S’il est une marque qui fait l’actualité en ce moment c’est bien Grand Seiko. Entre ses séries spéciales et la nomination d’une nouvelle Présidente en France qui semble motivée pour travailler sur le positionnement luxe de la marque, il apparaît que la fin 2019 annonce une grande année 2020 à venir. Car cette année sera spéciale pour la marque nippone de luxe. En 2020 on fêtera les 60 ans de Grand Seiko. Et si les 50 ans du quartz et les 20 ans de Spring Drive ont été fêtés plutôt discrètement en 2019 par le géant japonnais, il semblerait qu’il y ait une volonté inverse concernant les 60 ans du luxe horloger nippon. En tout cas c’est ce que nous pouvons déjà ressentir et c’est attendu par de nombreux collectionneurs.
Certains signes ne trompent pas… Comme évoqué supra, il semblerait que Grand Seiko ait pris le parti de plus et mieux communiquer autour de la sortie de nouveaux modèles. Et ceux-ci semblent se multiplier. Avant 2010, Grand Seiko était une marque réservée au marché japonais. On voyait de temps en temps quelques pièces arriver au Seiko Center à Paris, par la volonté des dirigeants de la marque en France. Mais rien de réellement officiel. Depuis 2010 c’est tout autre chose. Grand Seiko s’offre au monde. Il y a eu une politique de globalisation, suivie d’une politique d’émancipation de la marque par rapport à la maison mère, Seiko.
Un changement d’approche
Aujourd’hui Grand Seiko est une marque à part entière, et ce depuis 2017 et cette annonce à Baselworld où Shinji Hattori, Président du Groupe Seiko disait à propos de Grand Seiko : « Nous sommes une manufacture complètement intégrée. Une des rares dans le monde. Nous produisons nous-même nos montres : nos aiguilles, nos cadrans, nos mouvements, nos boîtes, nos bracelets, et même nos spiraux. Toutes les marques horlogères ne peuvent pas en dire autant ! Mais à qualité identique, notre problème, c’est notre image. »
La prise de conscience au plus haut niveau du groupe devait avoir des répercussions sur tous les niveaux intermédiaires. Le message était clair : Grand Seiko se mettait en ordre de marche pour conquérir le luxe horloger.
Chez Grand Seiko on sait que cela ne peut pas se faire en un claquement de doigts. Et ce n’est pas la volonté des dirigeants du groupe. Le 2 octobre dernier, une poignée de journalistes spécialisés avait l’opportunité de rencontrer Isabelle Couturet, Présidente de la filiale France / Italie. Son discours s’inscrit dans celui de Shinji Hattori en 2017 à Bâle. Deux axes de communication semblent privilégiés. Le premier, celui pédagogique concernant la qualité intrinsèque des produits Grand Seiko. Les amateurs et les professionnels connaissent cette qualité, mais pas le grand public. Le second sera de bien travailler sur le positionnement de la marque. Grand Seiko est une marque de luxe et doit se trouver dans un environnement dédié au luxe. Plus question de trouver ces montres de belle horlogerie au milieu de montres de segments inférieurs. Fussent-elles d’excellente facture elles aussi. Le réseau et les clients doivent parfaitement se retrouver avec cette marque dont le nom pourrait parfois pousser à la confusion. Le sujet de la boutique parisienne de la rive droite semble désormais plus que d’actualité. Showroom, ou flagship, quel que soit le qualificatif utilisé, il devrait être un outil très utile à une communication en voie de mutation.
Grand Seiko et le retail horloger de luxe
Force est de constater que les choses commencent à changer. Cela ne se situe pas encore au niveau du « grand public », mais à celui des « faiseurs de tendance ». Ceux que l’on pourrait qualifier aujourd’hui à l’ère d’Instagram « d’influenceurs ». Mais ces faiseurs de tendance là n’ont rien à voir avec des opportunistes du clic. Ce sont des personnes, comme Laurent Picciotto, qui étaient déjà ainsi qualifiés il y a 10 ans.
Laurent Picciotto, fondateur de Chronopassion à Paris, est un homme à l’avant-garde de l’horlogerie. Son histoire est jalonnée de belles aventures s’appelant Richard Mille, MB&F, ou encore Hublot. Il a toujours su dénicher les incontournables. Et depuis un petit peu plus d’un an il propose Grand Seiko à ses clients ultra exclusifs. Quand on l’interroge sur le sujet, voici ce qu’il nous répond :
« Grand Seiko est une marque de niche. Dans l’esprit d’un public large, Seiko et Grand Seiko c’est la même chose. C’est donc bien qu’il y a un problème de communication. Mais quand on regarde de près la qualité de finition de Grand Seiko, je peux vous affirmer qu’on ne la retrouve chez personne d’autre !
J’ai donc démarré il y a peu cette collaboration avec la marque japonaise d’horlogerie de luxe. Ce qui m’a intéressé, c’était de toucher de nouveaux clients. Car le client Grand Seiko est très intéressant. Il se fiche des conventions et du côté statutaire de sa montre. Les clients Grand Seiko sont « ceux qui savent » ! Et puis quand vous êtes un chef d’entreprise, le fait de travailler avec une marque d’une telle taille a quelque chose de rassurant. Vous ne courrez pas beaucoup de risques. Cette entreprise a une notoriété séculaire, et même si ses pièces sont sous-estimées, moi je sais ce que je vends, et cela me rassure beaucoup. »
Nul doute qu’avec un tel partenaire, la marque a sans doute trouvé le meilleur allié pour véhiculer une image luxe, tendance, voire « Rock n’ Roll »… Et il est à remarquer que Laurent Picciotto aura été un des tout premiers détaillant horloger indépendant à s’ouvrir à Grand Seiko. Gageons qu’il soit imité dans les prochaines années.
La reconnaissance des pairs
L’horlogerie nippone a ceci d’extraordinaire que sa qualité n’a d’égal que son humilité. Quand Philippe Dufour a visité Credor et Grand Seiko pour comprendre ces pièces extraordinaires qu’il voyait passer entre les mains de grands collectionneurs, la marque japonaise n’a pas communiqué autour de cette visite en forme de reconnaissance.
Et en 2019, un autre horloger de renom s’est rendu au Japon pour visiter les installations de Haute Horlogerie de la « Maison de la Précision » (traduction de Seikosha, nom originel de la marque). Cet horloger c’est l’anglais Peter Speake-Marin, alias « The Naked Watchmaker ». De cette visite de deux semaines au pays du soleil levant a résulté un reportage et des projets de « déconstructions » de montres Grand Seiko. Marque qu’il avait connue après avoir déconstruit une Grand Seiko Hi-Beat prêtée par un ami.
Et quand on interroge Peter Speake-Marin à propos de ce qu’il a découvert sur place, voici ce qui en résulte :
« J’ai toujours aimé voyager. Et plus le contraste culturel est fort, plus l’expérience est forte. Aller au Japon permet de révéler un contraste très fort qui ne s’épuise jamais. L’accueil que nous avons reçu était chaleureux et respectueux et nous avons eu libre accès aux installations de Shiojiri (Seiko Epson Factory – NDLR) et de Moriaka (Seiko Instrument – NDLR). Les horlogers, techniciens, et artisans que nous avons rencontrés étaient tous sérieux et tiraient une grande fierté de leur travail, comme nous l’imaginions des Japonais. Couplé au côté sérieux, nous avons eu un accueil très chaleureux et un enthousiasme à collaborer avec la plateforme The Naked Watchmaker. Lors de la fabrication des montres Grand Seiko et Credor, j’ai été surpris par l’ampleur des manipulations manuelles et par la finition des produits, jusqu’à la fin… mouvement et boîtier. »
Quand on l’interroge sur la comparaison entre horlogerie japonaise et horlogerie helvétique, l’horloger répond :
« Chaque entreprise horlogère a sa propre culture née du lieu où les montres sont fabriquées et des personnes qui s’y trouvent. Cela varie d’une région à l’autre et d’une entreprise à l’autre. Grand Seiko est l’approche japonaise de l’horlogerie. Elle ne peut être comparée à l’horlogerie allemande, suisse ou anglaise. L’aspect le plus intéressant que je ne comprenais pas pleinement avant mon arrivée, était leur quête de précision et de longévité à travers une fusion de régulateur à quartz et de puissance mécanique. Cela a été une révélation ! Grand Seiko Spring Drive a pris la précision associée à de l’électronique, rarement trouvée dans les garde-temps mécaniques, pour en faire un héritage familial grâce à une approche unique qui a pris près de 28 ans pour se développer. C’est un dévouement à une cause … ».
Peter Speake-Marin évoque le temps long qui autorise un travail abouti, et qui est celui rendu possible par une maison familiale indépendante. C’est quelque chose qui était évoqué dernièrement par Thierry Stern concernant la marque Patek Philippe, et qui est toujours évoqué à propos de Rolex qui jouit d’un statut de fondation Suisse qui met la marque à l’abris des conséquences de l’actionnariat. Car Grand Seiko est une entité appartenant à un groupe familial. Ce qui l’autorise à travailler sur l’aspect patrimonial de ses produits.
Grand Seiko, une marque de luxe pour grands amateurs
Après le détaillant et l’horloger de renom, il nous importait d’interroger un client Grand Seiko. Mieux que cela, un spécialiste de la marque. Nous nous sommes ainsi rapproché d’Arnaud Aimonetti, fondateur du blog Wadokei, dédié à Grand Seiko. Nous l’avons interrogé sur les détails permettant de qualifier une montre Grand Seiko de montre de luxe et sur ce qui l’a motivé à acheter sa première montre de la marque.
« À mon sens, c’est la philosophie Japonaise, qui est infusée dans ces montres, qui fait la différence. Quand on s’intéresse à la façon dont ces montres sont conçues, dessinées, manufacturées, assemblées, ajustées, on se rend compte qu’il y a une quête de la perfection très Japonaise, ancrée dans la culture Japonaise et la philosophie bouddhiste zen. Ne me prenez pas tout de suite pour un fou et laissez moi expliquer !
Tout le travail manuel, la qualité incroyable du polissage et des finitions, la précision des mouvements, le développement technologique constant, toutes ces choses émanent d’un sens différent de la perfection et de l’esthétisme que nous pouvons avoir, nous, occidentaux. Grand Seiko propose une approche différente de l’horlogerie, au travers d’un prisme culturel, esthétique, historique et même philosophique différent. On retrouve énormément de parallèles entre différents aspects culturels Japonais et la façon dont ces montres sont fabriquées.
Par exemple, selon les horlogers Grand Seiko, pour qu’une montre soit belle, il faut que les gestes de l’horloger soient beaux, fluides, gracieux et sans superflu. On retrouve exactement la même idée dans la cérémonie du thé, où ses pratiquants considèrent que le thé est meilleur s’il est préparé avec grâce et élégance. Ce n’est qu’un exemple parmi tant d’autres.
Au final, Grand Seiko depuis 1960 s’applique à tendre toujours plus vers la perfection sans aucune concession, dans une démarche typiquement Japonaise. Et c’est pour ces raisons là que ces montres brillent aujourd’hui par leur précision, leur niveau de finition ou encore la quantité de travail manuel qu’on retrouve à chaque étape de fabrication et d’assemblage. C’est une vision du luxe qui me parle car elle est différente de celle qu’on nous propose habituellement.
Et concernant ma motivation à acheter ma première montre Grand Seiko, ça a été un cheminement. Au final je crois que c’est justement cette approche différente de l’horlogerie qui m’a parlé. J’ai construit ma passion pour le Japon en même temps que ma passion pour l’horlogerie et les deux sont donc intimement liés pour moi. Je vis juste à côté de Genève et je côtoie quotidiennement l’horlogerie de près ou de loin. Et je trouve que Grand Seiko propose une approche de l’horlogerie différente et complémentaire qui me parle, que ce soit d’un point de vu très terre à terre (esthétique, précision, lisibilité, fiabilité, qualité des finitions…) ou au contraire d’un point de vue plus personnel, avec ma passion pour le Pays du Soleil Levant et sa culture si différente de la notre.
Et plus ma passion grandit, plus ces montres me parlent et me passionnent. Elles m’ont fait découvrir des choses que je n’imaginais pas découvrir à travers de simples objets. Bien que je sois attiré par d’autres choses, je reviens toujours à Grand Seiko parce que j’ai un lien intime avec ce que ces montres représentent et la philosophie qui les anime. C’est très cliché de dire ça, mais pour moi ce sont plus que de simples objets, ces montres sont une invitation au voyage. »
À travers les explications d’Arnaud on perçoit la passion qui l’anime pour les montres Grand Seiko et pour tout ce qu’elles représentent. Comme tous les collectionneurs « mono-marque », il semblerait qu’un lien intime se soit tissé entre la marque, ses produits, et le passionné. On retrouve cela chez les « Paneristi », chez les « Rolexophiles », ou encore chez les « Omega-maniques », comme ils se plaisent à s’appeler.
Grand Seiko, la marque des collectionneurs de demain ?
Mais il n’est pas exclu qu’un collectionneur passe d’une marque à une autre. Après le collectionneur avéré, nous avons pris contact avec un amateur de belle horlogerie en pleine réflexion. Il possède de nombreuses montres de marques helvétiques et se trouve actuellement en pleine réflexion pour acquérir prochainement une montre Grand Seiko. Rencontre avec Pierre Barreda, mannequin de mode.
« Je vis au Japon depuis de nombreuses années maintenant. Je suis marié à une japonaise et suis papa de deux enfants. On peut donc dire qu’au quotidien je suis imprégné de culture japonaise. En matière horlogère, je suis très sensible aux montres de collection Vintage. Je suis habitué à porter des Rolex Vintage.
Mais depuis quelques temps je trouve plaisir aussi ailleurs. Il y a quelques mois, j’ai demandé à mon père de me ramener de France la Seiko Passion Horlogère que je possédais. Et puis je me suis acheté une Diver’s que j’ai complètement transformée. C’est très amusant.
Mais quand on est sensible à la qualité des matériaux, à la fabrication artisanale, aux cadrans fabriqués par des artisans dans des régions du Japon… on commence à regarder du côté de Grand Seiko. Cette marque incarne la culture japonaise. Elle est la parfaite alliance entre tradition et innovation. Ce qui est très japonais dans l’esprit. C’est pour cela que si j’achète bientôt ma première Grand Seiko, ce sera une Spring Drive. Quand tout le monde en France regarde les montres automatiques comme quelque chose d’extraordinaire, ici, la signature Grand Seiko, c’est Spring Drive. Encore que, la Grand Seiko Hi-beat est vraiment magnifique… »
C’est toute cette dualité associant ou opposant, selon les cas, la tradition et l’innovation. Ces notions sont fortement usitées en horlogerie, mais elles s’appliquent formidablement bien à Grand Seiko, et à ce luxe japonais. En 2019 Seiko et Grand seiko fêtaient à la fois les 50 ans du lancement du quartz, et le premier mouvement hi-beat à 36 000 alternances (la même année que « El Primero », premier chronographe à haute fréquence). Et en 2020, Grand Seiko va fêter ses 60 ans… Soixante années d’excellence horlogère, soixante années de tradition (grammaire du design, méthode Zaratsu, horlogerie traditionnelle…etc.), et soixante années d’innovation (Quartz, Super-quartz, Sprind Drive…etc.).
Nous vous invitons à parcourir nos pages pour retrouver l’actualité Grand Seiko et quelques témoignages qui vont en apprendront sans doute pas mal sur cette marque. Et sans vouloir incarner la grande vague de Kanagawa qui balaierait tout sur son passage, Grand Seiko met tout en œuvre désormais pour prendre une place que d’aucuns lui disent légitime désormais. À suivre…
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