement équipé d’un micro rotor, ce qui permet de réduire de manière importante l’épaisseur de la montre.
Réservoir, la jeune marque « qui monte, qui monte » met l’accent sur la collection « GT Tour » avec deux pièces magnifiques. Un modèle GT Tour bleue « de France » et un concept « Cabriolet » (encore à l’état de prototype).
Et puis il y a une vieille dame dont on se surprendrait presque à dire qu’elle signe son retour, alors qu’elle n’est jamais vraiment partie. Depuis 1882 elle colore l’horlogerie fine, élégante, et de luxe, avec des tons d’exubérance, de salsa, et d’odeurs de cigares. Cuervo y Sobrinos en est à sa deuxième renaissance depuis ses années de grande euphorie, dans les années 1950.
Nous avons présenté la marque aux lecteurs de Passion Horlogère, mais surtout nous avons voulu sélectionner un modèle qui pourrait incarner un été d’insouciance. La Vuelo Domingo Rosillo est une montre aux charmes incroyables. Aussi belle à regarder qu’agréable à porter.
Avec ce modèle et toutes ses collections originales, Cuervo y Sobrinos entend ancrer, puis développer sa présence en France à partir de points de vente tels qu’Anshindo, Freret-Roy ou Louis Pion Madeleine, à Paris.
Cette période si particulière, depuis le mois de mars dernier, l’est à tous points de vue. Les changements sont profonds et tout porte à croire qu’ils seront durables. Pour autant, point de résignation à manifester. Bien au contraire ! On voit que certaines marques s’adaptent au marché, adaptent leurs offres, adaptent leurs calendriers, et adaptent leur communication. Il est sans doute temps pour les passionnés d’adapter leurs envies et de faire table rase des préjugés horlogers entretenus depuis plus de 20 ans. Si les marques d’hier ne savent pas se renouveler, soutenons celles de demain qui font preuve d’un dynamisme encourageant.
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